Au rythme de quelques millimètres par an, le continent Africain est lentement, mais sûrement, coupé en deux. Ce grand processus de fragmentation continentale est visible au niveau de ce que l’on appelle le rift est-africain, vaste corridor de croûte continentale étirée et déformée. Une déformation qui présente d’ailleurs certaines particularités qu’une nouvelle étude attribue à la présence d’un super-panache mantellique.


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    Le schéma des continents, qui ressemble à un gigantesque puzzle, est le résultat de la tectonique des plaques et du processus d’ouverture continentale. Cette fragmentation des continents et la création de nouveaux océans qui en découle, résultent de la rupture de la croûte continentale face à l'applicationapplication de contraintes extensives qui peuvent être d'origine purement tectonique ou d'origine magmatique. Ce dernier cas est illustré par ce qui est actuellement la plus grande zone de rift actif au monde : le système de rift est-africain. Lentement, les plaques nubienne et somalienne s’écartent en effet l’une de l’autre, produisant un long corridorcorridor de croûte continentale amincie par de multiples failles.

    Le rift est-africain est un vaste corridor de croûte étirée (entre les pointillés) qui témoigne de la séparation progressive de la corne de l'Afrique du reste du continent. © USGS, Wikimedia Commons, domaine public
    Le rift est-africain est un vaste corridor de croûte étirée (entre les pointillés) qui témoigne de la séparation progressive de la corne de l'Afrique du reste du continent. © USGS, Wikimedia Commons, domaine public

    Cette extension de la croûte serait ici en partie liée à la présence d'un ou de plusieurs panaches mantelliques. Sous l'Afrique se trouve en effet ce que l’on appelle un super-panache, gigantesque remontée de matériel chaud qui prend sa source très profondément, à l'interface noyau-manteaumanteau.

    Une croûte étirée dans tous les sens

    Le flux mantellique produit par cette anomalieanomalie thermique dans le manteau, mais également les variations d'épaisseur au sein de la croûte africaine seraient donc responsables de la déformation extensive se distribuant de manière perpendiculaire à la direction d'ouverture du rift, qui est ici est-ouest (le bassin de rift s'étend sur un axe nord-sud). Cette distribution de la déformation est d'ailleurs plutôt classique. Mais le système de rift est-africain présente une particularité : les données GPSGPS, qui révèlent le mouvementmouvement des plaques, indiquent en effet qu'il existe une composante de déformation orientée vers le nord, c'est-à-dire parallèle à l'axe du rift. Il apparaît donc que le bassin de rift est étiré dans de multiples directions en même temps. Une orientation de la déformation surprenante, dont l'origine n'est pas clairement établie.

    Paysage du rift est-africain, marqué par une série de failles normales perpendiculaires à la direction d'extension et qui forment un grand bassin d'effondrement. © DavidMPyle, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0
    Paysage du rift est-africain, marqué par une série de failles normales perpendiculaires à la direction d'extension et qui forment un grand bassin d'effondrement. © DavidMPyle, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Un flux mantellique canalisé vers le nord

    En combinant des modèles numériquesmodèles numériques avec de nouvelles données GPS, une équipe de chercheurs proposent cependant une explication. Et c'est bien le super-panache africain qui serait ici incriminé. Les résultats, publiés dans la revue JGR Solid Earth, suggèrent que la déformation observée résulte plus vraisemblablement d'un flux mantellique orienté vers le nord induit par la présence du super-panache africain plutôt que par la présence de plusieurs petits panaches. Ce flux mantellique serait canalisé sous le rift est-africain par les interactions entre le super-panache et plusieurs blocs de croûte épaisse (cratoncraton de Tanzanie, craton du Congo et blocs de Bangweulu et de Masai). Les modèles conduits avec de multiples panaches n'arrivent pas à reproduire les données observées, et notamment le mouvement parallèle à l'axe du rift.

    Les deux modèles pour expliquer la formation du rift est-africain : soit plusieurs petits panaches mantelliques, soit un unique et grand super-panache remontant sous l'Afrique. C'est ce second modèle qui est appuyé dans cette nouvelle étude. Schéma modifié d'après Hansen et al. 2012. © Marcelo.silka,<em> Wikimedia Commons,</em> CC by-sa 4.0
    Les deux modèles pour expliquer la formation du rift est-africain : soit plusieurs petits panaches mantelliques, soit un unique et grand super-panache remontant sous l'Afrique. C'est ce second modèle qui est appuyé dans cette nouvelle étude. Schéma modifié d'après Hansen et al. 2012. © Marcelo.silka, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Ces données montrent à quel point déformation de surface et processus profond peuvent être liés à certains endroits du globe.

    La formation d’un nouvel océan « en direct »

    Le système de rift est-africain a commencé à se développer il y a environ 22 millions d'années. Avec une vitessevitesse d'écartement d'environ six millimètres par an, la corne de l'Afrique devrait se séparer de manière définitive d'ici 10 millions d'années, créant un nouvel océan connecté à la mer Rougemer Rouge au nord et à l'océan sud-ouest indien au sud. Cette région représente ainsi un véritable laboratoire naturel qui permet de mieux comprendre le processus d'ouverture des continents.