L’Himalaya est né de la collision entre l’Inde et l’Eurasie. Mais existait-il un relief avant la formation de cette immense chaîne de montagnes ? Oui, répond une nouvelle étude, qui vient bousculer les hypothèses actuelles. L’Himalaya ne serait pas parti de rien.
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De la collision entre les continents indien et eurasiatique est née la chaîne himalayenne, qui compte aujourd'hui les plus hauts sommets du monde. Mais à quoi ressemblait le relief de la région avant le début de la collision ? Si cette question reste encore sans réponse claire, il s'agit pourtant d'une information critique pour mieux contraindre la naissance de cette immense chaîne de montagnes, mais surtout l’environnement climatique qui régnait il y a environ 60 millions d’années. Car le relief joue un rôle clé dans le climat, impactant de fait la faune et la flore qui s'établissent sur les pentes et dans le fond des vallées. On observe ainsi que les grandes chaînes de montagnes présentent toujours un versant humide et un versant sec, les hauts reliefs faisant office de barrière pour les courants atmosphériques.
Une composition isotopique de l’eau de pluie qui varie avec l’altitude
Pour modéliser correctement les climats du passé, il est donc important d'avoir une idée précise de la distribution des reliefs et de leur élévation. Mais comment retrouver la trace de potentielles montagnes aujourd'hui disparues ? Il existe pour cela des techniques d'analyse dites de paléo-altimétrie. La plupart se basent sur la composition isotopique de roches sédimentaires carbonatées (spéléothèmes, carbonates formés dans les sols ou dans les lacs). Cette composition isotopique reflète en effet la composition de l'eau de pluie, qui s'appauvrit graduellement en isotopesisotopes lourds avec l'augmentation de l'altitude. Mais dans le cas de l'Himalaya, les scientifiques se heurtent à un problème : la difficulté à retrouver des sédiments non altérés formés avant la croissance de la chaîne de montagnes.
Habituellement, c'est le rapport entre deux isotopes stables de l'oxygène, l'oxygène 16 et l'oxygène 18, qui est utilisé pour les études paléo-altimétriques. Mais une équipe de chercheurs a adapté une technique jusque-là utilisée pour étudier les météoritesmétéorites et permettant la comparaison avec un troisième isotope, l'oxygène 17. Celui-ci n'est généralement pas utilisé, car extrêmement rare et donc difficile à identifier. Très peu de laboratoires dans le monde présentent ainsi de telles capacités d'analyse. C'est le cas cependant de celui de l'université de Stanford, à l'origine de l'étude publiée dans la revue Nature Geoscience. Trois ans de travaux acharnés ont cependant été nécessaires à l'obtention de données exploitables à partir de l'analyse de veines de quartzquartz échantillonnées dans les basses altitudes du sud du Tibet, dans une formation volcanique nommée Arc de Gangdese. Ces roches volcaniquesroches volcaniques se sont en effet formées alors que l'Inde était en train de se rapprocher de l'Eurasie par le biais de la fermeture de l'océan Néotéthys séparant alors les deux continents.
Plus de 3 km d’altitude avant la formation de l’Himalaya
Les résultats de l'étude éclairent ainsi l'état du relief existant avant la formation de la chaîne himalayenne et bouleversent en partie les hypothèses actuelles. En effet, les données suggèrent qu'il y a 63 à 61 millions d'années (soit avant la collision), l'arc volcaniquearc volcanique de Gangdese atteignait une altitude bien plus élevée que ce que l'on supposait jusqu'alors. Avec 3,5 kilomètres d'altitude moyenne, le relief pré-collision était ainsi à plus de 60 % de la hauteur actuelle de l’Himalaya !
Lors de la collision finale, l'Himalaya se serait ainsi formé sur des terrains déjà très hauts. Ces nouvelles données montrent qu'il est peut-être nécessaire de réviser l'histoire de la formation de cette chaîne de montagnes, tout comme l'environnement paléoclimatique de la région.