Les superterres en zone d’habitabilité sont très nombreuses dans la Voie lactée. Mais une des conditions pour qu'elles soient effectivement habitables serait l'existence d'une tectonique des plaques durant suffisamment longtemps. Un groupe de planétologues vient justement de relancer le débat sur l’occurrence de tels mouvements sur ces superterres. La tectonique ne serait pas inévitable.

La théorie de la tectonique des plaques est banale et évidente pour nous aujourd'hui. Pourtant, ce n'était pas encore le cas lorsque Maurice et Katia Krafft ont entrepris d'étudier la géologie au milieu des années 1960 et il a fallu l'œuvre de pionniers comme Haroun Tazieff et Jean Francheteau pour qu'elle s'impose dans le monde des géosciences.

Il semble que cette tectonique ait joué un rôle important dans le développement et le maintien de l'habitabilité de la vie sur Terre par l'intermédiaire du volcanisme. En libérant de grandes quantités de gaz carbonique dans l'atmosphère de la Terre, ce volcanisme a contribué à l'effet de serre qui conserve la température de la Terre suffisamment élevée pour que l'eau à sa surface reste liquide dans ses océans. C'est peut-être lui aussi qui a aidé la Terre à sortir du Cryogénien, période où la Planète subissait une forte glaciation selon la théorie dite de la Terre boule de neige.

Sur une échelle de temps assez longue, la tectonique des plaques joue un rôle régulateur du cycle du carbone sur la Terre. En engloutissant des plaques par subduction contenant des carbonates, elle recycle le carbone en le libérant à nouveau lors des éruptions volcaniques. Comme il semble bel et bien que la présence d'eau liquide aide au développement et au maintien de la tectonique des plaques, il existe donc une série de couplages entre effet de serre, persistance de la tectonique des plaques et cycle du carbone. C'est ce qui expliquerait que l'emballement de l'effet de serre à la surface de Vénus ait conduit à la disparition d'une tectonique des plaques sur la jumelle de la Terre.

Depuis la découverte des exoplanètes, la question de leur habitabilité est bien sûr posée. On a de très bonnes raisons de penser que des milliards de superterres potentiellement habitables existent dans la Voie lactée. Toutefois, se trouver dans la zone d'habitabilité ne suffit pas. Il faut que l'atmosphère de la superterre permette aussi l'existence de l'eau liquide à sa surface pendant longtemps. Vénus, par exemple, se trouve dans la zone d'habitabilité mais elle est un enfer du fait de son atmosphère et de son effet de serre.

Pour préciser les conditions d'habitabilité des superterres, il a donc fallu procéder à la modélisation de l'intérieur des exoplanètes ainsi que leur atmosphère. Résultat : elles pourraient avoir une exogéologie surprenante et seraient probablement fréquemment des Arrakis.

Vue d'artiste du trio de superterres découvert par une équipe européenne en utilisant le spectrographe Harps sur le télescope de l'ESO de 3,6 m à La Silla, au Chili, après cinq années d'observations. Les trois planètes ont respectivement 4,2 ; 6,7 et 9,4 fois la masse de la Terre et bouclent des orbites autour de l'étoile HD 40307 avec des périodes de 4,3 ; 9,6 et 20,4 jours respectivement. © ESO

Vue d'artiste du trio de superterres découvert par une équipe européenne en utilisant le spectrographe Harps sur le télescope de l'ESO de 3,6 m à La Silla, au Chili, après cinq années d'observations. Les trois planètes ont respectivement 4,2 ; 6,7 et 9,4 fois la masse de la Terre et bouclent des orbites autour de l'étoile HD 40307 avec des périodes de 4,3 ; 9,6 et 20,4 jours respectivement. © ESO

Un élément clé pour l'apparition et le maintien de l'habitabilité semble bien être, on l'a dit, une tectonique des plaques. Sur Terre, elle aurait été en place peut-être dès la fin de l'Hadéen. Les premières modélisations faites il y a quelques années étaient optimistes et laissaient penser que ce phénomène caractéristique de la Terre devait facilement se produire chez ses cousines. Mais si l'on en croit une publication récente dans The Astrophysical Journal de membres du DLR Institute of Planetary Research, ce ne serait pas le cas.

Des superterres trop visqueuses pour de la convection

Le moteur de la tectonique des plaques sur Terre, c'est la convection de son manteau. Pour qu'un état convectif se développe à l'intérieur d'une planète rocheuse, des critères sont à satisfaire. La température et la pression, qui dépendent de la profondeur, font partie des paramètres importants, tout comme la viscosité des roches.

Cela peut paraître étonnant que l'on puisse parler de convection et de viscosité des roches du manteau quand on sait que celui-ci est essentiellement solide, mais tout n'est qu'une question d'échelle de temps. La glace d'un glacier coule et se déforme quand on l'observe à l'échelle des années et non des heures. C'est pareil dans le manteau. Si celui-ci était trop visqueux, compte tenu de la taille et de l'état thermique de la Terre, la convection du manteau ne pourrait pas se produire en donnant une tectonique des plaques durable.

Selon les chercheurs, les études réalisées jusqu'à présent ne tenaient pas compte du fait que la viscosité des roches augmente avec la pression. Transposé aux superterres, ce comportement de la viscosité rend plus problématique l'amorce d'un état convectif car, du fait des plus grandes tailles et masses de ces exoplanètes, les pressions qui règnent dans leurs intérieurs sont plus élevées. Si l'on applique cette contrainte aux premiers modèles de formation des superterres, elles ne contiennent pas assez de chaleur pour que leur manteau supérieur devienne convectif. Les nouveaux modèles prévoient toutefois que ces exoplanètes peuvent se former en étant plus chaudes qu'on ne le pensait. Même là, si un état convectif est possible, il n'est pas évident qu'il permette une tectonique des plaques favorables à la vie.

Il reste cependant dans ce dernier cas un autre paramètre dont il faut tenir compte, c'est la quantité d'eau présente dans les roches du manteau supérieur. Elle pourrait parfois contrecarrer l'effet de l'augmentation de la viscosité. Pour y voir plus clair, il faudra probablement entreprendre des expériences pour simuler avec des cellules à enclumes de diamants les conditions régnant dans les profondeurs des superterres.