Avec seulement quelques visiteurs par mois, les nouvelles en provenance de la « montagne des dieux maasaïs » sont rares et souvent peu exploitables pour appréhender l’évolution de l’activité volcanique au cours du temps. Mais deux expéditions récentes de l’agence 80 Jours Voyages à un an d’intervalle permettent de percevoir une évolution progressive et modérée des évents actifs au cours du temps, ainsi qu’un remplissage incontestable du petit cratère sommital…
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L'activité éruptiveéruptive du volcan Ol Doinyo Lengaï, surnommé la « montagne des dieux », est quasiment permanente, comme l'attestent les signaux thermiques repérés fréquemment à l'intérieur du cratère sommital sur les images satellitaires de ce secteur. Mais la température de cette lave si particulière - une carbonatite - étant d'environ 500 °C, les signaux thermiques sont assez faibles en comparaison des éruptions de lave plus classiques, ce qui empêche une appréciation et un suivi précis de l'activité. Il faut alors compter sur les observations directes qui sont assez rares, car le volcan se trouve dans un endroit assez désert et son ascension est dissuasive, même si le spectacle promis là-haut vaut évidemment le détour...
Un cratère qui se remplit progressivement
L'éruption paroxysmale de 2007-2008 a formé un cratère d'environ 300 mètres de diamètre, avec une partie centrale abrupte dont le plancherplancher a été estimé à 120 mètres de profondeur. Après cet événement, l’activité classique a repris rapidement, plutôt sur les bords de ces parois abruptes, et avait déjà rehaussé le plancher cratérique d'une vingtaine de mètres. Aujourd'hui, il se situe vers 2 800 mètres d'altitude, à environ 70 mètres sous la lèvre du cratère et semble avoir remonté d'un peu plus de cinq mètres en un an... Si l'activité perdure ainsi, il faudra donc sans doute attendre au moins deux décennies pour que le remplissage du cratère soit total et qu'il déborde à nouveau, comme entre 1998 et 2007 !
À la différence de l'expédition de l'année dernière, aucune coulée de lave récente de grande ampleur n'a pu être remarquée. Les évents actifs étaient toujours en position centrale, certains à la même position que l'année d'avant, mais ils sont difficilement reconnaissables tant ces cônescônes volcaniques sont fragiles et donc avec une morphologiemorphologie très changeante...
Merci à Sylvain Chermette, gérant de l'agence 80 Jours Voyages qui me permet d'utiliser gracieusement ces photos, illustrant ainsi joliment cet article. Il reste des places disponibles pour son séjour sur le Lengaï du 7 au 17 juin 2024.
À la découverte du volcan le plus insolite de la planète
Avec ses flancs vertigineux et sa silhouette volcanique, il se dresse au milieu de la savane tanzanienne, non loin du lac Natron. Selon le peuple maasaï, une tribu semi-nomade vivant dans ce secteur de l'Afrique, le volcan serait habité par le dieu créateur Engaï qui lui a donné son nom. Paysage superbe, lieu mystique, la montagne des dieux maasaïs est aussi une curiosité volcanologique ! Car ce volcan est le seul du monde à émettre des carbonatites, des laves de couleurcouleur noire lorsqu'elles sont en fusionfusion et qui deviennent blanches en refroidissant...
Article de Ludovic LeducLudovic Leduc, publié le 13 avril 2023
Ce volcan se situe au beau milieu du rift est-africain qui traverse l'Afrique sur au moins 5 000 kilomètres, de l'Afar jusqu'au Mozambique. Ce riftrift est la conséquence d'un processus extensif qui, à terme, pourrait séparer le continent africain en deux. Celui-ci permet la fusion partiellefusion partielle du manteaumanteau à ce niveau, mais avec un taux très faible, ce qui produit des magmasmagmas riches en alcalins (sodiumsodium et potassiumpotassium notamment).
