Certains massifs de roches plutoniques sont appelés « des batholites ». Ils proviennent d'un magma qui s'est refroidi sous la surface de la Terre. Il pourrait s'agir d'anciennes chambres magmatiques de supervolcans. Celui situé dans le Wyoming (États-Unis) est appelé « Lankin Dome » ; il est constitué de granite. Son étude pourrait permettre de mieux prévoir les superéruptions.

Haroun Tazieff était fasciné par les éruptions volcaniques provenant de la fusion partielle des roches du manteau de la Terre (le manteau est en grande partie solide, comme on le sait depuis plus d'un siècle). Il se forme alors du magma qui, lorsqu'il arrive en surface, se dégaze pour donner des laves et des édifices volcaniques.

Toutefois, il peut arriver que le magma n'atteigne jamais la surface et qu'il se refroidisse en donnant des massifs cristallins, constitués de roches dites « plutoniques », comme le sont les granites et les gabbros. Ces blocs de roches sont appelés « des plutons » mais, dans certains cas, on les nomme également « des batholites » (du grec bathos, profondeur, et lithos, roche) ou « massif discordant » car les roches ignées intrusives ne respectent pas les lignes de force de leur encaissant.

L'érosion peut mettre au jour ces batholites. C'est le cas par exemple aux États-Unis, dans le Wyoming. Une partie est d'ailleurs bien connue des passionnés d'excursion ; elle se nomme « le Lankin Dome ». Celui-ci est constitué de granite qui a cristallisé il y a environ 2,62 milliards d'années. Ce batholite vient d'attirer toute l'attention d'un groupe de géologues, comme expliqué dans un article publié dans American Mineralogist.

Deux géologues en pleine exploration du Lankin Dome, au Wyoming (États-Unis). © Myron Allen

Deux géologues en pleine exploration du Lankin Dome, au Wyoming (États-Unis). © Myron Allen

Des supervolcans pourraient se réveiller

Pourquoi un tel intérêt pour ce site ? Tout simplement parce que des volcanologues pensent que certains batholites au moins sont des vestiges de chambres magmatiques de supervolcans. L'un des plus fameux supervolcans est celui de Yellowstone et il pourrait bien se réveiller. Or, on sait que celui à l'origine de l'éruption survenue il y a environ 74.000 ans, dans l'île de Toba, en Indonésie, aurait mené l'humanité au bord de l'extinction. L'étude des horloges moléculaires a en effet indiqué que vers cette date, la population humaine sur la planète s'était brutalement réduite à un groupe de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d'individus tout au plus.

La raison en est simple. L'éruption du supervolcan de Toba aurai projeté dans l'atmosphère pas loin de 2.800 km3 de cendres et d'autres produits volcaniques, ce qui aurait créé un changement climatique majeur. Pour s'en convaincre, il suffit de savoir que rien que les 10 km3 de cendres crachées par le Pinatubo au début des années quatre-vingt-dix a modifié l'albédo de la Terre et ainsi fait baisser la température moyenne de notre planète de 0,6 °C pendant deux à trois ans.

Une superéruption à Yellowstone ou encore dans les Campei Flegrei (en Italie, près de Naples) aurait sans doute des conséquences dramatiques pour notre civilisation. Lors de telles éruptions, plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres cubes de matériaux sont brutalement éjectés en quelques heures. Ces phénomènes sont rarissimes mais c'est justement la raison pour laquelle nous ne savons pas quels en sont les signes précurseurs. En effet, aucune superéruption n'a été l'objet d'une étude en direct.

Prévoir les superéruptions grâce aux batholites

Pour contourner le problème, les volcanologues essayent de comprendre quelles modifications chimiques, physiques et minéralogiques ont eu lieu dans certaines de ces anciennes chambres magmatiques de supervolcans, en supposant qu'elles aient laissé des traces de ces éventuels processus. Si un batholite est bien, parfois, le reste d'une de ces chambres, et cela est débattu, alors son étude pourrait nous aider à prévoir une superéruption.

Celui du Wyoming s'étend sur presque 200 kilomètres mais les géologues ont déterminé que sa composition était remarquablement homogène, sauf si on descend au niveau de variations en abondance des certains isotopes. Le magma devait donc y être particulièrement bien mélangé mais devait dériver de plusieurs sources, c'est-à-dire de la fusion partielle de plusieurs roches.

Toutefois, la haute teneur en silice et potassium des granites est différente de celle des laves des produits éruptifs issus des éruptions des supervolcans dans les Andes. Les données collectées suggèrent que le batholite du Wyoming serait la partie figée d'un vaste système magmatique. Ce dernier pourrait avoir alimenté l'équivalent des supervolcans en activité au nord du Chili et au sud de la Bolivie il y a 10 millions d'années. Cependant, ces teneurs laissent aussi penser que le réservoir de magma s'est refroidi sur place sans produire d'éruption volcanique en surface.