L’île indonésienne de Flores, située à plus de 500 kilomètres à l’est de l’île de Java, possède quelques volcans, mais le plus célèbre d’entre eux est indéniablement Kelimutu. Et pour cause, ses trois lacs de cratère présentent des couleurs éclatantes aussi variées que mouvantes, du bleu au vert, en passant par le rouge, le blanc ou le noir ! De nombreux visiteurs viennent ainsi contempler cette merveille naturelle où l’activité hydrothermale et les précipitations jouent ensemble une partition chimique complexe éveillant une certaine curiosité.


au sommaire


    Pour les communautés locales, le sommet du Kelimutu serait le lieu de repos des âmes défuntes, triées selon leur type dans ces trois lacs. Le plus occidental, nommé Tiwu Ata Mbupu, accueillerait ainsi les âmes des personnes âgées. De 400 mètres de diamètre environ, comme les deux autres, et profond de 60 mètres, il est entouré d'arbres, ce qui témoigne d'une activité volcanique moindre à cet endroit. Son pH est d'ailleurs le plus haut des trois, entre 3 et 4 selon les précipitations, et sa couleurcouleur est plutôt noire ou bleu foncé, comme en ce moment.

    Les trois lacs de cratère de Kelimutu : le moins actif au premier plan (Tiwu Ata Mbupu) et derrière, les deux autres lacs accolés (Tiwu Nua Muri Kooh Tai devant Tiwu Ata Polo). Quel endroit magique !

    L'aridité autour des deux lacs centraux témoigne d'une activité volcanique plus importante, le flux de gazgaz, le pH et la température des eaux le confirmant. Le plus actif des deux, le lac central, se nomme Tiwu Nua Muri Kooh Tai et hébergerait les âmes des jeunes gens. Une forte activité hydrothermale sous le lac, profond lui de 127 mètres, engendre une convectionconvection de l'eau et apporte parfois en surface une moussemousse jaune soufrée. C'est le cas en ce moment avec « un flux tourbillonnant » et des dépôts de soufresoufre abondants en surface. Le pH y est logiquement plus acideacide, à environ 0,5, pour une couleur généralement turquoise, mais pouvant être bleue ou vert clair et même blanche ! C’est le lieu des dernières activités explosives phréatiques, en 1938 et 1968.      

    Enfin, de l'autre côté d'une fine paroi de 40 à 50 mètres pour 30 mètres de haut, se trouve le lac Tiwu Ata Polo qui abriterait les mauvais esprits. D'une couleur jamais identique à son proche voisin, l'apport en gaz y est intermédiaire par rapport aux deux autres lacs, pour une couleur qui varie du rouge au vert foncé, en passant par le bleu et le marron. En mai dernier, il était vert turquoise, brun un mois plus tard et rouge début juin ! Le changement de couleur peut donc être rapide !

    Évolution du lac Tiwu Ata Polo entre le 14 mai 2024 et le 10 juin 2024.   

    Une chimie active

    L'accès aux bords de ses lacs et les conditions d'échantillonnageéchantillonnage, que ce soit pour les Hommes ou les appareils de mesure, expliquent l'absence d'un suivi à long terme sur la chimiechimie de ces eaux. C’est pourquoi les différentes couleurs ne sont pas encore parfaitement expliquées, bien qu'il semble évident que le lien entre la quantité de gaz et les minérauxminéraux dissous dans ces eaux et leurs couleurs est très étroit. Les fumerolles enrichissent donc très clairement les eaux des lacs en divers éléments chimiqueséléments chimiques, notamment en soufre, chlorure et fluorure. Pour les deux lacs centraux, on trouve ainsi dans un ordre décroissant du SO4, du chlorechlore, de l'aluminiumaluminium et du ferfer (pour Tiwu Nua, on a ainsi respectivement 50 000 ppmppm, 25 000 ppm, 8 600 ppm et 2 600 ppm). Cependant, même si ces gaz proviennent de la même source magmatique interne, chaque fumerolle comporte des compositions chimiques différentes, en lien avec leur température notamment : les apports sont donc différents dans chacun des lacs.

    Quelles couleurs ! 

    Tiwu Nua, le lac central, est alimenté par d'intenses et chaudes fumerolles injectant du HF, du HCL et du H2S en grande quantité. La quantité de soufre est si importante qu'une partie peut précipiter et former ces nappes soufrées en surface du lac. C'est donc un lac sulfurique somme toute assez classique, comme le célèbre Kawah Ijen par exemple. Sa couleur turquoise n'est toutefois pas encore comprise, même si elle pourrait être due à des oxydes d'aluminiumoxydes d'aluminium et de fer hydratés ou au sulfate de cuivrecuivre hydraté...

    Le lac Tiwu Ata Polo est souvent plus sombre, avec une couleur qui semble être plus directement liée à l'oxydationoxydation du fer, en lien avec les précipitations. C'est ainsi qu'une abondance en fer ferreux (Fe2+)) donne une couleur verte, plutôt en période sèche. Mais lorsqu'il pleut, le taux d'oxygène augmente dans le lac, ce qui permet la précipitation d'hématite (Fe2O3) donnant une couleur rouge à l'eau. Trop d'oxygène dans l'eau ferait néanmoins tendre la couleur vers le brun ou le noir. Enfin, la couleur blanche est très clairement associée à des périodes de forte activité, comme dans les années 1930 par exemple quand le lac Tiwu Nua a atteint plus de 60 °C, ou plus récemment en 1997. Cette couleur serait due à des sédiments brillants, comme des sels ou du gypsegypse, qui seraient agités par les fumerolles.

    Une ambiance magique !

    L’activité sismique des derniers mois atteste d’une augmentation de l’activité du système hydrothermal du volcan, propice à ces changements de couleur. Alors, quelles teintes aurai-je la chance de voir lors du séjour que j'accompagne sur ce volcanvolcan en octobre prochain ? Espérons en tout cas que cette hausse ne s'intensifie pas à moyen ou long terme, car une activité phréatiquephréatique pourrait modifier la zone sommitale et ainsi détruire ce joyau naturel forcément éphémère...

    Pour en savoir plus sur ce séjour à Flores et aux Komodo que j'accompagne : https://80joursvoyages.com/tours/indonesie-volcans-de-flores-komodo-randonnees-et-croisiere/