L’étude du glacier Petermann au Groenland révèle l’importante influence du cycle des marées sur la fonte accélérée des glaces. Un mécanisme actuellement non pris en compte dans les modèles climatiques et qui pourrait faire bondir les projections concernant la hausse du niveau des océans de 200 % !
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Le réchauffement climatique actuel entraîne une fontefonte accélérée des grands glaciers un peu partout dans le monde, mais surtout des calottes glaciairescalottes glaciaires qui recouvrent l'Arctique, l'Antarctique et le Groenland. Si cette évolution est suivie de près, les mécanismes à l'œuvre sont cependant encore mal compris.
Car la vitessevitesse à laquelle la glace fond n'est pas simplement une question de température. L’inlandsis du Groenland semble ainsi soumis à une importante action de l'océan. Une interaction méconnue jusqu'à présent qui aurait engendré une large sous-estimation de la vitesse de fonte des glaciers groenlandais, et donc de la future hausse du niveau des mers.
Les marées modifient la position de la ligne d’échouage du glacier
C'est en scrutant le glacier Petermann grâce aux radars des satellites que des scientifiques ont fait cette découverte. En surveillant l'évolution de la « ligne d'échouage » du glacier, c'est-à-dire la ligne de démarcation entre la partie du glacier posée sur le socle rocheux et celle flottant sur l'océan, les chercheurs de l'université de Californie et de la NasaNasa ont observé des variations importantes en lien avec les cycles des maréesmarées. La ligne d'échouage semble ainsi migrer de deux à six kilomètres. Une valeur bien plus importante que supposée auparavant et qui a son importance pour le calcul de la montée du niveau des océans. Car la position de cette ligne détermine la quantité de glace qui repose sur l'eau, et donc celle susceptible de faire monter le niveau marin. Ainsi, plus cette limite recule, plus la quantité de glace à la merci de l'océan est importante.
Jusqu'à présent, on pensait que cette ligne d'échouage n'était pas impactée par les cycles tidaux. Or, la nouvelle étude publiée dans la revue PNAS révèle que lors des épisodes de marée haute, la mer « chaude » s'infiltre sur une vaste zone à la base du glacier, via le réseau préexistant de tunnels sous-glaciaires. Cette intrusion de l'océan provoque bel et bien une fonte accélérée du glacier au niveau de la zone d'échouage.
Des trous à la base du glacier qui accélèrent son écoulement vers l’océan
Entre 2016 et 2022, cette ligne a ainsi reculé de près de quatre kilomètres sur le glacier Petermann. L'eau de mer a d'ailleurs creusé une énorme cavité de plus de 200 mètres de haut à la base du glacier. Un véritable abcèsabcès qui ne s'est ensuite pas refermé. Car il s'agit d'un véritable cycle vicieux : l'exposition à des eaux de plus en plus chaudes accélère la fonte, grignotant le glacier par sa base et réduisant ainsi sa résistancerésistance aux frottements sur le socle rocheux. Le glacier s'écoule alors plus rapidement vers la mer, ce qui ne fait qu’empirer la situation.
Avec l'augmentation de la température des océans, les glaciers deviennent ainsi de plus en plus sensibles à ce type d'interaction. Or, cette dynamique n'est actuellement pas prise en compte dans les modèles climatiques. Pour les auteurs de l'étude, son intégration dans les calculs ferait dramatiquement bondir les projections de la hausse du niveau des mers de plus de 200 % !
Car ces interactions océan-glacier ne sont pas uniquement valables pour le glacier Petermann, mais pour tous les glaciers terminant leur course dans l'océan. L'Antarctique et toute la partie nord du Groenland seraient ainsi concernés. Ce qui représente un volumevolume considérable de glace.