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Cette image du bec d'un pigeon a été obtenue grâce à une technique de résonance magnétique. Les tissus mous sont représentés en mauve et les éléments osseux en jaune. On sait maintenant qu'il n'intervient pas dans la magnéto-détection du champ magnétique terrestre. © University College London
De nombreuses espèces d'oiseaux effectuent des migrations dont certaines sur des distances étonnamment longues. La sterne arctique est une championne dans ce domaine. Elle peut parcourir 71.000 km par an pour se déplacer entre les pôles. Le traquet motteux, un oiseau de seulement 25 grammes, mérite également d'être cité puisqu'il n'hésite pas à se déplacer de 30.000 km par an. Mais comment font-ils pour s'orienter sans se perdre ?
Certains utiliseraient des repères tels que le soleilsoleil, la LuneLune ou les étoilesétoiles (hirondelles, mésanges). Mais ces astresastres disparaissent lorsque la couverture nuageuse s'épaissit. Certains oiseaux ont trouvé la solution. Les pigeons voyageurs et les rouges-gorges peuvent utiliser le champ magnétique terrestre pour s'orienter. Les mécanismes en jeu restent méconnus mais une hypothèse est néanmoins acceptée par la communauté scientifique depuis 2007 (ce n'est cependant pas la seule). Des neuronesneurones contenant de grandes quantités de ferfer (preuve de la présence de magnétite Fe2O3 ?) innerveraient le bec des pigeons en six points précis. Celui-ci servirait donc d'organe de perception du champ magnétique.
Visiblement peu convaincus par cette explication, Christoph Treiber et ses collègues de l'institut de pathologiepathologie moléculaire de Vienne (IMP) ont voulu approfondir le sujet. Non seulement, ils n'ont pas retrouvé les 6 zones sensibles mais en plus, ils ont clairement démontré qu'il n'y a pas de neurone magnéto-sensible dans le bec des pigeons, et donc pas de système de navigation ! Ces informations sont publiées dans la revue Nature.
Les points bleus sont des petites billes de fer contenues au sein d'une seule et même cellule (le noyau, coloré en rose, est visible au centre). Ces cellules seraient en réalité des macrophages et non des neurones. © Treiber et al. 2012, Nature
Des globules blancs mangeant des globules rouges
Les chercheurs autrichiens ont récolté près de 200 pigeons provenant de plusieurs pays européens. Chaque bec a été découpé en une série de 2.500 tranches. Celles-ci ont ensuite été colorées afin de révéler la présence de fer en bleu. La reconstitution du bec en trois dimensions a permis d'étudier le nombre de cellules recherchées et leur répartition dans l'espace. Non seulement elles s'observent dans l'ensemble du bec, mais en plus leur nombre varie fortement d'un individu à l'autre (de 200 à 109.000).
L'un des becs présentait une lésion. Celle-ci était facilement observable dans la reconstitution puisqu'elle était entourée de nombreuses cellules bleues. Mais à quoi peuvent donc correspondre ces structures ? Le verdict est tombé grâce à des observations en microscopie électronique : les points bleus ne correspondent pas à des neurones mais à des macrophages, des globules blancsglobules blancs intervenant dans le système immunitaire. Les cellules sont grosses et présentent des excroissances importantes. De plus, elles contiennent des éléments semblables à des granules de ferritine, des sidérosomes et de l'hémosidérine.
Le bec d’un pigeon a été modélisé en trois dimensions grâce à de l’imagerie par résonance magnétique de haute résolution et à une technique de tomodensitométrie. Les éléments osseux et les tissus mous sont respectivement en jaune et en rose. Les points rouges correspondent à des points de repères. Ceux-ci permettent de repositionner précisément dans l’espace des observations faites sur des coupes histologiques, et donc d’établir une cartographie des cellules riches en fer. © Treiber et al. 2012, Nature
La présence d'importantes quantités de fer au sein des macrophagesmacrophages peut s'expliquer facilement. Ces phagocytes mangent littéralement des débris cellulaires et des agents pathogènespathogènes, tout en accumulant certains de leurs composés, dont le fer contenu dans l'hémoglobinehémoglobine des globules rouges.
Une conclusion s'impose : les cellules riches en fer du bec des pigeons ne jouent aucun rôle de magnéto-détection. Le mystère de la navigation des oiseaux reste donc entier ! Selon les auteurs, toutes les études utilisant un colorant du fer pour définir le rôle de la magnétite chez les oiseaux seraient à revoir. Certains apprécieront !