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L'abeille est un modèle intéressant pour étudier l'intelligenceintelligence des insectes : elles apprennent les unes des autres et comprennent des concepts abstraits comme la similitude et la différence. Mais leur intelligence ne s'arrête pas là, comme le montre un article paru dans Science, qui décrit les travaux de chercheurs de l'Institut royal de technologie de Melbourne (Australie) et de l'université de Toulouse.
Les abeilles ont été entraînées à choisir, entre deux images, celle qui avait le moins d'éléments. Lors du test, elles étaient récompensées grâce à une solution sucrée. Ainsi, entre des images avec trois ou quatre éléments, les abeilles devaient choisir l'image avec trois éléments. Si les chercheurs présentaient une image sans élément et une avec un ou plus, les abeilles comprenaient que zéro était le plus petit nombre.
Un concept abstrait pas si évident
Les abeilles comprennent donc le concept mathématique du zéro qui n'est pourtant pas si évident, comme l'explique dans un communiqué, Adrian Dyer, un des auteurs : « Zéro est un concept difficile à comprendre et une compétence mathématique qui ne vient pas facilement. » Il faudrait plusieurs années aux enfants pour l'apprendre ! Il ajoute : « Nous avons longtemps cru que seuls les humains avaient l'intelligence pour obtenir le concept, mais des recherches récentes ont montré que les singes et les oiseaux ont le cerveau pour cela. Ce que nous ne savions pas - jusqu'à maintenant - c'est si les insectes peuvent également comprendre le zéro. »
Si de petits cerveaux peuvent comprendre des concepts abstraits, cela ouvre de nouvelles possibilités pour développer des intelligences artificiellesintelligences artificielles. Ces travaux pourraient aussi aider à comprendre comment un cerveaucerveau se représente le concept du zéro.
Les abeilles seraient capables d'élaborer des concepts abstraits !
Article du CNRS paru le 23 avril 2012
Découverte étonnante d'une équipe CNRS : des abeilles savent appréhender des concepts abstraits et même deux à la fois. Elles peuvent apprendre à aller chercher de la nourriture là où se trouvent deux images quelconques, et même inconnues d'elles, à condition, par exemple, qu'elles soient placées l'une au-dessus de l'autre, et qu'elles soient différentes.
Le cerveau des insectes est capable de fabriquer et de manipuler des concepts abstraits. Il peut même utiliser simultanément deux concepts différents afin de prendre une décision face à une situation nouvelle. Ce résultat totalement inattendu a été obtenu par l'équipe du professeur Martin Giurfa, au CRCA (Centre de recherches sur la cognitioncognition animale, CNRS/université Toulouse III-Paul Sabatier). Cette capacité, que l'on croyait propre aux humains et à quelques primates, montre que des analyses cognitives sophistiquées sont possibles en l'absence de langage et malgré une architecture neurale miniaturisée. Ces travaux, publiés dans la revue Pnas, remettent en cause de nombreuses théories dans des domaines tels que la cognition animale, la psychologie humaine, les neurosciences et l'intelligence artificielle.
La cognition humaine, et notamment nos capacités mathématiques et linguistiques, se base sur notre capacité à manipuler des concepts. Dans la vie de tous les jours, les concepts qui relient des objets distincts par des règles de relation de type « même », « différent », « plus que », « au-dessus de », prennent une place prépondérante. Par exemple, l'automobiliste est guidé par un réseau complexe de concepts : codes couleurcouleur, flèches, panneaux... L'utilisation de tels concepts, que l'on a souvent crue propre à l'Homme et à quelques primates, pourrait être beaucoup plus répandue dans le règne animal.
L'un au-dessus de l'autre, ce n'est pas l'un à côté de l'autre : l'abeille le sait
Les expériences de l'équipe de Martin Giurfa portent sur les abeilles, qui avaient déjà étonné par leur capacité à reconnaître des visages humains et par l'existence d'une sorte de personnalité.
Les chercheurs ont montré que ces insectes sont capables de générer puis de manipuler des concepts afin d'accéder à une source de nourriture. Pour cela, ils ont pris un groupe d'abeilles qu'ils ont entraîné à pénétrer dans une enceinte, afin de récolter de la solution sucrée. Dans cette enceinte, les abeilles rencontraient deux stimuli placés chacun sur une cloison. Chaque stimulus était composé de deux images distinctes soit l'une au-dessus de l'autre, soit l'une à côté de l'autre. Au milieu de ces paires d'objets était placé un orifice délivrant, soit une récompense, de l'eau sucrée, soit une punition, une goutte de quininequinine. Ainsi, les abeilles étaient récompensées sur un concept (par exemple « au-dessus de ») et punies sur l'autre (« à côté de »). Les images variaient constamment tout en maintenant les relations « au-dessus de » et « à côté de » ainsi que leurs associations respectives à la récompense et la punition. Au bout d'une trentaine d'essais, les abeilles reconnaissaient sans faute la relation qui les guiderait vers l'eau sucrée.
Cette abeille a été entraînée à choisir des stimuli en fonction de deux relations (voir plus bas dans le texte) : « au-dessus / dessous de » et « différence ». L'abeille choisit des stimuli composés de figures jamais vues auparavant dans le cas où ces images satisfont les deux concepts simultanément : l'une est au-dessus de l'autre et toutes deux sont différentes l'une de l'autre. © A. Avarguès-Weber/CRCA
L'abeille peut gérer un double concept abstrait
L'un des tests consistait à placer ces mêmes abeilles devant de nouvelles images. Le seul point commun avec les figures de l'entraînement était leur disposition : « l'une au-dessus de l'autre » et « l'une à côté de l'autre ». Les abeilles, bien que n'ayant jamais vu ces nouvelles images, ont choisi correctement la cible en fonction de cette relation d'ordre abstrait.
Mais ce n'est pas tout : lors de l'entraînement, les images au milieu desquelles se trouvait la récompense étaient toujours différentes entre elles. Pour savoir si les abeilles avaient aussi appris cette relation de différence, les chercheurs les ont confronté à des stimuli nouveaux où les images constituantes respectaient la relation récompensée (par exemple « l'une au-dessus de l'autre ») mais qui étaient soit différentes, soit identiques. Les abeilles ont ignoré les stimuli faits d'images identiques, montrant qu'en plus des concepts « au-dessus / au-dessous » et « à côté », elles manipulaient simultanément le concept de « différence » pour prendre leur décision.
Cette étude remet en question l'idée que des cerveaux mammifères (dont le nôtre), plus importants en taille, sont nécessaires à l'élaboration d'un savoir conceptuel. Elle démontre aussi que la formation de concepts est possible en l'absence de langage. D'un point de vue philosophique, elle apporte de nouveaux éléments à la discussion sur ce qui serait propre à l'Homme. À l'heure actuelle, l'équipe de Martin Giurfa s'attèle à l'identification des réseaux neuronaux responsables de cette conceptualisation.