Si la question de la refonte du corps électoral a mis le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie, la crise que connaît actuellement l’archipel n’est pas uniquement liée à cette problématique identitaire. L’effondrement du cours du nickel a en effet conduit à une grave crise économique. Zoom sur les origines de ce métal, dont l’exploitation est vitale pour les Calédoniens.


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    Sur fond de tensions identitaires, la Nouvelle-Calédonie connaît également une crise économique liée à la principale ressource de l'archipel. L'extraction du nickelnickel, ce métal prisé par l'industrie et qui est largement utilisé pour la fabrication d'acier inoxydableacier inoxydable et de batteries, emploie actuellement près de 25 % des travailleurs calédoniens. Il faut dire que la ressource est abondante : la Nouvelle-Calédonie détiendrait en effet de 20 à 30 % des réserves mondiales ! Une richesse majeure pour ce petit archipel d'Océanie, surtout dans le contexte actuel de la course aux nouvelles technologies et notamment pour la transition écologique.

    Pourquoi les sols de Nouvelle-Calédonie sont-ils si riches en nickel ?

    Les importantes réserves de nickel dont dispose la Nouvelle-Calédonie sont issues de l'histoire géologique de l'archipel, qui n'est en réalité que la petite partie émergée d’un continent majoritairement sous les eaux que l’on appelle Zealandia. Ce continent, dont fait également partie la Nouvelle-Zélande, est né de la fragmentation du supercontinent Gondwana il y a 66 millions d'années. Il y a environ 30 millions d'années, la convergence des plaques tectoniques au niveau de la marge orientale de Zealandia va entraîner la formation d'une chaîne de montagnes (orogenèse calédonienne), qui va soulever des terrains volcano-sédimentaires très anciens mais aussi entraîner le chevauchement d'une portion de la plaque océanique Pacifique sur la plaque continentale de Zealandia. Ce phénomène d'obduction met à l'émersion des roches de la croûte océanique : basaltes, gabbrosgabbros, mais aussi des péridotitespéridotites du manteaumanteau supérieur. On parle d’ophiolites, comme dans le cas du Chenaillet dans les Alpes.

    Le continent immergé de Zealandia et ses quelques parties émergées : la Nouvelle-Calédonie (au nord) et la Nouvelle-Zélande. © Ulrich Lange, Bochum, Germany, <em>Wikimedia Commons</em>, CC0
    Le continent immergé de Zealandia et ses quelques parties émergées : la Nouvelle-Calédonie (au nord) et la Nouvelle-Zélande. © Ulrich Lange, Bochum, Germany, Wikimedia Commons, CC0

    Un tiers de l'île de Grande TerreTerre est ainsi aujourd'hui composé de ces roches ultrabasiquesultrabasiques que sont les péridotites, très riches en olivineolivine, un minéralminéral qui contient du nickel. L'altération de ces roches produit des serpentinesserpentines, qui, sous le climat tropicalclimat tropical de l'archipel, vont elles-mêmes être altérées pour produire des latériteslatérites en surface. Lors de cette altération, le nickel va être entraîné jusqu'à la base du profil d'altération. Il va y précipiter pour former des minérauxminéraux verts que l'on appelle de la garniérite, qui contient de 1 à 7 % de ce métal. Des teneurs plus faibles (entre 1 et 2 %) se retrouvent cependant dans la goethite, un oxyde de ferfer qui est présent plus en surface dans les sols rouges latéritiques. Garniérite et goethite représentent les deux mineraisminerais à partir desquels est extrait le nickel.

    La garniérite est le minerai comprenant la plus grande quantité de nickel. © Didier Descouens, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    La garniérite est le minerai comprenant la plus grande quantité de nickel. © Didier Descouens, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Dès la colonisation de l'archipel, en 1853, les prospecteurs miniers se rendent compte que le sol pauvre de l'archipel s'avère être riche en divers métauxmétaux et notamment en nickel, dont les exploitations commencent très rapidement. En 1876, 400 tonnes de minerais arrivent ainsi sur le marché européen, ce qui représente 40 % de la production mondiale. Dix ans plus tard, le nickel calédonien représente 70 % du marché. Dans le siècle qui suit, la Nouvelle-Calédonie restera un producteur très important, malgré l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.

    Un effondrement du cours du nickel à l’origine de la crise

    La situation est cependant bien différente aujourd'hui. Le cours mondial du nickel s'est récemment effondré. À l'origine de cette chute record (plus de 40 % en 2023) : l'Indonésie (sous l'influence chinoise), qui produit massivement du nickel à bas prix, rendant les exploitations de Nouvelle-Calédonie non compétitives. Et les conséquences ne se sont pas fait attendre. Chute des ventes, départ des investisseurs, absence de repreneurs... La menace d'un licenciement massif pèse sur les travailleurs calédoniens. Sachant que dans l'archipel, un emploi privé sur quatre est lié à l'industrie du nickel, cette situation a de quoi alimenter les tensions qui animent actuellement la société calédonienne.

    Et l’environnement dans tout ça ?

    Au-delà de la question économique, il y a également celle de l'environnement. Car l'exploitation du nickel est particulièrement polluante. Outre la défiguration du paysage par les mines à ciel ouvert, la déforestationdéforestation, la réduction de la biodiversitébiodiversité et les coulées de boue, la production de nickel est très gourmande en énergieénergie : 77 % de l'électricité produite sur l'archipel (essentiellement par des centrales thermiques brûlant du fuelfuel et du charboncharbon) est consommée par l'industrie minière. Ajoutons à cela le charbon et le propanepropane utilisé pour l'extraction et la transformation du minerai et l’on obtient des émissions de CO2 record par habitant : 20 tonnes par an contre 5,3 tonnes pour un habitant de France métropolitaine.

    Mine de Goro en Nouvelle-Calédonie. © Barsamuphe, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by 3.0
    Mine de Goro en Nouvelle-Calédonie. © Barsamuphe, Wikimedia Commons, CC by 3.0

    Quel avenir pour le nickel calédonien ?

    Il semble peu probable cependant que l'archipel se passe de l'exploitation du nickel. Le métal représente en effet 90 % de ses exportations. Le territoire est en réalité très dépendant de cette ressource, ses terres étant très peu productives d'un point de vue agricole.

    Le sol de Nouvelle-Calédonie est peu propice à l'agriculture. © Bananaflo, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Le sol de Nouvelle-Calédonie est peu propice à l'agriculture. © Bananaflo, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Une dépendance qui fragilise en ce moment l'archipel et attire l'attention de certaines puissances, comme la Chine, qui lorgnent les énormes réserves de nickel de l'archipel. Comme l'explique cette chronique dans Europe 1, une Nouvelle-Calédonie indépendante tomberait immédiatement dans le girongiron de la Chine. Pékin jouerait ainsi un rôle dans la crise actuelle, en soufflant sur les braises et en soutenant les mouvementsmouvements indépendantistes.

    L'avenir du nickel calédonien semble donc suspendu aux discussions entre l’État français et le gouvernement calédonien concernant le « pacte nickel » proposé l'année dernière par le ministre de l'Économie dans l'espoir de sauver la filière.