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Tout avait commencé avec un échantillon géologique que Joe Kirschvink avait donné à une de ses étudiantes pour un travail de thèse. Il en résultait qu'à une ère connue sous le nom de néoprotérozoïque (-850 à -542 millions d'années) des dépôts glaciaires importants avaient existé à des latitudes proches de l'équateur. Il ne pouvait pas s'agir d'un effet de la dérive des continents ni d'un énorme glacier similaire à celui recouvrant le Kilimandjaro. Une conclusion s'imposait (confortée par d'autres traces géologiques ailleurs sur la planète et datant de la même époque) : la TerreTerre entière devait avoir été recouverte d'une immense calotte glaciairecalotte glaciaire s'étendant d'un pôle à l'autre. La théorie de la Terre "boule de neige" (Snowball earth en anglais) était née.
Le climatclimat mondial de l'époque nous est difficilement imaginable. La température moyenne sur la planète devait être de -50 °C et au niveau de l'équateur de -20 °C environ. La Terre devait alors ressembler à la Mars actuelle. Des simulations climatiquessimulations climatiques sont venues conforter dans une certaine mesure cette hypothèse mais beaucoup d'objections lui ont été faites.
Une théorie séduisante mais avec des points noirs
Une fois la Terre complètement mise au congélateur, elle ne devrait plus pouvoir en sortir car l'albédoalbédo (pouvoir réfléchissant) de sa surface étant devenu suffisamment important pour réfléchir une bonne part des rayons du SoleilSoleil, la Terre n'aurait pas reçu assez de chaleurchaleur pour retourner à un climat plus chaud. Si les océans étaient complètement recouverts de glace, comment la vie a-t-elle pu y survivre puisqu'en l'absence de photosynthèsephotosynthèse, c'est toute la chaîne alimentairechaîne alimentaire qui aurait dû s'effondrer.
A ces critiques, les tenants de la théorie ont opposé qu'une série d'éruptions volcaniqueséruptions volcaniques majeures auraient très bien pu injecter une quantité importante de gaz carboniquegaz carbonique, amplifiant l'effet de serreeffet de serre et permettant ainsi à la Terre de sortir de cette gigantesque glaciationglaciation. On peut aussi imaginer que, même si la calotte descendait parfois jusqu'à l'équateur, une partie des océans à ce niveau était encore libre. Là aussi, quelques simulations numériques sont favorables à cette hypothèse.
Un bon argument est venu des mesures des quantités de carbonecarbone 13. Dans les couches de sédimentssédiments au-dessus et au-dessous de celle du CryogénienCryogénien, on en trouve en abondance alors que les couches du Cryogénien en sont presque dépourvues. Comme il s'agit d'un marqueur de l'activité photosynthétique, la thèse selon laquelle une grande partie des océans était bien recouverte de glace semble aujourd'hui assez solidesolide.
Snowball earth ou Slushball earth ?
Depuis le lancement de la théorie de Kirschvink, qui avait en fait eu des précurseurs au milieu du XXième siècles, une autre avait été proposée : la théorie de la Terre "boule de neige fondue", en anglais slushball earth, de l'anglais slush, signifiant neige fondue. En français, une traduction possible est offerte par le dialecte savoyard avec ouaffe (mais l'expression théorie de la boule de ouaffe a probablement peu de chances de l'emporter sur l'anglais).
Pour les tenants de cette théorie, s'ils ne contestent pas la présence de glace sur les océans, ceux-ci devaient devait être recouverts par l'équivalent d'une banquisebanquise en train de fondre, avec de larges zones d'eau libre, plutôt que d'une véritable calotte épaisse s'opposant au passage de la lumièrelumière. La glaciation du Cryogénien n'aurait donc été que partielle, même si elle a peut-être duré presque 200 millions d'années.
Aujourd'hui, des chercheurs comme Alan Kaufman proposent, en se basant sur de nouveaux échantillons de sédiments et des simulations numériquessimulations numériques, qu'un mécanisme régulateur basé sur de grandes quantités de carbone stockées dans de la matièrematière organique déposée en couches au fond des océans dans les sédiments, a empêché la température moyenne de la Terre de descendre trop bas.
Lorsque les océans mondiaux ont commencé à refroidir, l'oxygène dissous dans l'eau aurait pénétré plus en profondeur jusqu'à rentrer en contact avec ces réservoirs de carbone. Du gaz carbonique aurait ainsi été synthétisé qui à son tour, en augmentant l'effet de serre, a combattu un emballement du refroidissement planétaire causé par une augmentation de l'albédo de la planète.
Cette théorie, tout en conservant l'idée d'une grande glaciation planétaire, semble résoudre les énigmes indiquées par les opposants à la théorie de la boule de neige. Nul doute que le débat va se poursuivre avec l'amélioration des modèles climatiques et géochimiques de notre globe ainsi que l'analyse de nouvelles données de terrain dans les archives géologiques.