Si l’explosion du Cambrien marque l’apparition de la plupart des lignées animales modernes, notre plus vieil ancêtre commun pourrait être encore plus ancien et avoir vécu il y a plus de 545 millions d’années, durant l’Édiacarien. Les chercheurs ont pu inférer la composition de ses repas.


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    Si nous pouvions remonter le temps et observer l'environnement terrestre il y a environ 600 millions d'années, nous découvririons un monde totalement différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. Aucune vie animale ni végétale n'occupe alors les terres émergées désertiques et couvertes de glace. Mais dans les eaux du gigantesque océan qui occupe une très large part du Globe, les choses sont cependant bien différentes.

    Les étranges créatures de l’Édiacarien

    La période de l'Édiacarien (635 à 538,8 millions d'années) est en effet caractérisée par l'apparition des premiers organismes multicellulaires complexes. Cette faune pourrait pourtant sembler particulièrement étrange à nos yeuxyeux. Sur le fond de la mer évoluent des créatures au corps mou, en forme de feuille, de disque, de tube ou de sacs remplis de boue, certains pouvant mesurer plusieurs mètres.

    Reconstitution de l'environnement marin durant l'Édiacarien. © Ryan Somma, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0
    Reconstitution de l'environnement marin durant l'Édiacarien. © Ryan Somma, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0

    Les squelettes n’existent pas encore et seuls quelques organismes présentent une ébauche de coquille. Cette absence de parties dures est d'ailleurs certainement responsable de la faible quantité de fossiles retrouvés datant de cette période, les tissus étant très difficiles à conserver. Néanmoins, de nombreuses empreintes de ces organismes ont permis de retracer, au moins partiellement, les caractéristiques de cette faune étrange. Il apparaît que si certaines espèces semblaient être dotées d'une bouche et d'un tube digestiftube digestif, d'autres étaient totalement dépourvues d'organes internes, ce qui pose la question de leur mode de vie et de reproduction. C'est le cas notamment des vendozoaires, ces organismes plats et segmentés par des motifs fractals, qui devaient absorber les nutrimentsnutriments présents dans l'eau par échanges d'ionsions à travers leurs tissus (osmoseosmose).

    Fossile de <em>Dickinsonia</em> (vendozoaire), sorte de coussin mou ne possédant aucun organe interne et se nourrissant certainement par osmose. © Verisimilus, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Fossile de Dickinsonia (vendozoaire), sorte de coussin mou ne possédant aucun organe interne et se nourrissant certainement par osmose. © Verisimilus, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    La quasi-totalité de ces formes de vie n’a laissé aucun descendant

    Il est difficile de retracer en détail l'apparence et le fonctionnement de ces organismes, car la grande majorité des espèces constituant la faune de l'Édiacarienfaune de l'Édiacarien a totalement disparu à la fin de cette période, ne laissant quasiment aucun descendant. Suite à une extinction de masseextinction de masse, ces organismes seront en effet remplacés par le développement rapide de nouvelles espèces durant le Cambrien, période durant laquelle vont apparaître les formes d'organisation animales existant aujourd'hui. Et pourtant, certains éléments laissent penser que notre ancêtre communancêtre commun prendrait ses racines non pas au CambrienCambrien, mais bien à l'Édiacarien.

    Notre plus vieil ancêtre connu ressemblerait à une limace broutant les algues du fond océanique

    C'est ce que suggère une nouvelle étude publiée dans Current Biology. Les chercheurs de l'Australian National University ont analysé d'anciens fossiles édiacariens à l'intérieur desquels ils ont retrouvé des moléculesmolécules de phytostérol, un composé chimique présent dans les plantes. Ces molécules seraient en quelque sorte les traces du dernier repas de ces organismes. C'est en analysant ces molécules que les chercheurs ont réussi à déterminer que l'espèce Kimberella possédait une bouche et un tube digestif qui lui permettait de digérer ses aliments d'une façon, certes primitive, mais assez semblable aux animaux modernes. Cet organisme ressemblant à une limace serait donc l'une des créatures les plus évoluées de l'Édiacarien et peut-être l’un des plus lointains ancêtres communs des espèces animales actuelles, qui soit observable dans les séries fossiles.

    Fossile de Kimberella. © Dr Ilya Bobrovskiy, GFZ-Potsdam
    Fossile de Kimberella. © Dr Ilya Bobrovskiy, GFZ-Potsdam

    Les analyses moléculaires ont notamment permis de mettre en évidence que Kimberella se nourrissait des films d'alguesalgues couvrant le fond de la mer. Ces algues étaient particulièrement riches en nutriments et en énergieénergie, ce qui pourrait expliquer pourquoi les formes de vie de l'Édiacarien pouvaient atteindre des tailles si imposantes pour des êtres si primitifs et descendants directs de simples organismes unicellulaires.