Nos connaissances en chimie, physique et biologie suggèrent que la vie pourrait apparaître sur de nombreuses exoplanètes présentant des conditions similaires à celles de la Terre. Mais « vie » ne signifie pas forcément « civilisation ». Dans quelle mesure des organismes primitifs évoluent-ils vers des formes intelligentes ? Est-ce automatique ? C’est ce que suggérait jusqu’à présent la formule de Drake. Une hypothèse qui est remise en question par une nouvelle étude, qui pointe l’importance de la tectonique des plaques dans l’évolution de la vie terrestre.


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    Les lois de la chimiechimie et de la physiquephysique étant universelles, il est possible que le chemin menant au développement de moléculesmolécules prébiotiquesprébiotiques et à l'apparition d'une vie primitive unicellulaire soit relativement « facile », du moment que toutes les conditions sont réunies. C'est ce qui explique la frénésie des scientifiques chaque fois qu'une nouvelle exoplanète située dans la zone d'habitabilitézone d'habitabilité de son étoileétoile et possédant de l'eau liquideliquide est découverte. C'est aussi ce qui motive l'exploration des luneslunes gelées de SaturneSaturne et de JupiterJupiter qui pourraient présenter les conditions requises dans leur océan sous-glaciaire.

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    Il est possible que des formes de vie extraterrestres très simples existent dans notre Système solaire, comme sur Encelade, lune de Saturne. © Claudio Caridi, Adobe Stock

    En théorie, donc, la vie est facile à obtenir. Ce n'est, finalement, qu’une suite de réactions chimiques. Mais attention, on parle là d'une vie excessivement simple. Des organismes unicellulaires, comme les bactériesbactéries. On est loin des petits bonshommes verts émettant des signaux dans l'espace.

    Une vie primitive théoriquement facile à obtenir, mais qu’en est-il d’une vie intelligente ?

    Pourtant, la présence de civilisations extraterrestres intelligentes a depuis longtemps été envisagée. Car si la chimie biotique est a priori simple à mettre en route, comment ne pas imaginer qu'elle débouche automatiquement, comme sur Terre, au développement d'êtres dotés d'une forte intelligenceintelligence ?

    Sommes-nous seuls dans l'espace ? Cette question hante l'humanité depuis des décennies, et nous sommes plus proches que jamais d'y répondre ! © Futura

    En 1961, l'astronomeastronome Frank Drake propose ainsi une formule mathématique, dite formule de Drakeformule de Drake, permettant d’estimer le nombre de civilisations extraterrestres de haut niveau technologique pouvant exister dans notre Galaxie. Parmi les paramètres entrant dans cette formule on retrouve ainsi : le nombre d'étoiles se formant chaque année dans notre GalaxieGalaxie, la part des étoiles accompagnées de planètes, le nombre de planètes potentiellement propices à la vie par étoile, la part de ces planètes où apparaît la vie, la part des planètes où la vie devient intelligente, la part des planètes où ces civilisations sont capables de communiquer et la duréedurée de vie moyenne d'une civilisation.

    Autant dire tout de suite que la plupart de ces paramètres restent extrêmement mal contraints et que le résultat final est donc très variable en fonction des entrées. En 1961, Drake estime cependant qu'il y aurait 10 civilisations dans notre Galaxie en mesure de communiquer avec nous. Un résultat optimiste, qui n'a cependant toujours pas été vérifié par les faits, donnant ainsi naissance au Paradoxe de FermiParadoxe de Fermi. Y aurait-il donc une erreur dans la formule de Drake ? Un paramètre manquant ?

    C'est ce que suggère une nouvelle étude, publiée dans la revue Scientific Reports. Pour les chercheurs, il y aurait bien un paramètre qui n'aurait pas été pris en compte : c'est la tectonique des plaques et son importance pour l'évolution des formes de vie.

    Des formes de vie qui ont végété pendant plus de 3 milliards d’années avant d’évoluer subitement

    Stern et Gerya partent en effet d'un constat clair : si la vie est apparue sur Terre relativement rapidement, il y a 4 milliards d’années environ (preuve que l'élaboration d'une chimie biotique est « facile »)), elle est cependant restée sous une forme très simple (unicellulaire) pendant 2 milliards d'années, et n'a pas évolué vers des formes complexes avant 600 millions d’années. En résumé, sur 4 milliards d'années d'existence, la vie a végété sur Terre pendant 3,4 milliards d'années, avant de connaître une évolution fulgurante.

