Venise, la perle lagunaire, est en danger. L’Unesco veut déclarer la cité en péril en raison du tourisme excessif et du réchauffement climatique qui, ensemble, menacent de provoquer des changements irréversibles à la cité des doges. Malgré les appels à la modération, les autorités locales laissent faire, livrant Venise aux hordes de visiteurs. Reportage.
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C'est tout un symbole : le légendaire pont du Rialto à Venise est bondé ce lundi 31 juillet, le jour même où l'Unesco recommande que la ville soit déclarée en péril, en raison notamment du tourisme excessif. Occupés à prendre des selfiesselfies, déguster une glace ou traîner leurs valises, les hordes de touristes semblent joyeusement inconscients de la menace pesant sur le statut à l'Unesco de la perle lagunaire.
Tourisme « incontrôlable »
L'agence des Nations unies estime que le changement climatiquechangement climatique et le tourisme de massemasse risquent de provoquer « des changements irréversibles à la valeur universelle exceptionnelle » de la cité du nord-est de l'Italie, baignée par la mer Adriatique.
« C'est incontrôlable », déplore Antonio Vertotto. Ce gondolier reproche aux gouvernements successifs de n'avoir « rien » fait ces dernières années pour réduire l'affluence de visiteurs, qu'ils soient italiens ou étrangers.
Ashley Park, une touriste new-yorkaise de 28 ans, reconnaît qu'elle s'attendait à trouver beaucoup de monde, sans que cela gâche ses vacances. Mais elle reconnait « que si nous vivions ici avec tous ces touristes, ce ne serait pas amusant ».
Parmi la foule amassée sur le pont historique du Rialto, Diego Nechifrovo, 23 ans, porteporte un TT-shirt #EnjoyRespectVenezia (« Profitez et respectez Venise »). Le rôle de cet agent municipal est de veiller au bon comportement des touristes. « Parfois, je vois quelqu'un jeter sa cigarette ou se promener sans tee-shirt ». Le pire cas ? Une fois, une famille « s'est assise juste devant le palais des Doges et a commencé à préparer un pique-nique ». Il y a quelques semaines, un touriste distrait est tombé à l'eau, ajoute-t-il. « Il essayait de prendre une bonne photo. »
Non loin de là, un vendeur d'aquarelles affiche sur son stand une pancarte indiquant la place Saint-Marc. « C'est tout ce qu'ils veulent savoir, explique Claudio, un Vénitien qui n'a pas voulu donner son nom de famille. Ils viennent à Venise parce que c'est Venise. C'est tout. ».
L'époque où les touristes visitaient et appréciaient les nombreuses églises et musées de la ville est révolue, selon lui. « Ceux qui viennent aujourd'hui ne savent même pas ce qu'est un musée. Ce n'est pas du tourisme culturel, pestepeste-t-il. S'il vous plaît, ne venez plus ! »
L’inaction des autorités locales
Il y a deux ans, Venise a évité de justesse d'être inscrite par l'Unesco sur la liste des sites en péril, n'y échappant qu'après avoir interdit aux énormes navires de croisière de passer devant le centre.
Les autorités locales parlent depuis des années de mettre en place une réservation obligatoire pour les touristes, sans toutefois la mettre en applicationapplication. Le projet est reporté jusqu'en 2024, les autorités craignant qu'un tel système, contraignant, ne grève les recettes touristiques et gêne les flux.
Sur la place Saint-Marc, Lorenzo Seano, employé municipal de 21 ans, s'efforce, lui, d'empêcher les touristes de s'asseoir sur les marches des arcades qui l'entourent. Selon lui, le problème de l'invasion des villes par un trop grand nombre de touristes dépasse largement le cadre de Venise, mais aucun gouvernement n'a essayé de s'attaquer au problème « à un niveau structurel ». « Après tout, il y a beaucoup d'argentargent qui rentre », souffle-t-il.