La tectonique des plaques était-elle déjà active au moment de l’apparition de la vie, il y a environ 4 milliards d’années, favorisant ainsi les réactions chimiques à la base du vivant grâce à la chaleur que libère ce mécanisme ? Si certaines études affirment que oui, une nouvelle publication révèle que les plaques auraient été au contraire totalement immobiles à cette époque, remettant en question l’idée d’un lien entre tectonique des plaques et apparition de la vie.


au sommaire


    Dans quelles conditions la vie terrestre a-t-elle émergé, voilà environ 4 milliards d'années ? Difficile, en effet, de reconstruire l'environnement régnant à l'aubeaube de notre Planète, alors que si peu de témoins de ce lointain passé nous sont parvenus. Plusieurs théories existent ainsi. L'une d'elles, certainement la plus plébiscitée, suggère que la vie est apparue dans les océans primitifs, dans des zones d’intense activité hydrothermale. Ces sources sous-marines étaient, et sont toujours aujourd'hui, d'importants pourvoyeurs d'éléments chimiqueséléments chimiques et de chaleurchaleur. Une soupe chaude au sein de laquelle les briques chimiques à la base du vivant auraient pu se construire relativement rapidement.

    La vie serait apparue au niveau des sources hydrothermales, au fond de l'océan primitif. © USGS, domaine public
    La vie serait apparue au niveau des sources hydrothermales, au fond de l'océan primitif. © USGS, domaine public

    L'apparition de la vie rime-t-elle avec la tectonique des plaques ?

    Or, ce type d'environnement est aujourd'hui majoritairement localisé sur les dorsales océaniques, où se jouent certains des processus les plus fondamentaux de la tectonique des plaques. C'est là, via la création de la croûte océanique, que la majorité de la chaleur de l'intérieur de la Terre est évacuée. Un mécanisme majeur pour le système Terre, car ce flux de chaleur qui s’échappe vers l’extérieur permet l'activation de cellules de convectionconvection dans le manteaumanteau mais également dans le noyau externe. Or, ce sont bien ces mouvementsmouvements de matériel dans les entrailles de la planète qui permettent de générer le si précieux champ magnétiquechamp magnétique qui nous protège des radiations nocives du SoleilSoleil.

    Le mouvement des plaques est lié à deux processus fondamentaux : la création de croûte océanique au niveau des dorsales océaniques, où la chaleur de la Terre est évacuée, et le recyclage de cette même croûte au niveau des zones de subduction. © José F. Vigil, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Le mouvement des plaques est lié à deux processus fondamentaux : la création de croûte océanique au niveau des dorsales océaniques, où la chaleur de la Terre est évacuée, et le recyclage de cette même croûte au niveau des zones de subduction. © José F. Vigil, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    De fait, la tectonique des plaques a été rapidement considérée comme un élément nécessaire à l'apparition de la vie sur Terre. D'ailleurs, si la date de son initiation reste très débattue, de nombreuses études la place très tôt dans l'histoire de la planète, vers 3,8, 4, voire 4,2 milliards d’années. Autrement dit, au moment où les premiers processus biologiques seraient apparus.

    Mais une nouvelle étude vient questionner ce lien. Et si la vie n'avait en réalité pas eu besoin de l'aide de la tectonique des plaques pour se développer ? Tout simplement parce qu'elle n'était pas encore active ? C'est l'hypothèse soulevée par un nouvel article publié dans la revue Nature.

    La signature du champ magnétique primitif au cœur des zircons

    Les chercheurs se basent sur les résultats d'analyse de zirconszircons, de minuscules minérauxminéraux qui sont les seuls témoins géologiques encore présents de nos jours à relater l'histoire de cette Terre primitive. À l'origine, l'équipe souhaitait étudier le champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre des périodes les plus anciennes de l'histoire de la Terre, l'HadéenHadéen et le Paléoarchéen. Pour cela, ils ont analysé la magnétisation de zircons âgés de 3,9 à 3,3 milliards d'années.

    Les zircons renferment en effet de petites particules magnétiques qui ont enregistré l'orientation du champ magnétique terrestre au moment de leur formation. En datant les zircons, il devient donc possible de reconstruire l'évolution du champ magnétique au cours du temps. Mais dans ce type d'étude, il faut prendre en compte un paramètre important : le changement de l'intensité et de la direction du champ magnétique en fonction de la latitudelatitude. Par exemple, le champ magnétique est le plus fort au pôle alors qu'il est le plus faible à l'équateuréquateur. Ainsi, en fonction du mouvement des plaques tectoniquesplaques tectoniques, on peut observer des variations de la signature magnétique des minéraux, sans pour autant que le champ magnétique terrestre ait évolué. C'est d'ailleurs grâce à ce concept que l'on peut reconstruire le paléo-mouvement des continents.

    Des plaques immobiles pendant 500 millions d’années

    Mais c'est en prenant cela en compte que les chercheurs ont fait une intéressante découverte : les zircons étudiés, provenant du cratoncraton d'Afrique du Sud, possèdent tous une même signature magnétique, suggérant qu'ils se sont tous formés à la même latitude, entre 3,9 et 3,4 milliards d'années. Autrement dit, en 500 millions d'années, la plaque sur laquelle ces minéraux se sont formés n'a pas bougé d'un pouce, en latitude du moins. Les mêmes conclusions sont apparues de l'analyse de zircons provenant de l'ouest australien. Pour les chercheurs, les choses sont claires : entre 3,9 et 3,4 milliards d'années, les plaques tectoniques (si tant est que l'on puisse parler de plaques dans ce cas) étaient immobiles.

    Une croûte stagnante à l’image de Vénus

    Se pose alors la question de la chaleur interne, la tectonique des plaques représentant le processus ultime permettant d'évacuer d'importantes quantités de chaleur vers l'extérieur et ainsi de soutenir l'apparition et le développement de la vie. Mais pour les chercheurs, l'absence de mouvement tectonique n'est pas nécessairement un problème. Ils font ainsi appel à une autre idée, celle d'une « couverture stagnante ». Pas de plaques mouvantes donc, mais une croûte immobile parcourue de fractures par lesquelles la chaleur peut s'évacuer, à l'aplomb de grands panaches de matériel chaud remontant depuis la base du manteau. Un processus capable de produire des continents et que l'on peut aujourd'hui observer à l'œuvre... sur VénusVénus !

    Au moment de l'apparition de la vie, la Terre était peut-être recouverte d'une croûte immobile et non d'un ensemble de plaques tectoniques en mouvement © Alec Brenner, <em>Havard University</em>
    Au moment de l'apparition de la vie, la Terre était peut-être recouverte d'une croûte immobile et non d'un ensemble de plaques tectoniques en mouvement © Alec Brenner, Havard University

    Car, comme expliqué dans un précédent article, Vénus ne posséderait pas aujourd'hui de tectonique des plaques au sens où on l'entend sur Terre. Cela ne l'empêche pas d'être une planète particulièrement active, peut-être à l'image de ce qu'était la Terre il y a 3,9 milliards d'années, lorsque la vie est apparue.

    Un nouveau schéma qui suppose que dans notre traque des exoplanètesexoplanètes pouvant abriter la vie, il n'est peut-être pas nécessaire de rechercher uniquement celles possédant une tectonique des plaques.