Si les chiens et les loups sont très similaires, pourquoi ne se socialisent-ils pas de la même manière ? La biologiste Kathryn Lord donne quelques éléments de réponse : la différence de comportement serait étroitement liée aux premières expériences sensorielles des animaux…

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    Les chiens et les loups se ressemblent tellement, tant sur les plans physiquephysique que génétiquegénétique, qu'on les associe souvent. Si l'on observe un loup gris et un husky, la confusion est facile. Leur proximité a souvent conduit les comportementalistes à comparer le comportement du chien à celui du loup. Une grande question restait toutefois en suspens : pourquoi le chien est-il devenu le meilleur ami de l'Homme, tandis que le loup ne s'est jamais laissé domestiquer ?

    Pour répondre à cette question, la biologiste Kathryn Lord de l'université du Massachusetts s'est intéressée au comportement des chiots et des louveteaux. Elle soupçonnait que les différences de comportement chez les deux canidés étaient étroitement liées aux premières expériences sensorielles. Quatre semaines après sa naissance, le chiot entre en période critique de socialisation. Durant un mois, il apprend à interpréter les signes de communication, à marcher et à s'intégrer dans son groupe. Pour le loup, très peu d'études ont été menées, et finalement personne ne connaît sa phase de socialisation.

    Qui est qui ? À gauche, le husky, un chien originaire de Sibérie, qui peut peser jusqu'à 28 kg. Souvent caractérisé par ses beaux yeux bleus, il peut néanmoins les avoir marron, noirs, ambre ou vairons. À droite, le loup gris, ou <em>Canus Lupus. </em>Il diffère du husky par sa tête plus large, sa poitrine plus étroite et ses pattes plus longues, avec de larges pieds, ainsi qu'une queue droite. © Shambarimem, DP (photo de gauche) ; Chris Muiden, GNU (photo de droite)

    Qui est qui ? À gauche, le husky, un chien originaire de Sibérie, qui peut peser jusqu'à 28 kg. Souvent caractérisé par ses beaux yeux bleus, il peut néanmoins les avoir marron, noirs, ambre ou vairons. À droite, le loup gris, ou Canus Lupus. Il diffère du husky par sa tête plus large, sa poitrine plus étroite et ses pattes plus longues, avec de larges pieds, ainsi qu'une queue droite. © Shambarimem, DP (photo de gauche) ; Chris Muiden, GNU (photo de droite)

    Kathryn Lord s'est concentrée sur cette phase de socialisation. Quand cette phase est « active », les bébés apprennent à marcher et découvrent leur environnement extérieur. Ces connaissances, l'animal les conservera toute sa vie. Les louveteaux et les chiots ont donc été stimulés par différents sons, odeurs ou couleurscouleurs, en vue d'interpréter le développement de leurs sens. D'après les résultats de l'étude, publiés dans la revue Ethology, les sens se développent exactement de la même façon chez les loups et les chiens. L'odoratodorat se développe au bout de deux semaines, l'ouïe au bout de quatre, et la vue autour de six semaines en moyenne.

    Le loup se socialise alors qu’il est aveugle et sourd

    L'étude a également montré que la période critique de socialisation commence plus tôt chez le loup que chez le chien. Et c'est bien ce qui pourrait expliquer la différence de comportement. Au bout de deux semaines, le louveteau est déjà capable de marcher et démarre sa phase de découverte du monde. Mais à deux semaines, l'animal n'a développé que l'odorat ! Il marche, aveugle et sourd, vers l'inconnu. La phase de socialisation ne dure qu'un mois. Après cela, un bruit, une image ou une odeur nouveaux peuvent créer une réaction de peur. Or, le loup sort de la période de socialisation avant d'avoir développé la vue.

    Le chiot, quant à lui, prend son temps. Il commence sa période critique de socialisation à la quatrième semaine, il découvre le monde avec l'odorat et l'ouïe et développe la vue durant la période critique. Il est donc beaucoup plus enclin à s'adapter à son environnement extérieur. « À la deuxième semaine, une portée de chiots ne sait toujours pas marcher, commente Kathryn Lord, mais les loups sont déjà en train d'explorer en reniflant. »

    Les louveteaux et les chiots vivent ce mois de développement très différemment, et cela conduit nécessairement à des schémas de relations sociales distincts. « La différence peut ne pas être dans le gènegène lui-même, mais lorsque le gène est activé. Les données aident à expliquer pourquoi, si vous voulez socialiser un chien avec un Homme, vous n'avez besoin que de 90 minutes pour mettre en place une relation entre eux, entre les âges de quatre et huit semaines. Après cela, un chien n'aura pas peur des humains ou de toute autre chose qui lui a été présentée. »