La Terre est une gigantesque machine dont les rouages sont incroyablement nombreux et complexes. Une nouvelle étude révèle ainsi comment la vitesse de rotation de la Terre, via les effets de marées induits par la Lune, aurait pu influencer le développement de la vie terrestre.
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Les roches sédimentaires représentent les véritables archives de l'histoire terrestre. Faciles à dater, elles renferment de très nombreuses informations qui permettent de reconstruire les conditions qui prévalaient au moment du dépôt des grains sédimentaires. C'est grâce à ces roches que l'on peut ainsi reconstruire le paysage passé d'un lieu : la nature des roches qui y affleuraient, le relief, la faune et la flore présentes mais aussi le climat et les éventuels épisodes tectoniques qui se seraient produits.
Les sédiments, archives des paramètres orbitaux terrestres
Mais les sédiments renferment également d'autres informations, très subtiles, qui permettent de retrouver les valeurs de certains paramètres astronomiques à une époque données. Ces paramètres, comme l'inclinaison de la Terre sur son axe (obliquitéobliquité), la forme de l'orbiteorbite terrestre (excentricitéexcentricité) ou encore la précessionprécession des équinoxeséquinoxes affectent en effet le climat terrestre, qui lui-même impacte les conditions de formation des roches sédimentaires. L'étude de ces roches permet même d'observer les variations de la vitesse de rotationvitesse de rotation de la Terre sur elle-même au cours du temps.
De nombreux modèles suggèrent en effet que la rotation de la Terre n'a cessé de décélérer depuis sa formation. La longueur du jour aurait ainsi augmenté au fil du temps. Mais pourquoi ?
Des marées qui ralentissent la Terre et éloignent la Lune
Pour comprendre, il faut se souvenir que la Terre n'est pas seule. Elle est accompagnée par la LuneLune qui induit périodiquement une déformation de ses océans. Ce sont les maréesmarées. Cependant, les frottements qui se jouent sur le fond océanique et au cœur de la massemasse d'eau lors du déplacement de ce bombement océanique induisent un ralentissement de la rotation de la Terre et de fait un éloignement de la Lune.
La Lune induit des marées qui elles-mêmes vont ralentir la rotation de la Terre via la dissipation de l'énergie tidale. © Witold Krasowski, Adobe Stock
Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, le ralentissement de la rotation de la Terre n'est pas un phénomène linéaire. Une précédente étude avait déjà mis en évidence le fait que la décélération de la rotation de la Terre se fait par paliers et non de façon régulière. La durée du jour aurait ainsi « stagné » à 19 heures durant 1 milliard d'années environ, pendant la période dite du « milliard ennuyeux » (entre 1,8 et 0,8 milliard d'années). Cette observation révélait l'influence d'autres paramètres sur la vitesse de rotation de la Terre, notamment celui des marées atmosphériques.
Une décélération qui se ferait bien par paliers et non de manière régulière
Cette idée d'une décélération par paliers est renforcée par la publication d'une nouvelle étude dans la revue Pnas. Une équipe de chercheurs s'est ici penchée sur l'évolution de la duréedurée du jour sur une période plus récente de l'histoire terrestre, entre 650 et 280 millions d'années, en se basant sur l'analyse de roches sédimentaires. Au total, durant cette période, la distance Terre-Lune aurait augmenté de 20 000 kilomètres et la durée du jour augmenté de 2,2 heures. Mais les résultats mettent également en évidence une période durant laquelle la rotation terrestre se serait stabilisée (entre 500 et 350 millions d'années).
Pour les auteurs, ce schéma serait principalement causé par des variations du phénomène de dissipation de l'énergieénergie des marées, en lien avec la configuration des masses continentales. Certaines configurations entraîneraient ainsi un renforcement de la dissipation des marées. Ces périodes correspondraient aux phases de décélération de la rotation de la Terre. À l'inverse, certaines configurations continentales entraîneraient un affaiblissement de la dissipation des marées et donc une stabilité de la longueur du jour.
La vitesse de rotation de la Terre a diminué au cours du temps, mais pas de manière linéaire. Un palier est observé entre 500 et 350 millions d'années. Les deux flèches indiquent la fin de l'événement d'oxygénation du Paléozoïque (POE) et le début de l'événement d'oxygénation du Néoprotérozoïque (NOE). © Huang and al. 2024, Pnas
Un lien entre phases de décélération et diversification du vivant ?
Plus étonnant encore, les deux périodes de décélération encadrant la période stable entre 500 et 350 millions d'années correspondent à des événements notables d’oxygénation dans l’histoire de la vie terrestre, toutes deux associées à de grandes phases de biodiversification.
Pour les chercheurs, ces deux événements pourraient être directement liés à l'évolution de la durée du jour, le renforcement de la dissipation de l'énergie des marées jouant un rôle sur la circulation océanique et le mélange des océans. Des conditions permettant une plus forte oxygénation du milieu océanique et boostant les écosystèmesécosystèmes marins !