Au cours de l’histoire terrestre, plusieurs extinctions de masse ont été causées par une chute drastique du taux d’oxygène dans les océans. Une nouvelle étude révèle que ces événements anoxiques seraient d’ailleurs en lien avec la tectonique des plaques !


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    L'eau de mer, ce n'est pas simplement de l'eau et du sel. Sa composition est bien plus complexe que ça. Sur elle, repose d'ailleurs toute la vie marine. Un seul petit déséquilibre peut ainsi mettre en péril des écosystèmes entiers. L'acidification actuelle des océans n'en est qu'un exemple.

    Des chutes brutales du taux d’oxygène dans les océans

    Les registres sédimentaires, qui archivent au fur et à mesure l'histoire des océans du globe, nous révèlent ainsi que la composition chimique des océans a connu, à de multiples reprises, des modifications qui se sont répercutées sur les organismes marins. Parmi ces crises, il y a les événements anoxiquesanoxiques. Plusieurs fois au cours de leur histoire, les océans terrestres ont en effet subi des chutes dramatiques du taux d'oxygène dissous dans l'eau. Des événements souvent associés à des extinctions de masse.

    Leur cause est cependant encore mal connue. Parmi les hypothèses souvent avancées, il y a le volcanisme. Il faudrait cependant le remettre dans un contexte tectonique bien particulier. C'est en tout cas ce que propose une équipe de chercheurs dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Geoscience.

    La fracturation du Gondwana en cause

    Les continents ne sont en effet pas immobiles à la surface de la Terre. Ils s'éloignent ou se rapprochent au gré de l'ouverture ou de la fermeture des océans. Si aujourd'hui nous sommes dans une configuration continentale très largement « explosée », ce n'était pas le cas au début du Jurassique il y a 190 millions d'années. Tous les continents étaient alors regroupés en une grande masse continentale nommée GondwanaGondwana.

    Supercontinent Gondwana. © Benoit Rochon, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by 3.0
    Supercontinent Gondwana. © Benoit Rochon, Wikimedia Commons, CC by 3.0

    Mais ce supercontinent commence rapidement à se fracturer. Sous l'effet des forces extensives, de nombreux bassins se développent. Dans ces rifts qui s’approfondissent et s’élargissent au fil des millénaires apparaissent de nombreux volcansvolcans. Des mers étroites se forment, comme entre les futurs continents Afrique et Amérique du Sud. Jusqu'à ce que, finalement, la croûte continentale se déchire pour laisser la place à une nouvelle croûte océaniquecroûte océanique et donc, à un nouvel et tout jeune océan. Durant l'ère du MésozoïqueMésozoïque, ce scénario va se reproduire à de nombreuses reprises, dessinant progressivement le contour des continents que nous connaissons bien.

    C'est aussi pendant cette période que vont se succéder plusieurs événements anoxiques. Pour les chercheurs, il y aurait donc un lien entre ces chutes du taux d'oxygène dans les océans, et la fragmentation du Gondwana.

    Le phosphore : une aubaine pour la vie marine qui va se transformer en piège mortel

    On l'a vu, les épisodes de rifting sont généralement associés à un intense volcanisme, à l'image de ce que l'on observe actuellement dans la zone de riftrift est-africain. Or, en entrant en contact avec l'atmosphèreatmosphère, ces roches volcaniquesroches volcaniques vont être altérées. Dans les produits de cette altération chimique, on va trouver du phosphorephosphore, un élément nutritif essentiel à la vie. Via les cours d'eau, de grandes quantités de phosphore vont ainsi être déversées dans les océans.

    En plus d'ajouter de nouveaux habitats, ces phases d'ouvertures tectoniques sont donc une aubaine pour la vie marine, qui va bien profiter de cet apport en nutrimentnutriment. Trop même. Car si dans un premier temps tout va pour le mieux, l'explosion de la productivité océanique va avoir des conséquences... fatales. L'augmentation de l'activité biologique va en effet entraîner un dépôt énorme de matièrematière organique au fond des océans, dans un temps très court. Or, pour dégrader toute cette matière organique, les bactériesbactéries vont avoir besoin de beaucoup d'oxygène. Très rapidement, le fond océanique va ainsi devenir un milieu toxique, dépourvu d'oxygène. Une situation qui va perdurer pendant un à deux millions d'années et qui va profondément impacter les écosystèmes marins.

    Sédiments riches en matière organique témoignant d'une forte activité biologique marine dans le passé. © James St. John, Flickr
    Sédiments riches en matière organique témoignant d'une forte activité biologique marine dans le passé. © James St. John, Flickr

    Un lien avec le réchauffement actuel

    Un cercle vicieux qui, étonnamment, a encore des conséquences aujourd'hui. Car comme le soulignent les auteurs de l'étude, ces dépôts riches en matières organiques déposés durant l'ouverture du Gondwana représentent aujourd'hui les principales réserves d'hydrocarbureshydrocarbures que nous exploitons... et dont la combustioncombustion effrénée est à l'origine du réchauffement climatiqueréchauffement climatique actuel.