La tectonique des plaques serait-elle une spécificité terrestre ? Ce qui est certain, c’est que la Terre est la seule planète du Système solaire à connaître une telle dynamique, qui joue un rôle fondamental dans la stabilité et l’habitabilité de notre environnement. Une nouvelle étude suggère cependant que certaines planètes pourraient présenter des conditions d’habitabilité même sans tectonique des plaques.


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    Lorsque l'on compare les différentes planètes du Système solaireSystème solaire, deux éléments majeurs font apparaître la Terre comme unique : la présence de vie à sa surface, bien sûr, et l'existence d'une tectonique des plaques. Depuis longtemps, ces deux éléments sont d'ailleurs considérés comme étant intimement liés. La tectonique des plaques permet en effet à la croûte terrestre d'être continuellement remaniée et cela induit d'importants cycles géochimiques qui permettent d'assurer des conditions de surface habitables, et surtout relativement stables au cours du temps.

    Tectonique des plaques et grands cycles géochimiques

    La tectonique des plaques se caractérise en effet par la création continue de nouvelles croûtes océaniques au niveau de limites de plaques divergentes que l'on appelle les dorsales, et par le recyclage de la croûte ancienne au niveau de zones de subductionzones de subduction. Un mécanisme de « tapis roulanttapis roulant » qui entraîne avec lui la croûte continentalecroûte continentale. Au gré des ouvertures et fermetures océaniques, les continents vont ainsi soit se déchirer, soit entrer en collision.

    Les Andes résultent de la tectonique des plaques. © Clemence Béhier, Adobe Stock
    Les Andes résultent de la tectonique des plaques. © Clemence Béhier, Adobe Stock

    Ce processus génère un important volcanismevolcanisme, dont les gazgaz émis participent à la composition atmosphérique et au climatclimat. Le paysage terrestre est ainsi en constante évolution et sa formidable diversité de reliefs favorise les processus d'érosion-altération et de dépôts sédimentaires. Alors que les volcansvolcans émettent des gaz à effet de serregaz à effet de serre, ces processus de surface vont, quant à eux, permettre de fixer le carbonecarbone dans les roches. Le cycle tectonique assure alors le transport de ces réservoirs de carbone vers le manteaumanteau, où il sera à nouveau mobilisé lors de la formation de magmamagma. Ce grand cycle du carbone ne pourrait exister sans la tectonique des plaques et apparaît comme ayant joué un rôle essentiel pour le développement de la vie.

    Les mondes proches de nous, qui ne disposent pas de tectonique des plaques, nous confortent dans cette idée que le mouvementmouvement des plaques joue un rôle de stabilisateur des conditions de surface sur le long terme. Alors que Mars s'est figée dans le froid à cause de la disparition de l'effet de serre, VénusVénus s'est au contraire enfermée dans un cycle infernal où les émissionsémissions de gaz n'ont pas été compensées par un mécanisme de stockage du carbone. Dans les deux cas, l'inexistence de cycles géochimiques a entraîné une dérive climatique irréversible, rendant les deux planètes inhabitables.

    Bien qu'elle présente de fortes similarités avec la Terre, Vénus a une atmosphère épaisse qui piège la chaleur dans un effet de serre incontrôlé (<em>runaway greenhouse</em>), ce qui en fait la planète la plus chaude de notre Système solaire. © Nasa, JPL-Caltech
    Bien qu'elle présente de fortes similarités avec la Terre, Vénus a une atmosphère épaisse qui piège la chaleur dans un effet de serre incontrôlé (runaway greenhouse), ce qui en fait la planète la plus chaude de notre Système solaire. © Nasa, JPL-Caltech

    Ne peut-on toutefois envisager des mécanismes qui permettent le maintien de conditions de surface habitables sans tectonique des plaques ? C'est la question qui se pose. Car l'étude des exoplanètesexoplanètes, toujours plus nombreuses à être découvertes, suggère que la tectonique des plaques est loin, très loin, d'être la norme. Doit-on supposer que la majorité des mondes rocheux sont donc inhabitables ? Peut-être pas. C'est du moins ce que suggère une nouvelle étude publiée dans la revue Journal of Geophysical Research : Planets.

    Habitabilité : tectonique des plaques… ou chaleur interne ?

    Faire fonctionner une tectonique des plaques requiert que l'intérieur planétaire soit relativement chaud. Si la quantité de chaleurchaleur interne est trop faible, le processus s'enraye et s'arrête, résultant dans un monde (géodynamiquement) mort, comme Mars. Sur Terre, la forte chaleur interne permet d'induire des mouvements de convectionconvection dans le manteau. Ce brassage est l'un des moteurs de la tectonique des plaques, par le biais de laquelle la chaleur est d’ailleurs évacuée. On pense ainsi que sans tectonique des plaques, l'intérieur de la Terre serait trop chaud pour permettre le développement de conditions stables en surface.

    Nous connaissons cependant plusieurs exemples de planètes présentant un flux de chaleur plus important que celui de la Terre. C'est le cas de Io, lune de Jupiter. Ici aussi, pas de tectonique des plaques. Mais un intense volcanisme qui libère d'importantes quantités de gaz à effet de serre. La chaleur interne n'est pas de la même origine que celle de la Terre. Elle provient des mouvements de massemasse qu'induit, par effet de maréemarée, la présence de JupiterJupiter.

    Cette photographie de Io prise par la sonde Galileo montre une éruption à <em>Pillan Patera</em>, avec un panache de 140 kilomètres de haut. © Nasa, JPL, <em>University of Arizona</em>
    Cette photographie de Io prise par la sonde Galileo montre une éruption à Pillan Patera, avec un panache de 140 kilomètres de haut. © Nasa, JPL, University of Arizona

    Pourtant, les auteurs de l'étude révèlent que ces planètes possédant une très forte chaleur interne sont capables de posséder un manteau solidesolide et une croûte, certes immobile mais stable. Malgré un intense volcanisme, ce type de planète ne présenterait donc pas un océan de magma en surface. Les modèles développés suggèrent que ces planètes chaudes et volcaniques pourraient de plus présenter des cycles géochimiques entraînant des rétroactionsrétroactions climatiques négatives, c'est-à-dire permettant la stabilisation du climat dans une gamme de températures de surface similaire à ce que la Terre a connues dans son passé.

    Ces résultats laissent penser que de nombreux mondes, même exempts de tectonique des plaques, pourraient présenter des conditions d'habitabilité sous lesquelles la vie pourrait se développer.