D’après deux géochimistes de l’Université d’Edmonton au Canada, l’extinction survenue il y a 93,5 millions d’années parmi la faune et la flore marines aurait été causée par une importante activité volcanique dans les océans. Leurs eaux seraient devenues anoxiques.
Climacograptus wilsoni, des graptolites fossilisés dans un schiste noir. Les graptolites étaient des animaux marins vivant en colonies. Quelques espèces existent encore aujourd'hui, alors que l'on croyait ce groupe éteint. Crédit : James St. John

Climacograptus wilsoni, des graptolites fossilisés dans un schiste noir. Les graptolites étaient des animaux marins vivant en colonies. Quelques espèces existent encore aujourd'hui, alors que l'on croyait ce groupe éteint. Crédit : James St. John

En utilisant comme traceur géochimique de l'osmium, deux chercheurs en géosciences, Steven Turgeon et Robert A Creaser, pensent avoir déterminé la cause de l'événement anoxique océanique global numéro 2 ou en anglais oceanic anoxic event 2 (OAE 2), à la limite Cénomanien-Turonien (Crétacé supérieur). Comme ils l'expliquent dans Nature, l'osmium a été retrouvé en quantités importantes dans les fameux schistes noirs qui se sont déposés au Crétacé supérieur et que l'on trouve associés aux gisements pétroliers. Or, l'augmentation de la quantité d'osmium dans l'océan va de paire avec une augmentation de l'activité volcanique.

D'après eux, des fontaines de laves sous-marines colossales auraient surgi pendant cette période dans la région des Caraïbes, entraînant d'une part une modification de la géochimie des océans et d'autre part la libération de nutriments favorables au développement du plancton. Dans un premier temps, les eaux océaniques auraient subi, par effet direct de la géochimie, une diminution de leur taux d'oxygène. Les nutriments supplémentaires ayant rapidement conduit à augmenter la biomasse, la décomposition des animaux et des plantes, grande consommatrice d'oxygène au fond des océans, a secondairement poussé les eaux océaniques vers l'anoxie. La chute du taux d'oxygène provoquant à son tour la mort des êtres vivants en masse dans certaines régions, le processus se serait encore amplifié jusqu'à devenir global et affecter tous les océans de la planète.

Une crise passagère qui démontre des rétroactions complexes

A l'échelle des temps géologiques, tous ces événements se seraient produits en un clin d'œil. Paradoxalement, alors que le taux de gaz carbonique augmentait dans l'océan, celui dans l'atmosphère a diminué entraînant un refroidissement. En effet, le carbone s'est retrouvé piégé au fond des océans avec les animaux et les plantes en décomposition qui donneront ultérieurement des gisements de pétrole. Toutefois, 10.000 à 50.000 ans plus tard, le taux de CO2 dans l'atmosphère est remonté à nouveau.

Le travail de ces chercheurs apporte donc des éléments de plus pour comprendre le système Terre qui se comporte comme une gigantesque usine chimique avec des boucles complexes de rétroactions, à différentes échelles de temps et d'espace. Voilà qui devrait nous aider à mieux comprendre le cycle du carbone, nous qui le modifions si rapidement, et à mieux prédire ses conséquences sur le réchauffement climatique.