Les chaînes de collision, comme l’Himalaya et les Alpes, se construisent lors de la rencontre entre deux continents. Une nouvelle étude révèle cependant qu’il manquerait dans ces reliefs environ la moitié de la croûte mise en jeu ! Mais où est-elle donc passée ?
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Comme un gigantesque puzzle, la lithosphère terrestre est découpée en plusieurs grandes pièces que l’on appelle les plaques tectoniques. Depuis une centaine d’années, on sait que ces plaques sont animées d’un mouvement lent, mais continu, qui explique la géographie de la surface terrestre.
L’accrétion de la croûte océanique permet ainsi l’éloignement de deux continents auparavant joints, tandis que le processus de subduction océanique entraîne la collision d’autres portions de croûte continentale. Cette dernière ne fait ainsi pas long feu à la surface du Globe, puisque son cycle de vie, de sa naissance au niveau des dorsales à son recyclage dans les zones de subduction, ne dure que 200 millions d’années environ.
En comparaison, la croûte continentale, par sa densité plus faible et donc sa flottabilité plus importante, est bien plus pérenne. Au cours du temps, la quantité de croûte continentale est ainsi restée plus ou moins stable, malgré les énormes remaniements qu’elle subit en permanence.
Une croûte continentale elle aussi recyclée
Dans le détail, on se rend cependant compte que de la croûte continentale est régulièrement « perdue ». Le premier facteur à mettre en cause est l’érosion, qui va araser les reliefs et produire des tonnes de particules sédimentaires. Celles-ci vont alors être transportées pour être distribuées ailleurs, notamment dans les bassins océaniques. Un autre phénomène participe cependant également à ce recyclage de la croûte continentale. Il s’agit des collisions continentales.
Lorsque deux continents se rencontrent, suite à la fermeture du bassin océanique qui les séparait, la croûte continentale, qui a du mal à entrer en subduction, va s’accumuler au niveau de la suture pour former de longues et hautes chaînes de montagnes, comme les Alpes et l’Himalaya. En théorie, cet épaississement crustal correspond à la quantité de raccourcissement observé entre les deux continents en collision. Une nouvelle étude révèle cependant que le compte n’y est pas. Et l’érosion ne serait pas le seul facteur à mettre en cause.
Publiée dans la revue Earth and Planetary Science Letters, une nouvelle étude montre en effet qu’entre 20 et 50 % du raccourcissement crustal durant la collision ne sont pas expliqués par l’épaississement et l’érosion. Dans le cas des Alpes, près de la moitié de la croûte aurait ainsi disparu ! Mais où ?
La base de la croûte avalée dans le manteau
Il faut avouer qu’il n’existe pas trente-six solutions. Si de la croûte est manquante en surface, c’est forcément qu’elle a été avalée dans le manteau terrestre. Sous les contraintes compressives qui poussent les masses continentales l’une contre l’autre, une part significative de la croûte continentale passerait ainsi en subduction, se faisant recycler dans le manteau.
La croûte supérieure étant trop « légère », cette perte concernerait surtout la partie inférieure de la croûte, dont la densité est bien plus élevée. Une conséquence majeure de la délamination de la base de ces chaînes de montagnes est le soulèvement rapide du relief par compensation isostatique. Des réactions de cause à effet qui sont bien observées dans l’histoire géologique de l’Himalaya qui a débuté il y a environ 59 millions d’années.
Il y a 22 millions d’années, la chaîne de montagne connait en effet un soulèvement rapide qui est associé avec une intensification des moussons (en lien avec l’évolution du relief) et la production de roches magmatiques bien particulières, dont la composition témoigne d’une contamination du manteau par des roches continentales.
Il ne faut pas oublier en effet que, si de la croûte continentale est ainsi régulièrement perdue lors des grandes collisions, de la nouvelle croûte est créée via le volcanisme, et notamment le volcanisme d’arc. Une compensation qui permet de maintenir un volume de croûte continentale global plus ou moins stable depuis plusieurs milliards d’années.