Exploiter la chaleur des roches : voilà bien quelque chose que les Islandais savent faire. Mais avec le projet Krafla Magma Testbed, ils iront bien plus loin. Car l’objectif est désormais d’exploiter directement la chaleur du magma ! Un forage qui devrait débuter d’ici quelques années et apporter, en prime, de précieuses données sur le fonctionnement des volcans.


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    Cela fait plusieurs années que le projet est dans les tuyaux. Un projet fou et extrêmement ambitieux, à double enjeu : repousser les limites de la connaissance scientifique sur les volcans et produire une énergieénergie propre, illimitée et à moindre coût. Ce projet, c'est le Krafla Magma Testbed (KMT).

    Tout commence en 2009. Au cours d'un projet de prospection de nouveaux sites géothermiques dans le champ géothermique du volcan islandais Krafla (notre photo), les compagnies de forage tombent accidentellement sur du magma, à une profondeur de seulement 2,1 kilomètres. La découverte est énorme et inédite : ils viennent par hasard de traverser la chambre magmatique du volcan ! Une première qui ouvre très rapidement la voie à une foule de possibilités. Car c'est en effet la première fois que du magma devient accessible de manière in situ. Une aubaine pour les chercheurs.

    Échantillonner le magma directement « à la source »

    En 2017, le projet KMT voit donc le jour avec, comme objectif premier, d'échantillonner le magma directement au sein de la chambre magmatique. Des analyses qui pourraient permettre de révolutionner notre compréhension des volcans et de la croûte terrestre, en ayant pour la première fois accès à du magma frais, et non simplement à de la lave, dont la composition chimique a été modifiée au cours de la remontée à travers les conduits magmatiques.

    L'accès direct au magma apporterait des informations inédites sur les processus magmatiques. © Cavan, Adobe Stock
    L'accès direct au magma apporterait des informations inédites sur les processus magmatiques. © Cavan, Adobe Stock

    Profiter d’une importante source énergétique intarissable et propre

    Deuxième objectif : expérimenter l'extraction de l'énergie directement à partir du magma. Car si l'énergie géothermique est l'une des options les plus intéressantes dans le contexte de transition énergétique actuel, le projet KMT fait un pas de plus. Pour rappel, l’énergie géothermique tire habituellement profit de l'augmentation de la température des roches avec la profondeur, qui est d'autant plus importante dans les régions volcaniques. Dans le cas du projet KMT, le contact avec le magma pourrait toutefois apporter 10 fois plus d’énergie que dans un puits géothermique classique !

    Le champ géothermique de Krafla est déjà largement exploité. © Ásgeir Eggertsson, Wikipédia
    Le champ géothermique de Krafla est déjà largement exploité. © Ásgeir Eggertsson, Wikipédia

    Un forage qui devrait débuter dans les prochaines années

    Mais, pour réaliser ces missions, le projet doit d'abord se doter d'équipements spécifiques et développer une technologie apte à résister à un environnement de chaleurchaleur extrême. Au contact avec le magma, la température est en effet d'environ 900 °C ! Cette étape est actuellement en cours de réalisation. L'étape suivante, le forage, devrait débuter en 2025 d’après le site du KMT. Deux puits sont prévus. Le premier sera dédié aux mesures scientifiques et à l'étude du magma. Le deuxième au potentiel géothermique.  

    Si le projet est un succès, cela pourrait révolutionner l'accès à l'énergie géothermique. Car cette technologie a la capacité d'être déployée dans de nombreuses régions volcaniques à travers le monde, à terreterre comme en mer !


    Le premier observatoire de magma souterrain au monde va creuser vers le centre de la Terre

    Le Krafla (Islande) était déjà un système volcanique exceptionnel de beauté. Et une région riche en ressources géothermiques. Qui s'apprête désormais à devenir également un site de recherche scientifique unique au monde. Une équipe internationale se prépare en effet à y créer un observatoire de magma souterrain.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 4 décembre 2021

    L'endroit est merveilleux. Une caldeiracaldeira d'une dizaine de kilomètres. Un lac de cratère rempli d'une eau turquoise incroyablement limpide. Des champs de lavelave encore chauds. Des panaches de fumée et des bouillonnements sulfureux. Un cadeau de la nature.

