En Turquie se trouve un étrange paradoxe topographique qui intrigue les chercheurs depuis longtemps : alors que le plateau d’Anatolie centrale se soulève, en son centre se forme en même temps une zone en dépression. Deux mouvements verticaux a priori contradictoires qui pourtant pourraient s’expliquer par un mécanisme bien spécifique.


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    Les données satellites, via la position des stations GPSGPS, nous montrent que les plaques tectoniques sont bien animées d’un mouvement, certes lent (quelques millimètres par an), mais continu. Les continents ne bougent cependant pas uniquement de manière latérale. Ils sont également soumis à des mouvementsmouvements verticaux : soulèvement ou subsidence (abaissement). C'est le cas, bien sûr, des chaînes de collision (Alpes, Himalaya, Pyrénées...)), des zones de rift comme celui qui s'étend dans l'est de l'Afrique, des régions de haute latitude autrefois ensevelies sous une calotte glaciairecalotte glaciaire, mais aussi de certains plateaux, comme le Tibet, l'Altiplano-Puna et celui d'Anatolie.

    Un paradoxe topographique

    La dynamique de ces plateaux est d'ailleurs particulièrement complexe et semble liée à des processus tectoniques, thermiques et géologiques interconnectés. Mal compris, ils produisent souvent des topographies étonnantes, comme sur le plateau d'Anatolie centrale, en Turquie. Alors que globalement le plateau se soulève, une dépression se forme en effet en son centre. C'est le bassin de Konya. De forme circulaire, il présente une vitessevitesse de subsidence relativement rapide, d'environ 20 mm/an. Un mouvement difficile à expliquer dans ce contexte régional.

    Pour percer le mystère du bassin de Konya, une équipe de chercheurs à réaliser des expériences en laboratoires afin de déterminer les mécanismes qui pouvaient être à l'origine de la formation de ce bassin, en prenant en compte les données géologiques et géophysiques de la région.

    Carte présentant la localisation du plateau d'Anatolie centrale et du bassin de Konya (c). © <em>Andersen et al. 2024, Nature</em> Communications
    Carte présentant la localisation du plateau d'Anatolie centrale et du bassin de Konya (c). © Andersen et al. 2024, Nature Communications

    Publiés dans la revue Nature Communications, les résultats suggèrent ainsi la présence d'une instabilité à la base de la lithosphère continentale. Rappelons que la lithosphère représente l'enveloppe externe de la Terre et contient la croûtecroûte ainsi que la partie supérieure, cassante, du manteaumanteau.

    Une lithosphère qui fait du goutte à goutte

    Il a été précédemment proposé que le plateau d'Anatolie centrale ait été créé il y a 10 millions d'années suite à un événement tectonique entraînant un épaississement de la lithosphère. Un morceau du manteau lithosphériquelithosphérique se serait alors détaché pour couler dans l'asthénosphèreasthénosphère, produisant un soulèvement de la lithosphère restante. Les chercheurs proposent qu'un mécanisme semblable soit actuellement à l'origine du bassin de Konya. Sous le bassin, les données sismiques indiquent en effet la présence d'un fragment de lithosphère dense et froid s'enfonçant dans le manteau asthénosphérique, formant une sorte de « goutte ». La présence de cette instabilité attire vers le bas la croûte, expliquant le développement d'une dépression en surface. Les expériences en laboratoires ont réussi à reproduire ce phénomène.

    Détachement d'un morceau de lithosphère provoquant la surrection du plateau il y a 10 millions d'années (a) ; l'instabilité produite aurait engendré une seconde « goutte » qui serait à l'origine de la subsidence du bassin de Konya (b). © <em>Andersen et al. 2024, Nature Communications</em>
    Détachement d'un morceau de lithosphère provoquant la surrection du plateau il y a 10 millions d'années (a) ; l'instabilité produite aurait engendré une seconde « goutte » qui serait à l'origine de la subsidence du bassin de Konya (b). © Andersen et al. 2024, Nature Communications

    Un scénario qui pourrait aider à comprendre certaines structures géologiques sur d'autres planètes comme Mars ou VénusVénus.