Bien que le bilan du tsunami soit moins tragique que celui qu'avait aussi provoquée son père en 1883, le fils du Krakatoa, le volcan connu sous le nom d'Anak Krakatau par les Indonésiens, continue d'inquiéter avec ses spectaculaires éruptions. D'autres tsunamis sont en effet malheureusement à craindre.
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L'actualité vient douloureusement de nous rappeler un événement qui s'est produit le 27 août 1883 dans le détroit de la Sonde en Indonésie, entre Sumatra et JavaJava : le paroxysme de l'éruption du volcan Krakatoa, encore appelé Krakatau ou Gunung Krakatau en indonésien et en javanais. Situé sur la fameuse ceinture de feu du Pacifique, ce volcan se trouvait dans une caldera, aujourd'hui occupée par un archipel de quatre îles volcaniques dont l'une est sortie des eaux en 1927 à la suite d'une série d'éruptions surtseyenneséruptions surtseyennes. Les Indonésiens l'ont baptisé Anak Krakatau ce qui signifie « enfant du Krakatoa ». Selon la terminologie souvent employée par les célèbres volcanologuesvolcanologues, Maurice et Katia KrafftKatia Krafft, c'est tout comme son père : un volcan gris, explosif et donc, dangereux. Il l'était suffisamment peu, ces dernière années, pour que volcanologues et touristes puissent venir lui rendre visite et en ramener d'impressionnantes vidéos tournées avec des drones.
La situation reste préoccupante avec les éruptions de l'Anak Krakatau qui ne faiblissent pas et qui laissent craindre un nouveau tsunami dévastateur. © Euronews (en français)
Hélas, tout a changé depuis le samedi 22 décembre, comme l'a expliqué tout récemment, sur le blog mis à sa disposition par Futura, le volcanologue bien connu, Jacques-Marie BardintzeffJacques-Marie Bardintzeff :
« L'Anak Krakatau, île-volcan dans le détroit de la Sonde en Indonésie, en éruption depuis plusieurs semaines ou mois, a connu un regain d'activité : une colonne éruptiveéruptive, haute de 16,8 kilomètres le 22 décembre, à 21h03 locale. L'explosion « de trop » a déstabilisé un flanc du volcan, entraînant un glissement de terrain aérien, puis sous-marin (et un petit séisme associé ?), ce qui a créé un déplacement important de massesmasses d'eau, appelé tsunami, dans la soirée du 22 décembre. Celui-ci se trouva associé à un fort coefficient de maréemarée dû à la pleine lunepleine lune et donc amplifié. Cette catastrophe résulte d'une conjonctionconjonction de nombreux facteurs.
Une vaguevague de 2 mètres de haut (charriant des troncs d'arbrearbre, etc.) est arrivée en 24 minutes et a déferlé sur les côtes voisines (à une distance de 30 à 50 kilomètres) de Java et de Sumatra. Ce tsunamitsunami « local » n'a pas traversé l'ensemble de l'océan Indien.
On déplore, pour l'instant, 429 morts, 154 disparus, 1.485 blessés. Plus de 16.800 personnes ont été déplacées dans diverses régions et plus de 5.000 personnes ont été évacuées.
Très triste pour ce pays que j'aime ».
Des images spectaculaires des éruptions de type surtseyen avec l'Anak Krakatau. Les frottements chargent les poussières dans le panache de cendres, turbulent et craché par le volcan, de sorte que des éclairs s'y produisent. On voit aussi des coulées pyroclastiques avancer sur l'eau. © Radio Republik Indonesia
L'onde de choc du Krakatoa a fait 3 fois le tour de la Terre en 1883
Le bilan s'est encore alourdi depuis le billet de Jacques-Marie Bardintzeff mais il est en comparaison, moins terrible que celui du 27 août 1883. Les causes de la catastrophe ce jour-là ne sont pas bien connues ; peut-être dues à un effondrementeffondrement massif de l'édifice volcanique qui aurait mis en contact l'eau de mer avec la chambre magmatiquechambre magmatique sous l'île où se trouvait le Krakatoa ? Cela semble peu crédible, eu égard à la présence de pierres poncesponces et d'ignimbrites accompagnant l'éruption et qui semblent incompatibles avec ce contact. En revanche, un brusque mélange dans la chambre avec l'arrivée massive d'un magmamagma basaltiquebasaltique frais peut être envisagé.