    C'est au cœur de ce système volcanique toujours actif, le Krafla, qu'une équipe internationale de chercheurs s'apprête à prendre le départ de son « Voyage au centre de la Terre ». À quelques centaines de kilomètres seulement du Snæfellsjökull -- un volcan endormi du côté ouest de l'Islande -- par lesquels les héros de Jules VerneJules Verne s'étaient eux-mêmes lancés dans l'aventure.

    Au cœur du projet lancé en 2014, des scientifiques issus de 11 pays et de 38 instituts et entreprises. L'équipe « Krafla Magma Testbed (KMT) ». Un budget de près de 90 millions d'euros. Un seul objectif : forer à quelque deux kilomètres de profondeur pour atteindre la chambre magmatique du volcan. Et donner vie ainsi au tout premier observatoire de magma souterrain du monde.

    La centrale géothermique de Krafla (Islande) a été construite à la fin des années 1970. © Dmitry Naumov, Adobe Stockk
    La centrale géothermique de Krafla (Islande) a été construite à la fin des années 1970. © Dmitry Naumov, Adobe Stockk

    Pour la géothermie et les connaissances scientifiques

    Rappelons que les seules données dont les chercheurs disposent concernant le magma souterrain ont été recueillies suite à des « rencontres fortuites ». Lors de forages sur des volcans à Hawaï ou au Kenya. Et même déjà, du côté de Krafla. En 2009, alors que des géologuesgéologues creusaient la région pour étudier la possibilité d'exploiter de nouveaux champs géothermiques, leur trépantrépan avait pénétré une poche de magma à plus de 900 °C !

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    Du magma à 900 °C -- dans une poche estimée à quelque 500 millions de mètres cubes --, ça permet de surchauffer des poches d'eau qui se situeraient à proximité. Et aux ingénieurs de mettre en œuvre des systèmes de production d'électricité renouvelable exploitant, en surface, une vapeur à pas moins de 450 °C. La température de vapeur volcanique la plus élevée jamais enregistrée. Avec un potentiel de production énergétique qui fait rêver. Puisque seulement deux puits permettant sa remontée suffiraient à produire autant que 19 puits exploitant une géothermiegéothermie plus classique. Le projet KMT pourrait ainsi mener à des nouvelles exploitations géothermiques prometteuses.

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    Mais pour les volcanologuesvolcanologues, la surprise est plutôt venue de la faible profondeur à laquelle le forage s'est arrêté. À peine à 2,1 kilomètres sous la surface. Alors qu'ils pensaient devoir descendre à plus du double avant de tomber sur le magma du Krafla. Une aubaine pour les chercheurs qui eux, espèrent ainsi avoir accès à des informations qui pourraient s'avérer très utiles pour améliorer leurs systèmes de prévision des éruptions.

    Déjà, des travaux ont montré que le magma de cette poche présente des propriétés similaires à celles d'une éruption survenue en 1724. Il n'aurait donc pas moins de 300 ans. Et pourrait en plus permettre aux chercheurs de mieux comprendre notamment la dynamique des volcans et celle des systèmes géothermiques. Voire même apporter un éclairage sur l'origine des continents.

    Le premier forage est prévu pour 2024. Reste à savoir si les instruments sauront résister à un environnement aussi extrême. Et à espérer que l'opération ne déclenchera pas une éruption volcaniqueéruption volcanique. Même si en la matièrematière, les volcanologues semblent sereins. Rien de tel ne s'est produit lors des forages qui ont touché le magma par accidentaccident ces dernières années. « C'est comme piquer un éléphant avec une aiguille », assurent les chercheurs.