Le Parc national de la Serra da Capivara (Brésil) abrite de nombreux groupes de singes capucins. Tous utilisent des outils. Depuis quelque 3.000 ans, révèlent de récentes fouilles. Et les chercheurs ont même découvert des preuves d’évolution dans l’usage de ces outils au fil du temps.
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Des galets arrondis. Ce sont les outils en pierre que des chercheurs ont mis au jour sur un site du Parc national de la Serra da Capivara (Brésil). Des outils que des singes capucins utilisaient déjà il y a 3.000 ans pour fendre des graines et des noix. Mais ce qui a surtout retenu l'attention des chercheurs de l'University College London (Royaume-Uni), c'est que la taille de ces outils semble avoir évolué au fil du temps. De quoi suggérer que les capucins de la région ont su adapter leurs outils à des aliments de duretédureté variable.
Les pierres les plus anciennes apparaissent relativement légères et de petites tailles. Elles sont endommagées sur presque toutes les surfaces, mais ne présentent aucun résidu de noix. Et quelque chose semble avoir changé il y a environ 300 ans. Les pierres-outils deviennent alors beaucoup plus volumineuses. Elles semblent avoir été destinées à ouvrir des aliments assez durs.
Des outils qui évoluent au fil du temps
Ce n'est finalement qu'il y a une centaine d'années que les capucins auraient commencé à s'intéresser aux noix de cajou et à fabriquer des outils adaptés à leur ouverture. Cependant les chercheurs ne disposent d'aucune preuve montrant qu'une même population de singes est à l'origine de tous ces outils différents. Peut-être différentes populations ont-elles élu domicile dans la région au fil du temps.
Comprendre la façon dont les capucins ont utilisé les outils à travers les âges pourrait aider à révéler les origines de cette pratique, y compris chez d'autres primates... comme l'Homme. Les plus anciens outils de pierre fabriqués par des singes, des chimpanzés, ont été retrouvés en Côte d'Ivoire et datés de 4.000 ans. Les plus anciens outils de pierre connus remontent à 3,3 millions d'années. Ils sont attribués à Australopithecus afarensis ou à Kenyanthropus platyops.
Les capucins du Brésil en sont à l'âge de pierre depuis au moins 700 ans
Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 15/07/2016
Les singes capucins, en Amérique du Sud, utilisent depuis au moins 700 ans des pierres judicieusement choisies pour ouvrir des noix à la coque trop dure pour leurs dents. Quand et où cette technique est-elle apparue ? Comment s'est-elle répandue ? Il est difficile de répondre aujourd'hui à ces questions tant les travaux archéologiques chez les primates non humains sont rares.
Les capucins, souvent appelés sapajous, des petits singes agiles d'Amérique du Sud, sont connus pour leur habilité et leur sociabilité, et aussi pour leur savoir-faire en matièrematière de fabrication de casse-noix. Ils sont capables d'apporter là où ils en ont besoin des cailloux bien choisis pour s'en servir de marteaux, utilisés sur de grosses pierres bien plates.
Ces observations ne sont pas rares mais, en revanche, l'étude archéologique de telles technologies animales n'est guère pratiquée. En 2007, le Canadien Julio Mercader et l'Allemand Christophe Boesch avaient cherché - et trouvé - des pierres utilisées comme casse-noix par des chimpanzés dans la forêt de Taï, en Côte d'ivoire, à une époque ancienne, en l'occurrence 4.000 ans.
Cette vidéo montre des singes capucins en plein travail, avec les explications de Michael Haslam, archéologue à l'université d'Oxford, sur la découverte d'une preuve de l'ancienneté de cette pratique. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». ©University of Oxford, YouTube
Des techniques archéologiques appliquées à un animal non humain
Cette étude restait la seule du genre, affirment Michael Haslam et son équipe, jusqu'à leur découverte au Brésil concernant le capucin (Sapajus libidinosus, anciennement Cebus libidinosus ou Cebus apellaCebus apella libidinosus), qu'ils décrivent dans la revue Current Biology.
Ces chercheurs ont découvert des pierres assimilables aux « marteaux » et aux « enclumes » des capucins actuels mais dans des sédiments qui les datent de 700 ans au moins. « Nous avons appliqué des techniques archéologiques à un ensemble d'outils de pierre créé par un animal non humain », expliquent-ils dans le résumé de l'article scientifique. C'est donc la première fois qu'une telle industrie est décrite en dehors de l'Afrique.
Pour les auteurs, la rareté de ces observations viendrait de notre anthropomorphisme, qui gênerait les études sur l'évolution et le déploiement de ces techniques chez les primates au fil du temps. Ils ajoutent qu'il faudrait s'intéresser aux échanges possibles de ce genre de savoir-faire entre des groupes anciens de primates non humains et humains.