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    Durant l'Archéen, la vie est déjà présente, mais sous une forme très simple. Une situation qui va perdurer pendant 3 milliards d'années. © Tim Bertelink, Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0

    Pourquoi l'évolution a-t-elle donc été si paresseuse pendant autant de temps, avant de se réveiller soudainement ? Pour les chercheurs, cette « mise à feufeu » évolutive serait en lien avec un événement géologique : la mise en route des grands cycles tectoniques.

    On note en effet que si une forme de tectonique des plaques est supposée avoir débuté vers 4 milliards d’années, celle-ci serait restée très éloignée de celle que nous connaissons jusqu'au Néoprotérozoïque, soit il y a 1 milliard d'années environ. Pour les deux chercheurs, le véritable cycle tectonique, qui implique la formation-dislocation de supercontinents via le fonctionnement de zones de subductions pérennes, la formation stable de croûte océanique et la collision continentale, n'aurait réellement débuté qu'entre 1 milliard d'années et 541 millions d'années. Une période de transition majeure dans l'histoire géologique de la Terre, qui corrèle étrangement avec la complexification du vivant.

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    L'apparition des premiers animaux (formes de vie complexe) coïncide avec l'initiation d'une tectonique des plaques moderne. © Stern et Gerya, 2024, Scientific Reports

    La tectonique des plaques, paramètre nécessaire au développement d’organismes complexes ?

    Pour les scientifiques, il ne s'agirait d'ailleurs pas d'une coïncidence. La mise en route d'une tectonique des plaques moderne, très active, aurait en effet entraîné de grandes perturbations environnementales : la formation de nouvelles zones de subductionzones de subduction aurait ainsi entraîné un volcanismevolcanisme actif et intense ayant mené à une perturbation climatique majeure (refroidissement du climatclimat avec plusieurs épisodes de « Terre boule de neige »), alors que la formation de nouvelles chaînes de montagnes par collision aurait, quant à elle, augmenté drastiquement les taux d'érosion et donc entraîné un apport massif de nutrimentsnutriments dans les océans.

    D'un autre côté, les mouvementsmouvements tectoniques induisent un remaniement constant des habitats, avec notamment la formation temporaire d'habitats isolés permettant le développement de nouvelles espècesespèces. L'évolution constante des habitats, associée à un fort apport nutritif, aurait ainsi participé à stimuler fortement la biodiversitébiodiversité. Il est donc possible que l'accélération soudaine de la complexité et de la diversité des organismes vivants il y a 600 millions d'années ait été causée par la mise en route de la tectonique des plaques moderne.

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    Au niveau d’une zone de subduction, une plaque océanique plonge sous une autre plaque, ici continentale. Ce mécanisme est l'un des moteurs de la tectonique des plaques modernes. © Christoph Burgstedt, Fotolia

    La Terre et sa civilisation seraient-elles uniques finalement ?

    Sur Terre, la tectonique des plaques aurait donc été un élément essentiel, si ce n'est nécessaire, à l'établissement d'une forme de vie intelligente. Un paramètre qui devrait être pris en compte dans la formule de Drake. Les chercheurs ont donc ajouté deux termes supplémentaires à l'équationéquation : la fraction d'exoplanètesexoplanètes habitables possédant à la fois des océans et des continents, et la fraction d'exoplanètes habitables possédant une tectonique des plaques active depuis minimum 500 millions d'années.

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    Parmi les exoplanètes détectées, très peu semblent posséder une tectonique des plaques. © Nasa, Ames JPL-Caltech

    Or, les exoplanètes connues à ce jour possédant ces deux conditions sont rares, très rares même. Seules 0,003 % des exoplanètes posséderaient une tectonique des plaques active depuis suffisamment longtemps pour donner potentiellement naissance à une forme de vie intelligente. L'exemple terrestre suggérant qu'une planète possédant une vie primitive n'évoluera pas vers une civilisation intelligente en l'absence de tectonique des plaques, les chances de trouver une telle civilisation ailleurs dans notre Galaxie fondent donc comme neige au soleilsoleil. Elles seraient proches de 0.

    Le coup de fil à E.T. ne sera donc pas pour demain, et il se pourrait que la Terre et l'Humanité soient bien plus uniques que nous ne l'espérions.

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