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Barbourula kalimantanensis. Crédit : Université de Singapour.
Baptisée Barbourula kalimantanensis, cette grenouille avait déjà été capturée en 1978 par Djoko Iskandar, de l'Institut de Technologie en Indonésie situé à Bandung. Mais la rareté de cet unique exemplaire lui avait sauvé la vie, et elle ne fut pas disséquée. Néanmoins, une description assez précise en avait été faite. Un deuxième exemplaire avait été découvert quinze ans plus tard, mais il fut aussi décidé de la laisser en vie.
Mais récemment, David Bickford, un biologiste de l'Université Nationale de Singapour, découvrait toute une population de ce batracien. Après en avoir capturé plusieurs, il entreprit de pratiquer une dissection à des fins scientifiques. Ses résultats sont en cours de publication dans Current Biology.
Pas de poumons !
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il constata l'absence totale de poumonspoumons chez l'animal, pourtant adapté à une vie hors de l'eau. A ce jour, les seuls tétrapodes connus ayant cette caractéristique (animaux à quatre membres) étaient les salamandres, pour quelques espèces. Parmi les autres animaux, le caecilian, qui ressemble à un ver de terre, est aussi dépourvu de poumons.
L'absence de poumons chez une grenouille constitue donc une caractéristique unique, souligne David Wake, biologiste et expert dans l'évolution des amphibiens à l'université de Berkeley, en Californie. Toutefois, il estime qu'il fallait s'attendre à une telle découverte, car certaines espèces, notamment des grenouilles à queue, possèdent de très petits poumons.
Dans le cas de Barbourula kalimantanensis, il peut s'agir d'une remarquable adaptation à un milieu particulier, en l'occurrence les eaux très froides et à fort débitdébit, donc à haute teneur en oxygène, des ruisseaux qui lui servent d'habitat. Comme beaucoup d'animaux vivant en milieu froid elle possède un très faible métabolismemétabolisme, ce qui réduit encore son besoin en oxygène. Autre caractéristique, sa forme aplatie lui confère un hydrodynamisme lui permettant de rester immobile dans le courant sans fournir de gros efforts, ce qui réduit encore sa dépense énergétique.
Bref, une nouvelle confirmation des théories de l'évolution, dont l'effet est de favoriser la reproduction des individus les mieux adaptés à leur milieu naturel.
L'avenir sombre de Barbourula kalimantanensis
Malheureusement, la rareté de l'espèce et la fragilité de son environnement risquent de compromettre gravement son étude. Car son habitat est gravement endommagé par des exploitations minières et l'extraction clandestine d'or, troublant l'eau avec des sédimentssédiments et la contaminant par le mercuremercure. De plus, une exploitation forestière illégale en dégageant les terrains augmente le ruissellement et l'écoulement dans les ruisseaux, rendant la plupart des plages autrefois occupées par les grenouilles totalement inhabitables. Le réchauffement du climatclimat et l'augmentation des précipitationsprécipitations qu'il entraîne n'arrangeant bien entendu pas les choses...
Bref, l'avenir est plutôt morose pour cet animal, qui risque bien de ne jamais être mieux connu.