À cause de la tectonique des plaques, les témoins de la jeunesse de la Terre sont extrêmement rares. Grâce à des analyses isotopiques, des chercheurs suggèrent que des restes de la toute première croûte seraient toujours présents dans les tréfonds du manteau.
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Comment retracer les premiers millions d'années de l'histoire géologique de la Terre alors que la tectonique des plaques tend à effacer toute trace du passé de notre Planète ? Les conditions géologiques de l'Hadéen, période qui caractérise la Terre primitive, sont ainsi particulièrement difficiles à reconstruire, les témoins datant de cette époque étant extrêmement rares.
Les questions, quant à elles, ne manquent pas. Notamment en ce qui concerne la nature, la composition et la formation de la croûte terrestre primitive. Pour étudier les processus géologiques ayant façonné la Terre à son origine, les scientifiques sont bien souvent forcés de se tourner vers les autres planètes du Système solaireSystème solaire, en particulier la Lune et Mars. Les observations réalisées sur ces planètes, exemptes de tectonique des plaques, et donc plus à même d'avoir conservé des témoins d'une croûte primitive, permettent en effet d'émettre certaines hypothèses sur l'environnement terrestre peu après la formation de notre Planète.
Des traces infimes qui permettent de remonter à la formation de la première croûte terrestre
Sur Terre, les témoins de cette période sont principalement issus de données géochimiques indirectes. Pour étudier la composition de la croûte terrestre primitive, les scientifiques se basent ainsi sur l'analyse de nucléides qui n'étaient actifs que durant les 100 premiers millions d'années après la formation du Système solaire. Mais ces variations de compositions isotopiques reflètent-elles la différenciation du manteaumanteau et la formation de la croûte durant l'Hadéen, ou la contribution des météoritesmétéorites au moment de la croissance de la Terre ? La question reste débattue.
Des chercheurs de l'université de Cologne viennent cependant de découvrir que certaines roches magmatiques, éruptées tout au long de l'histoire de la Terre, pourraient être porteuses de la signature géochimique de la croûte primitive. Des traces infimes de la géodynamique de l'Hadéen, mais ô combien précieuses pour comprendre l'évolution géologique de la Terre.
Les géologuesgéologues ont ainsi analysé des échantillons de roche datant de 3,55 milliards d'années, retrouvées en Afrique du Sud au niveau du CratonCraton de Kaapvaal. Leur composition isotopique révèle de petites anomaliesanomalies et notamment un déficit en isotopeisotope 182W.
Le 182W est l'un des isotopes du tungstènetungstène et est issu de la décroissance du 182Hf (hafniumhafnium), dont la duréedurée de vie est très courte. Cet élément est ainsi caractéristique des premiers 60 millions d'années après la formation du Système solaire. Les anomalies isotopiques observées dans les roches d'Afrique du Sud témoigneraient donc de processus géologiques qui se seraient passés immédiatement après la formation de la Terre, il y a 4,5 milliards d'années.
Des restes de croûte primitive toujours présents au fond du manteau
Mais ce n'est pas tout. Car cette signature isotopique particulière se retrouve également dans des roches volcaniquesroches volcaniques bien plus récentes, produites au niveau de certains points chauds.
Or, comment expliquer que cette signature se retrouve encore dans des roches volcaniques actuelles ? Pour les chercheurs, cela signifie qu'il existe encore aujourd'hui des résidus de la croûte primitive de la Terre, enfouis dans les parties les plus profondes du manteau. Les données, publiées dans la revue PNAS, permettent également de mieux comprendre certaines étapes clés de l'évolution de notre Planète.
La proto-croûte, de nature mafique, se serait ainsi formée environ 50 millions d'années après le Système solaire. Elle aurait ensuite subi un épisode de fusionfusion et une différenciation minéralogique, menant à la formation de plusieurs unités de composition différentes. Parmi ces unités, les restites, des roches de forte densité et situées en base de croûte, auraient commencé à « couler » dans le manteau sous-jacent. En interagissant avec les péridotitespéridotites du manteau, ces roches auraient mené à la production de réservoirs hybrideshybrides profonds, toujours présents, servant notamment à alimenter les grands panaches mantelliquespanaches mantelliques remontant jusqu'en surface et donnant naissance aux laveslaves de points chaudspoints chauds.
Les restes de cette proto-croûte seraient ainsi toujours stockés dans les tréfonds du manteau. Les modèles numériquesmodèles numériques suggèrent que cette signature isotopique serait donc le témoin du recyclagerecyclage, toujours en cours, de la croûte primitive.