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Dans la dépression de l'Afar, la vallée de l’Awash est bien connue des anthropologues puisque d'importants fossiles d'hominidés vieux de plusieurs millions d'années y ont été retrouvés. Dix-sept d'entre eux, principalement des restes d'australopithèques, ont notamment été exhumés de sites archéologiques situés près du village éthiopien d'Amanis. On le sait moins, mais cette région riche en gisements fossilifères a aussi livré de nombreux ossements d'autres vertébrés. Ils réservent également leur lot de surprises.
Ainsi, Raymond Bernor, un chercheur de l'université Howard (États-Unis), a dernièrement annoncé l'identification d'une nouvelle espèceespèce d'équidé. L'hipparion, car c'en est un, est donc un cousin éloigné de nos chevaux, mais son groupe est aujourd'hui éteint. D'ailleurs, les ossements ayant servi à sa description sont vieux de 4,4 à 4,2 millions d'années. L'animal a d'ores et déjà reçu un nom : Eurygnathohippus woldegabrieli. Il lui a été attribué en hommage au docteur Giday WoldeGabriel qui travaille dans le Moyen Awash depuis 1992, mais qui n'est pas impliqué dans cette découverte.
Concrètement, sur quoi repose-t-elle ? La nouvelle espèce a été décrite à partir d'ossements mis au jour en 2001 et en 2002. Ils se composent d'une mandibule, de dents qui étaient implantées dans un maxillairemaxillaire et de deux os métacarpiensmétacarpiens III complets (ils appartenaient aux membres antérieurs dotés de trois doigts). Certes, il n'y a pas beaucoup d'éléments, mais ils ont suffi pour reconstituer le mammifère. Avouons-le, il vient compléter une lignée connue, mais en fournissant en quelque sorte un chaînon manquantchaînon manquant.
La rivière Awash s’écoule dans la dépression de l'Afar pour finalement se jeter dans le lac Abbe, dont le niveau reste constant grâce à l'évaporation. © dalager, Flickr, cc by nc 2.0
Une taille et un régime alimentaire comparables à ceux du zèbre
D'après les os des jambes, E. woldegabrieli avait la taille d'un petit zèbre actuel. D'ailleurs, c'était un très bon coureur. Selon ses dents, c'était un herbivoreherbivore. Cependant, grâce à leurs traces d'usure et à des analyses isotopiques, il s'avère que l'équidé se nourrissait d'herbes, comme les zèbres, les rhinocéros blancs et les gnous actuels. Ainsi, E. woldegabrieli vivait probablement dans une région couverte de prairies et de bosquets.
Il se distingue donc de son ancêtre E. feibeli qui avait des jambes et des dents plus petites, et qui vivait dans des milieux forestiers voilà 10 à 6 millions d'années. Grâce aux avantages acquis au cours du temps, E. woldegabrieli pouvait donc courir plus vite et plus loin que son ascendance, de quoi lui permettre de mieux fuir face aux prédateurs (tigres à dents de sabre, hyènes, etc.) ou d'aller brouter plus loin. En revanche, sa taille et son museau n'étaient pas aussi grands que ceux de ses descendants, comme l'E. hasumense qui a vécu voici 3,5 millions d'années.
Ces indications seront très certainement précieuses pour les anthropologues. En effet, elles permettent de peaufiner les reconstitutions de l'environnement dans lequel nos ancêtres les plus éloignés ont évolué, comme l'Ardipithecus ramidus. Les os qui viennent d'être décrits dans le Journal of Vertebrate Paleontology (JVP) sont conservés au Muséum national d'Éthiopie à Adis Abeba. Raymond Bernor et ses collaborateurs poursuivent quant à eux leurs analyses sur d'autres restes fossiles.