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Habituellement, pour étudier ce qui se passe sous nos pieds, les sismologuessismologues procèdent à la mesure de la vitessevitesse d'ondes sismiques. Ils obtiennent ainsi, en quelque sorte, un scan du noyau et du manteau terrestre. Mais ces données de vitesse, seules, ne permettent pas de faire la distinction entre des variations dues à la température ou à la composition du milieu traversé. Pour passer outre ce problème, il existe une méthode : analyser la manière dont les ondes s'amortissent depuis leur source.
Atténuation des ondes sismiques dans le manteau terrestre. Le graphique de gauche est une coupe dans la Terre le long de la ligne noire de la figure supérieure droite. Les zones en rouge correspondent à de la roche inhabituellement molle, tandis que le bleu représente une raideur exceptionnelle (en jaune et en blanc, valeurs proches de la moyenne). L'anomalie où l'atténuation des ondes est très forte, sous l'Asie de l'est, correspondrait à de l'eau qui a été pompée dans le manteau inférieur au cours du long procédé de subduction de la lithosphère océanique.
Crédit : Eric Chou
Frappez au marteau sur une table ; vous renverserez probablement les objets proches du point d'impact, mais il est fort probable que ceux à l'autre bout de la table ne bougent pas d'un pouce. Et cette diminution de puissance de l'onde n'est pas la même pour des matériaux différents. Des données d'atténuation fournissent donc aux sismologues une information sur la raideur d'une région, fonction de sa température et de la quantité d'eau qu'elle contient. Prendre connaissance simultanément des vitesses d'une onde et des atténuations qu'elle subit lors de sa propagation permet ainsi de déterminer si une anomalieanomalie est due à la température ou à la présence d'eau.
Michael E. Wysession, professeur des sciences terrestres et planétaires à la Washington University de St-Louis, aidé de Jesse Lawrence, un de ses anciens doctorants, a analysé les données de 80 000 ondes à partir de plus de 600 000 séismogrammes. Dans un premier temps, il a identifié les zones bien connues où le plancherplancher océanique plonge vers le centre de la Terre. Puis, sous l'Asie, il a observé une région où les ondes sont fortement amorties, bien que faiblement ralenties. « L'eau diminue un peu la vitesse des ondes. Beaucoup d'amortissement et un peu de ralentissement, ça correspond très bien à la prédiction qu'il y a de l'eau », argumente-t-il. On ne l'avait encore jamais observé, mais des modèles prédisent ce que Wysession appelle anomalie de Beijing. « De l'eau dans la roche, plutôt froide, descend avec la plaque plongeante, mais elle se réchauffe au fur et à mesure de sa descente et est relâchée par la roche qui peut devenir instable. Elle remonte alors dans la région sous-jacente, qui devient saturée en eau. » En combinant le volumevolume de cette anomalie avec le fait que la roche peut contenir environ 0,1 % d'eau, on découvre que l'équivalent d'un Océan Arctique se cache sous nos pieds...
Vue en tranches de l'anomalie de Beijing. La séquence a) à g) représente le cheminement possible de l'eau, pompée dans le manteau inférieur via la subduction de la lithosphère océanique.
Crédit : Eric Chou
« L'eau est comme un lubrifiantlubrifiant, huilant constamment la machinerie de la convectionconvection du manteau qui gouverne la tectonique des plaques et cause le mouvementmouvement des continents à la surface de la Terre », ajoute Wysession. Et de conclure : « Regardez notre planète sœur, VénusVénus. Son intérieur est très chaud et sec, et Vénus n'a pas de tectonique des plaques. Toute l'eau s'est probablement évaporée, et sans eau pas de plaques ».