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Voici Say, le dauphin Tursiops truncatus qui est resté alerte et attentif durant 360 heures, de jour comme de nuit. Cet animal appartient au sous-ordre des odontocètes, les cétacés à dents. © Brian Branstetter
Les dauphins ont acquis, au cours de l'évolution, la capacité de dormir d'un seul demi-cerveaucerveau à la fois. Ce sommeil hémisphérique unilatéral leur permet de ne jamais oublier de remonter respirer en surface. Une question peut alors se poser : gardent-ils toutes leurs capacités totalement opérationnelles, par exemple l'écholocation, durant leurs périodes de repos ?
La réponse est affirmative selon Brian Branstetter de la National Marine Mammal Foundation (NMMF). C'est ce que des expériences menées avec Say et Nay, deux grands dauphins Tursiops truncatusTursiops truncatus, dans la baie de San Diego, ont permis de conclure. La femelle âgée de 30 ans, Say, est en effet parvenue à rester attentive et alerte, à un niveau proche de la perfection, 15 jours durant sans aucune baisse de régime.
L'étude, interrompue pour des raisons météorologiques avant que la femelle ne se lasse, vient d'être publiée dans la revue Plos One.
Dispositif expérimental utilisé pour tester la vigilance des dauphins au cours du temps. Huit paires de transducteurs, composées d'un récepteur (receiver transducer) et d'un émetteur (projector transducer), sont placées autour de l'enclos. Les animaux devaient signaler, en touchant ou non la palette (response paddle), s’ils avaient détecté une cible fantôme. © Branstetter et al. 2012, Plos One
Les dauphins, rois de la concentration ?
Comment tester l'attention d'un dauphin ? Say et Nay ont été placés à tour de rôle dans une cage flottante carrée (6,1 m de côté) durant 3 périodes de 5 jours. Ils ont alors participé à un jeu, l'objectif étant de signaler la présence de cibles fantômes en appuyant sur une palette. Les obstacles chimériqueschimériques ont été créés en modifiant puis rediffusant les sons émis par l’animal durant l'écholocation, les clics. L'apparition des cibles, virtuellement placées à une distance comprise entre 98 et 302 m des dauphins, pouvait être espacée de 2 à 30 min. Nay, un mâle âgé de 26 ans, a affiché un taux de détection compris entre 75 et 86 %. La femelle a quant à elle été plus performante, signalant la présence de 97 à 99 % des cibles.
Say a ensuite été choisie pour réaliser la même expérience, mais cette fois-ci durant 1 mois (avec environ 78 cibles présentées par périodes de 24 heures). Une tempête hivernale a cependant interrompu les tests au bout de 15 jours. Ses performances sont restées constantes au cours du temps, même si d'importantes variations du nombre de clics émis par minute ont été enregistrées. La production des signaux sonores a toujours atteint des maxima durant la nuit.
Le sommeil hémisphérique unilatéral permettrait donc aux dauphins de rester vigilants à tout instant, une fonction utile pour détecter la présence de prédateurs (comme les requins) ou de tout autre danger. Il reste maintenant à déterminer pendant combien de temps ces cétacés peuvent maintenir une attention optimale. Espérons pour les chercheurs souhaitant atteindre cette limite que ce ne soit pas indéfiniment, comme nous serions en droit de le croire.