Il y a 94 millions d’années, la vie marine connaissait une période difficile. De nombreuses espèces disparaissent, sous l’effet de l’appauvrissement en oxygène du milieu océanique. Si l’activité volcanique était déjà suspectée comme étant la cause de cette crise, le véritable coupable vient d’être clairement identifié.


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    On sait à quel point atmosphère et océan sont deux milieux étroitement liés et dépendants. Ainsi, toute perturbation climatique se répercute d'une manière ou d'une autre sur le milieu marin. C'est ainsi que l’on observe actuellement une acidification des océans, en réponse au réchauffement climatique.

    Dans son histoire, la Terre a connu de nombreuses fluctuations environnementales de ce type, certains événements particulièrement sévères ayant mené à des crises biologiques, voire à des extinctions de masse. Hormis la crise actuelle qui est causée par les activités humaines, toutes les autres trouvent leur origine dans des combinaisons de paramètres naturels (volcanisme, variations de l’orbite terrestre, agencement des continents...)).

    La formation des grands plateaux volcaniques souvent à l’origine des crises biologiques

    Des épisodes de volcanisme intense, marqués par l’effusion de gigantesques volumes de lave sur plusieurs dizaines de milliers d’années, sont souvent à l’origine de ces bouleversements climatiques. La formation de ces grands plateaux basaltiquesbasaltiques que l'on appelle des LIP (Large Igneous Province) émet en effet de grandes quantités de CO2, qui vont au fil du temps s'accumuler dans l'atmosphère, entraînant un réchauffement global du climatclimat et une perturbation du cycle du carbonecycle du carbone. Cette hausse des températures engendre ainsi une augmentation des processus d'érosion des roches continentales, et donc un apport en nutrimentsnutriments plus important dans l'océan. Dopée par cet apport nutritif, la productivité organique de l'océan augmente. AlguesAlgues et micro-organismesmicro-organismes se développent en masse. De grandes quantités de matière organique vont alors commencer à se déposer dans le fond des océans. Et cela ne va pas être sans conséquence sur l'environnement marin. La dégradation de toute cette matièrematière organique par les bactériesbactéries va en effet entraîner une forte consommation de l'oxygène. Peu à peu, la teneur en O2 de l'océan baisse et des zones anoxiquesanoxiques (sans oxygène) commencent à se former. Or, sans oxygène, pas de vie, même dans les océans.

    L'apport massif de nutriments favorise la productivité organique dans les océans et donc le dépôt de grandes quantités de matière organique dans le fond des océans. © kichigin19, Adobe Stock
    L'apport massif de nutriments favorise la productivité organique dans les océans et donc le dépôt de grandes quantités de matière organique dans le fond des océans. © kichigin19, Adobe Stock

    Ces événements anoxiques océaniques sont ainsi souvent associés à des extinctions de masse dans le domaine marin. On les identifie dans les séries sédimentaires par la présence de stratesstrates de couleurcouleur noire car chargées en matière organique, et par l'absence de faunefaune benthiquebenthique normalement typique de cet environnement. Ces conditions peuvent perdurer plusieurs milliers d'années.

    Une sévère extinction dans les océans il y a 94 millions d’années

    Le CrétacéCrétacé est marqué par deux grands épisodes de ce type. Notés OAE 1 et OAE 2 (OAE pour Oceanic Anoxic Event), ils se sont produits respectivement il y a 120 et 94 millions d'années. Le second événement anoxique, qui marque la limite entre le Cénomanien et le Turonien, est ainsi caractérisé par une extinction de masse particulièrement sévère dans le milieu marin. Les célèbres ichtyosaures et presque tous les pliosaures disparaissent à ce moment-là. Si le rôle des volcansvolcans dans l'origine de cet événement dramatique est depuis longtemps suggéré, la source exacte restait débattue. Jusqu'à présent, deux suspects potentiels étaient proposés : le LIP des Caraïbes et le LIP de l'Extrême-ArctiqueArctique. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature communications, pointe cependant du doigt un autre coupable.

    Carte présentant la paléogéographie du milieu du Crétacé avec l'emplacement des différents plateaux basaltiques susceptibles d'être à l'origine de l'OAE 2 : HALIP (LIP de l’Extrême-Arctique), CLIP (LIP des Caraïbes ), OJP (Ontong Java Plateau), KP (Kerguelen Plateau). © Walker-Trivett et al. 2024, <em>Nature communications</em>
    Carte présentant la paléogéographie du milieu du Crétacé avec l'emplacement des différents plateaux basaltiques susceptibles d'être à l'origine de l'OAE 2 : HALIP (LIP de l’Extrême-Arctique), CLIP (LIP des Caraïbes ), OJP (Ontong Java Plateau), KP (Kerguelen Plateau). © Walker-Trivett et al. 2024, Nature communications

    L'analyse géochimique et isotopique de sédimentssédiments prélevés dans le bassin de Mentelle au large de l'Australie révèle en effet que l'Événement anoxique océanique 2 (OAE 2), survenu il y a 94 millions d'années, serait lié à l'activité éruptiveéruptive du plateau océanique de Kerguelen, qui serait arrivé à l'émersion à ce moment-là.

    Bien que les causes de cet événement soient totalement différentes de celles de la crise climatique actuelle, comprendre les origines et les mécanismes de ces crises passées est essentiel pour anticiper au mieux l'évolution de notre environnement.