C’est certain, savoir exactement quel jour et où auront lieu les prochains séismes majeurs pourrait permettre de sauver des centaines de milliers de vies. Malheureusement, c’est un objectif illusoire. Toutefois, de nouvelles études montrent qu’une prévision plus fine qu’actuellement est possible, notamment en analysant l’activité sismique quotidienne de certaines régions.
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Séismes de Sumatra, de Haïti, du Sichuan et de Gaziantep en Turquie... À eux seuls, ces quatre tremblements de terretremblements de terre qui se sont produits entre 2004 et 2023 auront causé plus de 700 000 morts. Ce bilan humain dramatique aurait-il pu être évité si nous étions capables de prévoir la survenue des séismes ? Peut-être. Mais en tout cas, tout n'est pas si simple.
Mieux prévoir les séismes grâce aux algorithmes
Ce qui est certain, c'est qu'actuellement, il nous est impossible de savoir exactement où et quand aura lieu le prochain séisme potentiellement dangereux, même si des cartes d’aléa et de risque sismique existent. Si une prédiction exacte restera certainement toujours du domaine de la science-fiction, de nombreuses équipes de recherche planchent cependant sur une façon de mieux prévoir ces événements naturels. Et il faut dire que les nouvelles capacités en matièrematière d'IAIA ouvrent d'intéressantes possibilités.
Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications montre ainsi comment il pourrait être possible de prévoir plusieurs mois à l'avance la survenue d'un séisme majeur, grâce à des techniques statistiques reposant sur le machine learningmachine learning (apprentissage automatique). Des chercheurs ont ainsi testé leur méthodologie sur deux puissants séismes survenus en Alaska en 2018 (magnitudemagnitude 7,1) et en Californie en 2019 (séquence sismique de magnitude 6,4 à 7,1). L'ensemble des événements sismiques enregistrés dans les mois précédant ces deux événements a ainsi été analysé de manière automatisée afin de voir si l'on pouvait en sortir un signal précurseur.
Il faut rappeler que ces deux régions sont situées dans des zones particulièrement actives d'un point de vue sismique et qu'une activité modérée y est enregistrée de manière continue, avec la possibilité de voir survenir des secousses particulièrement puissantes. Toute la difficulté réside donc dans le fait d'identifier au milieu de ce bruit de fond déjà plutôt intense un signal « anormal » indiquant qu'une rupture majeure se prépare.
Une activité sismique anormale détectée trois mois avant le déclenchement des séismes
Une prouesse qui aurait été rendue possible par une analyse automatique d'un grand nombre de données. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence une activité anormale constituée de séismes de faible magnitude (inférieure à 1,5) dans les trois mois ayant précédé les deux événements. Une activité qui serait liée, d'après les auteurs de l'étude, à une augmentation significative de la pressionpression de fluide au sein de la faille en passe d'être réactivée.
Les failles servent en effet de « conduits » pour les fluides qui circulent dans la croûte terrestre. Une modification des contraintes tectoniques régionales peut cependant faire changer ce schéma de circulation. La pression de fluide peut ainsi augmenter sur certaines failles, entraînant une modification de leurs propriétés mécaniques. Il devient alors plus facile de faire glisser les blocs l'un contre l'autre, en provoquant de petits séismes. Or, tout séisme engendre une modification du champ de contrainte régional. L'un dans l'autre, ces petits événements peuvent ainsi entraîner la déstabilisation d'un segment de faille plus important et donc la survenue d'un séisme de grande ampleur.
Rétrospectivement, dans les trois mois avant le séisme d'Anchorage en Alaska, ces données auraient donc permis d'estimer à 80 % les risques qu'un séisme se produise dans les 30 jours. Une probabilité qui serait passée à 85 % dans les jours précédant le séisme.
Quelle efficacité réelle pour ce type de prévision ?
Reste à tester cette méthodologie en temps réel. Les régions testées ne seront cependant que celles possédant déjà un catalogue de sismicité fourni, ce qui n'est pas le cas de nombreuses régions où l’aléa sismique est pourtant très fort.
Pour les chercheurs, cette méthode pourrait aider à sauver des vies et à réduire les pertes économiques liées à la survenue d'un séisme dévastateur, en permettant aux autorités de se préparer au mieux. On peut envisager par exemple que les grands rassemblements soient interdits en cas de forte probabilité d'un puissant séisme, que les urgences et autres services de secours aux populations se tiennent particulièrement prêts, que la population soit alertée et mise au courant sur la façon de réagir en temps voulu, etc. Toutefois, ce type d'alerte précoce ne résoudra pas tous les problèmes, notamment celui de la résistancerésistance des constructionsconstructions, qui est le principal responsable des décès lors d'un séisme.
Il faut aussi garder à l'esprit que cette prévision ne sera jamais certaine et comportera toujours une bonne dose d'incertitude. Et cela pose plusieurs questions. Comment réagirait la population à une telle alerte ? On imagine assez bien l'état de stressstress, voire de panique, que cela pourrait induire chez les habitants d'une région, sans que le risque d'une catastrophe soit de 100 %. On pourrait ainsi assister à des départs massifs, voire à une tétanisation de l'économie, sans compter la perte de confiance envers les autorités et les scientifiques dans le cas de fausses alertes, ou pire, de prédiction manquée.
Comme toujours, la solution la plus efficace à l'heure actuelle reste la mise en œuvre d'une politique de prévention, autant sur les normes de construction que sur la préparation des moyens de secours et de la population.