au sommaire
Le rouge-gorge sait où il va, peut-être parce que ses yeux voit le champ magnétique terrestre. © ParaScuba Sailor / Flickr - Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)
La complexité du sens de l'orientation de certains animaux a de quoi... déboussoler les scientifiques. Chez le pigeon, comme chez d'autres espèces, la sensibilité au champ magnétique terrestre est avérée mais le mécanisme, lui, reste inconnu. En 2007, une équipe allemande mettait en évidence une sorte de boussole dans le bec des pigeons, constituée de cristaux de magnétite et de maghémite (un oxyde de ferfer de même structure que la magnétite).
Mais une autre hypothèse met en vedette le cryptochromecryptochrome, une protéineprotéine sensible à la lumière bleuelumière bleue, que l'on trouve chez les végétaux et chez les animaux, où il constitue l'un des pigments de la rétinerétine. Il est établi que la réponse de ce photorécepteur à la lumière (qui passe par des réactions chimiquesréactions chimiques avec d'autres moléculesmolécules) est modifiée par la présence d'un champ magnétique environnant. Le phénomène est compris à l'échelle moléculaire. Un des électronsélectrons non appariés peut occuper deux positions différentes selon le champ magnétique. Un chimiste dira qu'il existe deux radicaux différents.
Plusieurs travaux ont démontré que ce mécanisme semble bien responsable d'une magnétosensibilité chez la fauvette mais aussi le papillon Monarque, migrateur célèbre, et même la mouche.
Aujourd'hui, deux travaux indépendants viennent conforter l'hypothèse cryptochrome. Une équipe, composée de chercheurs allemands et néo-zélandais, a mené une expérience sur des rouges-gorges européens (Erithacus rubeculaErithacus rubecula), publiée dans la revue Nature. Le sectionnement de la connexion nerveuse entre le bec et le cerveaucerveau n'empêche pas l'oiseauoiseau de détecter le champ magnétique, affirment ces scientifiques. Exit, donc, le bec-boussole. En revanche, cette magnétosensibilité disparaît quand les chercheurs provoquent une lésion dans le cerveau en une zone appelée noyau N, dont plusieurs travaux antérieurs montrent qu'elle joue un rôle dans la détection d'un champ magnétique via les cryptochromes.
Deux boussoles valent mieux qu'une
L'autre étude est théorique et explore une critique émise à l'encontre de cette hypothèse. Pour obtenir une sensibilité magnétique, il faudrait que les molécules de cryptochrome soient soigneusement alignées. Or, c'est loin d'être le cas dans les cellules de la rétine. Comment une répartition désordonnée pourrait permettre d'extraire un signal précis sur l'orientation du champ magnétique ? La question était valable mais la réponse est « c'est possible », expliquent Erin Hill et Thorsten Ritz, de l'Université de Californie à Irvine.
Sur leurs ordinateursordinateurs, ces deux chercheurs ont simulé les arrangements géométriques possibles de paires de radicaux de cryptochrome avec des degrés de désordres variables. En s'appuyant sur ce que l'on sait de la réponse de ces pigments au champ magnétique, ils ont déterminé le nombre minimal de récepteurs nécessaire pour compenser le brouillage du signal induit par le désordre dans leur arrangement. Leurs résultats, détaillés dans le Journal of the Royal Society Interface, indiquent que ce nombre est très faible. « Une seule cellule suffirait peut-être » affirment-ils.
Alors qu'une cellule contient des millions de protéines, « il n'est certainement pas déraisonnable de penser que seulement 50.000 d'entre elles puissent servir de récepteurs dans des cellules spécialisées ». Selon eux, un oiseau pourrait de cette manière estimer la direction du champ magnétique avec une précision de 15°, ce qui semble cohérent avec ce que montrent les observations d'oiseaux migrateurs.
Doit-on pour autant abandonner la piste de la magnétite ? Sûrement pas car les arguments en sa faveur restent valables. Les oiseaux pourraient bien, comme les aviateurs, disposer de plusieurs méthodes de navigation aérienne...