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Flanc nord du volcan actif Cayambe (5790m) montrant les dômes sommitaux englacés, et un dépôt pyroclastique très récent gris et dénué de végétation). © IRD/Michel Monzier
La cordillère des Andes constitue un exceptionne laboratoire naturel et un terrain privilégié pour comprendre la structure, l'évolution et le fonctionnement d'une zone de subductionzone de subduction océan-continent. En effet, l'arc résulte de la subduction de la plaque océanique de Nazca sous la plaque continentale d'Amérique du Sud. La première est soumise à des pressionspressions et des températures croissantes à mesure qu'elle s'enfonce sous la seconde. Cela conduit à la formation de magmas qui, en remontant à travers la plaque continentale, sont à l'origine des volcans andins. Depuis 1995, le laboratoire Magmas et Volcans (UMR 163) collaboration avec les chercheurs de l'Institut de Géophysique de l'Ecole polytechnique nationale (EPN) de Quito et ceux de la Jeune Équipe Associée (JEAI) récemment créée à l'EPN. Un intérêt croissant est mis en avant pour l'étude et la gestion du risque volcanique, ainsi que pour l'amélioration de la prévention. Reconstituer l'histoire d'un édifice volcanique constitue la base de ce travail ; la connaissance du comportement passé d'un volcan étant la clé de la compréhension de son activité future.
Dans ce cadre, les derniers travaux publiés par les chercheurs de la JEAI et de l'IRD sont le résultat de plusieurs années de recherches pluridisciplinaires menées sur le volcan Cayambe. Du fait de sa forme de dôme englacé et de l'absence d'activité apparente, cette structure qui culmine à 5790 m était considérée, il y a encore peu de temps, comme un volcan éteint. Recouvert par une épaisse calotte de glace, il représente le cas idéal d'un édifice endormi, mais dont le sommeilsommeil pourrait bien se révéler léger et le réveil extrêmement dangereux. Son activité en profondeur est en effet similaire à celle de volcans équatoriens actifs, comme le Cotopaxi. Des enregistrements ont ainsi révélé une importante activité sismique sous le sommet.
Les chercheurs viennent de finaliser la première carte géologique complète du Cayambe. L'étude exhaustive de l'édifice a commencé par l'étude des coulées et des retombées récentes constituées de fragments de roches volcaniques (retombées pyroclastiques), l'échantillonnageéchantillonnage et la cartographie des différentes parties de ce volcan. Le complexe volcanique du Cayambe est schématiquement constitué de deux grands édifices qui, d'Ouest en Est, comprennent :
1°) Le vieux Cayambe, vaste édifice essentiellement constitué de lavelave, très érodé et âgé d'environ 1 million d'années (Ma) ;
2°) Le "Nevado Cayambe", édifice moins volumineux formé depuis environ 0,1 Ma, essentiellement composé de magma dont la composition chimique contient entre 63 et 69 % de silicesilice (dacitique) correspond à une activité plus explosive. Il est coiffé par un vaste complexe de dômes, partiellement holocènesholocènes, formant les points culminants de ce massif ; le cônecône Angureal, âgé d'environ 0,4 Ma, correspond à la transition entre les deux édifices ;
3°) Enfin, le "Cono de la Virgen" est un modeste édifice satellite, probablement holocène, installé sur les basses pentes orientales du Nevado Cayambe, d'où s'épanchent d'importantes coulées de laves, et qui fut le site de la dernière éruption en 1785-1786.
Par ailleurs, la première chronologie absolue de cet imposant édifice volcanique a été obtenue en collaboration avec l'UMR Géosciences Azur à partir de mesures isotopiques sur l'argonargon, un gazgaz rare piégé dans les laves. Ces mesures viennent s'ajouter à l'étude des retombées de cendres et de poncesponces sur une tourbièretourbière d'altitude. Des datations au carbone 14datations au carbone 14 ont ont pu ainsi être effectuées à différents niveaux de ces dépôts. Ainsi, au cours des 4 derniers millénaires, le volcan Cayambe Nevado a connu trois périodes éruptiveséruptives de 700 ans environ chacune, séparées par des phases de repos de l'ordre de 500 à 600 ans. Auparavant celui-ci était demeuré longtemps inactif.
Les chercheurs présentent également des résultats de petrologie et de géochimie qui montrent l'évolution des magmas au cours de l'histoire du volcan, résultant principalement de processus ayant lieu très profondément sous le volcan. La composition chimique des laves est liée à une importante participation des produits de la fusionfusion de la croûte océaniquecroûte océanique plongeant sous la croûte continentalecroûte continentale (et non seulement de la fusion du manteaumanteau comme c'est généralement le cas). Ces résultats aident à comprendre l'évolution du stylestyle éruptif du Cayambe dont les magmas deviennent de plus en plus "acidesacides", c'est-àdire riche en silice, et de plus en plus visqueux donc de plus en plus explosifs. Les styles éruptifs qui caractérisent ces trois grands cycles récents sont ainsi ceux d'un appareil volcanique à dômes sommitaux. En 4000 ans, au moins 23 éruptions ont été dénombrées, engendrant des coulées pyroclastiquescoulées pyroclastiques et des retombées issues d'éruption formant une colonne volcanique turbulente qui monte souvent jusque dans la stratosphèrestratosphère (retombées pliniennespliniennes). Ce nombre équivaut à un peu plus d'une éruption par siècle en moyenne. Le temps qui nous sépare de la dernière éruption, intervenue en 1785-1786, n'est donc pas suffisant pour affirmer que la dernière période d'activité est terminée. Ces résultats donnent un éclairage nouveau sur les menaces que ce volcan, fortement englacé, fait peser sur les populations vivant à son pied. En cas d'événement concernant la cime même du volcan, une débâcle glaciaire pourrait se produire et menacer directement la ville de Cayambe et les villages environnants, ainsi que la riche plaine agricole située à l'ouest du volcan. soit une population de plus de 30 000 habitants.
Un travail de prévention a de plus fait l'objet de la publication d'une carte des menaces volcaniques du Cayambe et d'un livre en espagnol, destiné aux populations vivant aux alentours du volcan afin de leur présenter comment vivre avec ce turbulent voisin. Tous ces travaux s'inscrivent donc dans une démarche globale depuis l'étude scientifique la plus pointue possible et mettant en oeuvre les techniques les plus modernes, jusqu'à l'applicationapplication des résultats obtenus en vue de la réduction des risques encourus par la population équatorienne.