2018 est l'Année internationale du corail. Elle sera l'occasion de rappeler combien les récifs sont menacés et combien ils sont importants pour la vie océanique et pour nous. Ce sera aussi l'occasion de les admirer ces organismes étonnants. D'eux, on ne retient en général que les récifs mais ils ne sont pas que des bâtisseurs. Il y a quelques années, nous rappelions un aspect romantique du corail, sensible à la luminosité du clair de Lune. C’est en effet le subtil mélange de la lumière solaire et lunaire qui le pousserait à jeter les gamètes à la mer afin qu’ils se rencontrent et perpétuent l’espèce au terme d'un joli ballet.

Article paru le 16 février 2011

La reproduction des coraux est un mécanisme mystérieux qui a longtemps été ignoré des scientifiques. Si le mécanisme de reproduction asexuée est assez simple puisque de nouveaux individus se développent par bourgeonnement d'un polype parental, pour agrandir la colonie ou coloniser d'autres fonds marins, la reproduction sexuée est, quant à elle, beaucoup plus complexe et surtout fascinante !

Les coraux, des Cnidaires, comme les méduses et les anémones de mer, vivent fixés. La rencontre entre les mâles et les femelles étant compromise, une étonnante stratégie a été développée. Les gamètes de couleur rouge sont largués dans l'eau, dans un spectacle très précisément chronométré, observé pour la première fois en 1981. 

Un évènement annuel à ne pas manquer

Cette ponte se produit une seule fois dans l'année, au cours d'un processus nocturne de quelques heures seulement, dans une synchronisation parfaite entre tous les coraux d'une même espèce. Cette synchronisation augmente fortement les chances de rencontre et de fécondation des gamètes mâles et femelles, pour produire un œuf qui deviendra corail à son tour.

Des facteurs environnementaux interviennent alors très probablement dans le processus de synchronisation, mais les scientifiques ignorent toujours le facteur déterminant. La préparation en amont, c'est-à-dire la maturation des gonades afin d'être prêt à larguer des gamètes fertiles le jour J, est contrôlée à long terme et serait dictée par les variations de température ou de la durée du jour et de la nuit.


Le corail libère ses gamètes mâles et femelles au cours d'une ou deux nuits par an, quelques jours après la Pleine Lune. © thelning, YouTube

L’heure bleue

Mais le signal du largage des gamètes proprement dit pourrait être de type biologique, chimique ou physique. Toutefois, toutes les synchronisations observées ayant lieu quelques jours après la Pleine Lune, les phases lunaires ont depuis longtemps été supposées comme déterminantes. Alors que les coefficients de marée dictés par la lune ont parfois des rôles biologiques importants, des chercheurs des universités de Californie, de Santa Barbara et de Duke se sont plutôt intéressés à la luminosité de notre satellite.

Lorsque le soleil passe sous l'horizon, le ciel prend une teinte d'un bleu intense, phénomène appelé l'« heure bleue ». La lune, quant à elle, n'est pas toujours au même endroit dans le ciel au moment du crépuscule en fonction de la phase lunaire. Elle est au-dessus de l'horizon au cours de la phase lunaire montante, au niveau de l'horizon le soir de Pleine Lune, et sous l'horizon lorsque la lune est descendante. La lumière produite par la lune étant plutôt décalée dans le rouge, comparée à la lumière en provenance du soleil, la présence de l'astre et sa position dans le ciel font donc varier la luminosité globale au crépuscule.

Une corrélation, mais pas de preuve

Selon les scientifiques, ce sont ces changements de luminosité célestes qui pourraient être la cause des synchronisations des projections de gamètes. Ils ont en effet mesuré les variations du spectre lumineux sous le niveau de l'eau (donc comme perçue par les coraux) aux Îles Vierges, pendant six jours autour de la nuit de Pleine Lune, et montré une corrélation entre les deux événements.

Le soir de Pleine Lune, la lumière est bleue au moment du coucher du soleil, puis rougeoie faiblement mais rapidement dès que la lune apparaît. Le même phénomène se produit les jours suivants, mais le délai entre le coucher du soleil et l'apparition de la lune grandit, rallongeant la durée de l'heure bleue. Observés simultanément, les coraux Acropora millepora ont largué leurs gamètes au cours de la troisième et quatrième nuit suivant la Pleine Lune.

Les auteurs de l'article paru dans The Journal of Experimental Biology précisent qu'une corrélation ne prouve pas un lien de cause à effet, mais pour eux ce phénomène optique serait une cause biologique possible, qu'ils ont pour objectif de prouver.