au sommaire
L'année 2012 a été particulièrement rude pour la glace de l'Arctique. À la fin de l'été, la banquise a atteint sa taille la plus faible jamais observée. À tel point que le volumevolume total de glace a chuté de 36 % au cours de l'automne. S'il est probablement trop tôt pour évaluer les répercussions d'une telle fontefonte sur le climat, l'écosystème, lui, en subit déjà les conséquences.
Dans l'Arctique, la production primaire, c'est-à-dire la production de phytoplancton, se produit durant les mois d'été. Elle est en effet limitée par l'épaisseur de glace qui entrave la pénétration des rayons lumineux dans l'océan, essentiels à la photosynthèsephotosynthèse. Un autre facteur limitant est le manque de nutrimentsnutriments. La colonne d'eau est stratifiée, il n'y a pas d'échange entre l'océan profond plus riche en sels nutritifs et la couche de surfacecouche de surface.
Si 85 % du carbone venu du CO2 fixé par les algues a été entraîné vers le fond, de grandes quantités de CO2 sont libérées par le dégel du pergélisol avec la fonte record de 2012 en Arctique. © Nick Bonzey, cc by sa 2.0, Flickr
Lors d'une mission effectuée à la fin de l'été 2012, une équipe scientifique internationale a découvert de très grandes quantités d'alguesalgues au centre de l'océan Arctique. Les Melosira arctica proliféraient au point de représenter un tiers de la production primaire. Elles se développent juste sous la glace au centre de la banquise arctique, comme l'avaient par exemple étudié Alan Le Tressoler et Julien Cabon lors de l'expédition Pôle Nord 2012. Et lorsque la glace fond, les algues plongent vers le plancher océanique. Si bien qu'à 4.000 m de fond, des dépôts d'algues de diamètre supérieur à 50 cm recouvraient plus de 10 % de la surface.
Vie florissante grâce aux algues à 4.000 m de fond
« Le sol était jonché de bouquets d'algues », raconte Antje Boetius, chercheur à la société Max-Planck. Les Melosira arctica ne peuvent pas se développer à 4.000 m de profondeur, car il n'y a pas assez de lumièrelumière. S'il est connu depuis longtemps que ce phytoplanctonphytoplancton est capable de former des chaînes très longues, un tel événement n'a été observé que sur les régions côtières et sous de vieilles couches de glace. Habituellement, les algues plongent lentement dans la colonne d'eau, et sont complètement consommées dans la couche de surface (la première centaine de mètres). Mais les longues chaînes d'algues sont lourdes et se sont rapidement déposées au fond.
La prolifération d'algues dans les fonds marins a attiré les animaux des abysses, tels que les concombres de merconcombres de mer et les ophiures. La vie était aussi florissante sous le couvert d'algues. La faible teneur en oxygène dans les sédiments indique que les bactériesbactéries ont décomposé les algues. En outre, les concombres de mer étaient plus grands que la moyenne et avaient des organes reproducteurs très développés. Signe qu'ils avaient mangé abondamment durant deux mois.
Un écosystème perturbé sur le long terme ?
Dans leur étude parue dans Science, les chercheurs suggèrent que ces algues ont grandi et rapidement chuté au fond, puisqu'ils n'ont trouvé que des algues d'un an. Les résidus d'algues retrouvées dans l'estomacestomac des concombres de mer étaient toujours capables de faire de la photosynthèse. Avant la mission, les chercheurs postulaient que l'algue grossit plus rapidement sous la glace plus fine. Les observations viennent confirmer l'hypothèse : 45 % de la production primaire était attribuée à cette algue.
« C'est la première fois que nous arrivons à démontrer que le réchauffement climatique et les changements physiquesphysiques associés dans l'Arctique central provoquent des réactions rapides dans l'écosystème tout entier vers la mer profonde », ajoute Antje Boetius. On ne peut dire aujourd'hui si le phénomène est ponctuel ou si la prolifération d'algues continuera dans les années à venir. Mais les modèles climatiquesmodèles climatiques prévoient des étés sans glace en Arctique pour les prochaines décennies.
Quoi qu'il en soit, les connaissances actuelles ne permettent pas d'extrapoler sur le devenir de l'écosystème. La prolifération d'algues a entraîné 85 % du carbonecarbone vers les fonds marins, mais en même temps, elle a rendu le milieu anoxiqueanoxique.