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Crassostrea gigas. Crédit : David Monniaux
Elevée d'abord en Bretagne au début des années 1970, l'huître creuse japonaise Crassostrea gigas ne devait pas tarder à se plaire sur les côtes françaises... Les premières implantations en milieu naturel ont été constatées en 1976, à la faveur de l'été particulièrement chaud et sec qui a recréé les conditions indispensables à sa reproduction.
Puis en 1980, elle a été observée sur les rochers avoisinant les parcs ostréicoles, quoique de façon timide... Mais à partir de 1990, le réchauffement climatique ayant élevé la température moyenne de 1 degré, l'huître s'est mise à proliférer et à migrer vers le nord de la côte atlantique.
Actuellement, sa présence est estimée à quelque 10.000 tonnes dans le golfe du Morbihan et 15.000 tonnes en rade de Brest, et elle continue à disséminer ses œufs. Car pour que l'espèce se reproduise, la température de l'eau doit atteindre 18 à 20°C, et les épisodes chauds atteignant cette valeur sont de plus en plus fréquents en été. Même la fin de l'été 2007, qui n'a pourtant pas été particulièrement chaud, a connu de nombreux jours de ponte.
Une concurrence déloyale ?
En comparaison de ces chiffres, les élevages bretons produisent annuellement environ 30.000 tonnes d'huîtres destinées à la consommation. Crassostrea gigas est ainsi devenue l'huître la plus populaire, ainsi que la plus abondantes dans les eaux françaises... une réussite remarquable pour une espèce introduite il y a un peu plus de trois décennies. Sa progression ne s'arrête pas là puisqu'on commence à les repérer dans les eaux hollandaises, allemandes ou même irlandaises.
Leur faculté d'adaptation en eau douceeau douce comme en milieu marin, partagée par bien peu d'espèces, en favorise d'autant la dissémination et on les retrouve en abondance, recouvrant des rochers entiers ou même formant des récifs.
Mais le point positif est que Crassostrea gigas n'entre pas en compétition avec les espèces locales. Au contraire, leur présence finit par former de nouvelles cavités sur les rochers, lesquelles peuvent ensuite abriter d'autres espèces qui ne pourraient autrement s'y accrocher. Cependant, l'écosystèmeécosystème côtier s'en trouve modifié, notamment par le biais des pelotes fécales qui, si elles demeurent invisibles, contribuent à l'ensablement du milieu.
Si les pêcheurs à pied s'accommodent très bien de la nouvelle espèce, les ostréiculteurs sont nettement moins satisfaits de cette concurrence. Et les palourdiers apprécient peu la présence de cette huître dans leurs vasières, qui les oblige à faire le tri... Et ce n'est pas tout, car la colonisation des zones balnéaires par Crassostrea gigas présente aussi ses inconvénients. Déjà, des communes comme Damgan ont été obligées d'intervenir par engins de nettoyage interposés, des baigneurs ou des amateurs de sports nautiques s'étant profondément coupés aux pieds.
Finalement, on ne sait trop comment se comporter face à cet invité devenu bien encombrant. Des actions d'éradication locales sont envisageables sur des sites protégés ou réservés aux loisirs, mais il ne faudrait pas que ces actions deviennent anarchiques. Il ne s'agit pas d'une pestepeste noire, seulement d'une gêne... En attendant, de nombreuses autorisations d'exploitation ont été attribuées à des pêcheurs pour exploiter cette manne providentielle.
Mais le plus ironique est peut-être que plusieurs études récentes par phylogénie moléculairephylogénie moléculaire ont démontré que l'huître portugaise (Crassostrea angulata), qui était jusqu'ici considérée comme une espèce distincte, ne serait qu'une variante locale de l'huître creuse japonaise, Crassostrea gigas. S'agirait-il d'un retour aux sources ?