Les États-Unis ont été touchés par une catastrophe historique d'une violence extrême, ce vendredi 10 décembre. Plus de 50 tornades ont balayé 9 États du sud et de l'est du pays, en plein mois de décembre. La chaleur exceptionnelle et le phénomène La Niña ont joué un rôle évident : analyse des conditions climatiques qui ont mené au désastre.
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Ces derniers jours, les États-Unis ont été balayés par une série de tornades destructrices, sans précédent à cette époque de l'année. Avec 50 à 60 tornades signalées le vendredi 10 décembre et plus de 80 morts à ce jour, il s'agit de l'outbreak de tornades le plus meurtrier depuis 10 ans, depuis la tornade de Joplin au Missouri le 22 mai 2011 qui avait fait 158 victimes. Comment expliquer des phénomènes météométéo aussi puissants et destructeurs en plein hiver météorologique ?
Les conditions météo nécessaires à la formation des tornades
En moyenne, 1.000 à 1.200 tornades sont enregistrées chaque année aux États-Unis, le pays du monde le plus touché par ces phénomènes ultra-violents. Les tornades se forment uniquement sous les plus violents orages, les supercellules. Ces orages se produisent sous des conflits de masses d'air, lorsque de l'air humide et chaud qui remonte du golfe du Mexique rencontre de l'air froid d'origine polaire : la rencontre de ces deux masses d'air crée une situation explosive, très fréquente aux USA au printemps et à l'été, mais qui peut aussi parfois se produire en automne et en hiver.
C'est cette situation qui s'est produite vendredi et samedi dernier aux USA : les orages ont éclaté sur cette ligne de rencontre des deux masses d'air. Après avoir plongé sur les États-Unis, le front froid s'est déplacé vers l'est, se confrontant à la chaleurchaleur inhabituelle des États du sud. Associé à de forts cisaillements de ventsvents (de sens et de directions différentes) sous le courant jet, cette grosse instabilité de l'atmosphèreatmosphère a généré la catégorie d'orages la plus puissante qui existe, les supercellules, caractérisées par leur mouvementmouvement de rotation, lequel mène parfois à la création d'un vortexvortex, la tornade. Il faut savoir qu'un orage sur 100 en moyenne est une supercellule aux USA, et une supercellule sur 6 en moyenne produit une tornade aux États-Unis.
C'est sur cette ligne de rencontre au milieu des deux masses d'air que se trouve la Tornado Alley, l'allée des tornades, la zone où la majorité des tornades se produisent, lors de la saisonsaison des tornades (de février à juin, avec un pic entre mi-avril et mi-mai). Mais des tornades se produisent à d'autres moments de l'année, même en plein hiver, même si c'est moins fréquent. Les tornades se produisent le plus souvent en fin d'après-midi, en soirée ou en début de nuit car le soleilsoleil a eu le temps de réchauffer l'atmosphère, et cette chaleur est le carburant nécessaire aux orages violents.
Le réchauffement climatique est-il en cause ?
Parmi tous les phénomènes météo violents (ouragansouragans, pluies diluviennes, fortes chaleurs...), les tornades sont ceux qui sont le plus compliqués à relier au réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Aucune augmentation des tornades n'a été constatée aux États-Unis ces dernières années malgré la hausse évidente des températures : plus encore, depuis l'année historique 2011 (en nombre de tornades et de victimes), les services météo américains ont même régulièrement constaté des « déficits » de tornades au cours des 10 dernières années. Il y a eu, en fait, moins de tornades par an que la moyenne, particulièrement en 2018. Cela tend à démontrer qu'il n'y a pas plus d'orages violents, ni plus de tornades, malgré le réchauffement climatique.
Cependant, des changements ont tout de même été observés en ce qui concerne la répartition des tornades par saison. Les conditions atmosphériques des dernières années, plus chaudes, ont été propices a davantage d'outbreaks (grand nombre de tornades au cours d'une journée) au cours de l'hiver. Décembre est traditionnellement le mois le moins « tornadique » de l'année car il n'y a pas assez de chaleur et d'humidité, nécessaire à la création des orages. Seule la descente d'air froid est toujours bien présente en hiver, mais cette année la situation météo est différente.
Depuis le 1er décembre, le pays est confronté à des températures exceptionnelles avec de nombreux records de chaleur : au Montana, en Californie, au Texas, il n'a jamais fait aussi chaud en décembre depuis le début des relevés météo, avec des températures supérieures de 20 °C aux moyennes de saison, donnant lieu à un ressenti digne de juillet en plein mois de décembre ! On a enregistré 26 °C à Memphis (Tennessee) et 32 °C au Texas vendredi 10 décembre, juste avant la descente du froid polaire qui a fait brusquement chuter les températures, donnant lieu à ce violent conflit de masses d'air. C'est cet énorme contrastecontraste, entre une arrivée d'air polaire (qui a généré un blizzardblizzard sur les montagnes d'Hawaï) et ces températures de plus de 30 °C dans les États du sud, qui ont créé des conditions météo explosives.
Il n'est pas possible de relier un seul événement, aussi extrême soit-il, au réchauffement climatique, c'est plutôt la répétition de ces événements sur plusieurs dizaines d'années qui constitue un indice. L'augmentation des vaguesvagues de chaleur en plein hiver peut être considérée comme un indice des conséquences du réchauffement climatique. Et lorsqu'elles sont confrontées à des descentes d'air froid, ces vagues de chaleur exceptionnelles accentuent ensuite le risque d'orages violents et de tornades. Voilà le lien avec le changement climatique qui peut être envisagé, si ce type d'événements continue de se produire régulièrement ces prochaines années.
Par ailleurs, un changement semble aussi s'opérer dans la localisation des tornades qui se forment davantage vers l'est, légèrement en dehors des zones habituelles de la Tornado Alley (l'allée des tornades). Selon le National Severe Storms Laboratory (le laboratoire qui étudie les orages violents aux USA), on peut donc s'attendre à plus de tornades l'hiver, moins l'été, et davantage vers l'est -- du Mississippi jusqu'à l'Ohio, dont le Kentucky qui a subi la catastrophe historique le 10 décembre. Un changement de répartition au niveau saisonnier et géographique, mais pas plus de tornades qu'avant pour autant.
L'influence évidente du phénomène La Niña
Le phénomène atmosphérique La NiñaLa Niña a probablement également joué un rôle : les années marquées par La Niña, un refroidissement des eaux du Pacifique qui a des conséquences sur le climatclimat mondial, sont connues pour apporter des hivers plus doux dans le sud des USA. Selon une étude publiée dans Nature Geoscience en 2015, les années La Niña sont marquées par davantage d'instabilité dans les États de l'est des États-Unis (comme sur les grandes plaines du Kentucky), et donc plus d'orages, de grêle et de tornades sur ces zones l'hiver. Aucune conséquence n'a par contre été constatée au cours du printemps et de l'été lors des années La Niña. À l'inverse, les années El Niño sont marquées par un nombre plus faible d'orages violents et de tornades. En période La Niña, le courant jet a également tendance à moins fluctuer, donnant lieu à des blocages anticycloniques, marqués par des chaleurs persistantes, sur le sud (comme le Texas) l'hiver. Ces chaleurs durables l'hiver favorisent ensuite le développement des orages en direction du nord du Texas et à l'est des grandes plaines. C'est exactement cette situation météo qui s'est produite ces derniers jours dans cette zone des États-Unis, un contexte typique d'une année La Niña.
Au niveau climatique, météorologique et atmosphérique, toutes les conditions étaient donc réunies pour la création d'orages violents et de tornades sur cette région des États-Unis.