au sommaire
La communication chimique joue un rôle primordial dans les colonies de fourmis. Elle permet en effet à des individus de s'identifier, de fournir des informations sur leur statut social ou encore d'indiquer des pistes olfactives menant à des sources de nourriture. Fait moins connu, certains de ces insectes sociaux, notamment les espèces appartenant au genre Myrmica, peuvent également communiquer en produisant des sons.
Ils utilisent pour ce faire une excroissance située sur leur thoraxthorax qu'ils frottent avec leurs pattes arrière. Les sons sont ainsi produits par stridulation et seraient principalement utilisés comme signaux de détresse. Les ouvrières qui les entendent ont tendance à se diriger instantanément vers leur source. On a longtemps cru que ces arthropodes étaient muets aux stades immatures, les larves et les nymphes possédant pour la plupart des corps mous, donc sans épines. Il existe cependant des exceptions, puisque l'exosquelette des fourmis se sclérosesclérose, et devient donc dur, à la fin du stade nymphal, la dernière étape avant l'âge adulte.
Ces insectes immatures restent-ils muets pour autant ? La réponse est négative, selon Luca Casacci de l'université de Turin (Italie). Les nymphes brunes, les plus âgées, émettent en effet des sons qui peuvent se révéler cruciaux pour leur survie. L'information vient d'être dévoilée dans la revue Current Biology.
Cette fourmi Myrmica scabrinodis a été photographiée grâce à un microscope électronique à balayage. Les épines utilisées pour produire des sons par stridulation sont visibles en clair au niveau des pattes arrière de l'animal (la tête est située en haut à droite). © Casacci et al., Current Biology, 2013
L’appel au secours de la fourmi immature
Cette découverte a été réalisée chez des fourmis Myrmica scabrinodis, des arthropodes brun-rouge communément rencontrés en Europe du Nord et mesurant 4 à 5 mm de long. Pour ce faire, un microphone ultrasensible a été placé à proximité de 10 larves ainsi que de 12 nymphes, dont 6 immatures et 6 matures (dont l'exosqueletteexosquelette est rigide). Seules ces dernières ont donc émis des stridulations composées d'une unique pulse, les adultes en produisant plusieurs d'affilée. Précisons cependant que les principales caractéristiques des sons (intensité, fréquence, etc.) ne diffèrent pas en fonction du stade de développement étudié. Les nymphes parlent donc comme les adultes, mais leurs messages sont plus courts.
Des sons d'individus adultes et immatures ont ensuite été diffusés par le biais de haut-parleurs en présence d’ouvrières. Les réponses observées ont été les mêmes : les fourmisfourmis percevant ces signaux se sont mises à marcher en direction de l'enceinte, l'ont frottée avec leurs antennes puis... l'ont gardée. L'émissionémission d'un son « blanc » est quant à elle restée sans effet notable. Ainsi, la communication acoustique sert à demander de l'assistance aussi bien chez les nymphes que chez les adultes.
L'importance de ces signaux pour les fourmis immatures a également été testée grâce à une manipulation complémentaire. Des ouvrières, des nymphes et des larves ont été extraites d’une colonie puis placées dans une arènearène expérimentale. Dans une telle situation, les fourmis tendent à agir méthodiquement pour sauver leur progéniture. Les nymphes brunes sont ainsi secourues en premier par les ouvrières, avant les nymphes immatures et enfin les larves. Mais voilà : des nymphes amputées de leurs épines, donc muettes, ont été totalement laissées à l'abandon. La communication acoustique permet donc également de fournir de précieuses (voire vitales) informations sur le statut social d'une fourmi en fin de développement.