L'ascension de ce magma dans la croûte terrestrecroûte terrestre vers le volcan serait ensuite associée à un processus de séparationséparation de deux liquidesliquides magmatiques, des magmas que l'on peut différencier par leur teneur en siliciumsilicium. Le premier est silicaté, comme la grande majorité des magmas terrestres, et de nature néphélinique. Il constitue un réservoir en profondeur du volcan.
Mais, de ce magma, un second liquide s'extrait du fait de son immiscibilité avec le premier et, par contrastecontraste de densité, remonte dans l'édifice volcanique pour former un réservoir superficiel. Ce magma est très particulier, car il contient moins de 20 % de silicium (contre plus de 40 % pour tous les autres magmas sur TerreTerre) et est très riche en calciumcalcium, sodium et potassium : il est de nature carbonatitique.
Des éruptions de deux natures
Ce réservoir superficiel alimente l'activité quasi permanente de ce volcan, une activité unique sur notre Planète ! En effet, Ol Doinyo Lengaï est le seul volcan terrestre qui émet ce type de lave ! Or, ces laves sont très étonnantes : elles sont d'une fluidité exceptionnelle, de couleur noire à marron foncé lorsqu'elles sont en fusion et à environ 500 °C seulement -- contre de 800 à 1 200 °C pour les magmas « classiques » ! En outre, elles réagissent très rapidement dans l'atmosphèreatmosphère et, en quelques heures, les minérauxminéraux carbonatés s'altèrent et blanchissent...
Si ces carbonatites font la singularité de ce volcan, elles ne composent pourtant qu'environ 5 % du volumevolume du volcan, le reste correspondant au magma néphélinique ! Ce dernier est associé à des éruptions violentes qui, de manière générale, recréent un cratère au sommet du volcan. C'est ainsi qu'avant 2007, le cratère sommital du volcan était comblé, totalement rempli par les carbonatites émises pendant les quatre décennies précédentes, à tel point que le cratère débordait.
Si bien que les curieux pouvaient s'aventurer au plus près de ces laves étonnantes ! Mais une violente éruption se produisit à partir du mois de septembre 2007, avec un paroxysme au mois de février 2007 au cours duquel un panache de cendres de 15 kilomètres de haut se forma ! Un cratère de 300 à 350 mètres de diamètre se façonna lors de cette éruption, en lieu et place de la plateforme d'avant... Puis, comme après les éruptions violentes de 1917, de 1940-1941 et de 1966-1967, l'activité carbonatitique a repris, et entreprend de combler ce profond cratère...
Un cratère en noir et blanc désormais observable
Depuis 2008, l'activité éruptive est sporadique, repérée sur les images satellitaires par de faibles incandescencesincandescences ou sur les photos des quelques curieux qui montent au sommet du volcan. On peut ainsi constater que le plancher du cratère remonte progressivement, si bien que l'activité est désormais observable dans de bonnes conditions... C'est ainsi qu'en juin 2022, Sylvain Chermette et ses clients observèrent cinq à sept évents actifs au fond du cratère, alignés dans une direction ouest-nord-ouest/est-sud-est. L'activité sur chacun d'eux était variable. Ici, des projections atteignaient quelques mètres de haut, construisant des cônes relativement dressés de plusieurs mètres de haut. Là, des coulées s'épanchaient au fond du cratère. Au centre de celui-ci, la base d'un ancien cône imposant et effondré abritait des petits lacs bouillonnants... Un spectacle varié selon les évents donc, au gré du jour et de la nuit, mais aussi durant les trois jours qu'ils restèrent au sommet du volcan. Sylvain Chermette y retourne en juin prochain : le volcan aura-t-il évolué ?
Merci à Sylvain Chermette, gérant de l'agence 80 Jours Voyages qui me permet d'utiliser gracieusement ces photos, illustrant ainsi joliment cet article. Il reste des places disponibles pour son séjour sur le Lengaï en juin prochain.
L'activité du Lengaï en vidéo. © Sylvain Chermette, 80 Jours Voyages