Des doutes subsistent concernant tous les scénarios avancés. Toujours est-il que ce jour-là, une colonne pliniennecolonne plinienne s'est formée et est montée à au moins 43 kilomètres d'altitude, selon les observations de l'époque. Elle a plongé une région, large de plusieurs centaines de kilomètres, dans l'obscurité avec des explosions qui se sont entendues de Ceylan à l'Australie et même dans une grande partie de l'Océan Indien, soit à des milliers de kilomètres du détroit de la Sonde. L'énergieénergie dégagée était tellement énorme que les ondes de choc résultantes vont faire jusqu'à trois fois le tour du globe terrestre à une vitessevitesse moyenne estimée à 1.150 km/heure, soit 328 mètres par seconde, faisant varier notablement la pressionpression enregistrée par les baromètresbaromètres de Tokyo à Paris. L'énergie injectée dans les coulées pyroclastiquescoulées pyroclastiques à hautes températures est même suffisante pour que plus de 46 kilomètres de mer ne stoppent pas les nuées ardentesnuées ardentes qui vont faire des victimes sur la côte sud de Sumatra.
Sur ces images d'archives prises entre 1927 et 1929, on voit à quel point les éruptions qui ont commencé à construire l'Anak Krakatau sont très similaires à celles que l'on observe aujourd'hui après le glissement de terrain qui a ramené le cratère du volcan au niveau de l'eau. © Batavia Film (Nederlands-Indië), EYE Filmmuseum Amsterdam
Mais c'est surtout le tsunami produit qui a fait des victimes. En moyenne compris entre 30 et 40 mètres de hauteur, il a frappé les côtes de la région où se trouvaient des populations d'autant plus sans défense qu'il n'y avait bien évidemment pas de système d'alerte à l'époque et que, comme dans le cas de l'Anak Krakatau aujourd'hui, la vitesse des ondes est si élevée que la vague géante n'aurait de toute façon pas laissé le temps aux populations de se réfugier. Et d'ailleurs où ? Étant donné qu'avec sa hauteur, elle s'est propagée parfois jusqu'à 10 kilomètres à l'intérieur des terresterres.
Au final, le bilan fut tragique car on estime à 36.417 le nombre des victimes (dont 35.000 environ tués par le tsunami et un millier par les coulées pyroclastiques de Sumatra), avec 165 villages détruits et 132 autres gravement endommagés.
Vidéo réalisée par Guy de Saint Cyr et Daniel Brazillier lors du voyage « Spécial Éruption » au volcan Anak Krakatau, en juillet 2018. Ce mythique volcan indonésien, en sommeil depuis presque 6 ans, s'est finalement réveillé pour nous offrir un magnifique spectacle. Actuellement, la forte activité éruptive de l'Anak Krakatau continue.© aventurevolcans
Pour le moment, il n'y a pas de raison de penser que l'on se dirige vers un scénario comparable à celui de 1883. Mais assurément, l'alerte doit être maintenue avec l'Anak Krakatau car d'autres tsunamis semblent possibles étant donné l'activité éruptive du volcan (remarquablement, il y a 6 ans, une équipe de volcanologues avait prédit que l'on pouvait s'attendre au tsunami de ce mois de décembre même si aucune date n'était précisée).
Depuis les années 1930, plus de 40 éruptions s'y sont succédé ayant conduit à la formation d'un édifice volcanique de plus de 300 mètres de haut sur une nouvelle île de plusieurs kilomètres. Espérons que les touristes et les drones pourront bientôt s'approcher à nouveau sans risque de l'enfant turbulent du Krakatoa...
Ce qu’il faut
retenir
- Le 22 décembre 2018, une éruption volcanique de l’Anak Krakatau, île-volcan dans le détroit de la Sonde en Indonésie, a déstabilisé un flanc de ce volcan, entraînant un glissement de terrain qui a créé un tsunami.
- Une vague de deux mètres de haut a déferlé sur les côtes voisines, causant des centaines de mort et plus de 1.485 blessés.
- Le risque était prévisible à défaut de la date de son occurrence et d'autres tsunamis sont possible en raison du regain spectaculaire d'activité de l'Anak Krakatau.
- Pour le moment, il n'y a pas de raison de penser que l'on pourrait se diriger vers une catastrophe comme celle qui a eu lieu, au même endroit, en 1883, avec le Krakatoa.