Courant du nord au sud sur 1 200 kilomètres de long, la faille du Levant participe activement au fort aléa sismique qui pèse sur les pays du Proche-Orient. Une étude récente permet cependant de mieux comprendre son comportement, notamment grâce à l’identification d’une nouvelle microplaque tectonique.


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    Le doubletdoublet sismique qui s'est produit en Turquie en février 2023 nous a brutalement rappelé que la région méditerranéenne est une zone à fort aléa sismique, notamment dans sa partie orientale. Le Proche-Orient est en effet marqué par la rencontre entre plusieurs plaques tectoniques : Eurasie, Anatolie, Arabique et Africaine. Rien que ça ! Or, comme partout ailleurs sur le globe, les déplacements relatifs entre ces différentes plaques induisent la présence d'importantes structures tectoniques : failles et zones de subductionzones de subduction.

    La faille est-anatolienne est responsable d'un puissant séisme survenu en février 2023 en Turquie. © Jiannan Meng
    La faille est-anatolienne est responsable d'un puissant séisme survenu en février 2023 en Turquie. © Jiannan Meng

    La faille du Levant : énigmatique et redoutée

    Si les deux grandes failles cisaillantes qui traversent le territoire turc sont particulièrement redoutées (failles nord- et est-anatolienne), et avec raison lorsque l'on considère le bilan humain qu'a causé récemment la rupture de la faille est-anatolienne, une troisième faille fait monter le niveau de risque sismique dans la région. Il s'agit de la faille du Levant, aussi appelée faille de la mer Morte. Connectée au nord à la faille est-anatolienne, elle s'étend en direction du sud sur 1 200 kilomètres de long, jusqu'à la mer Rougemer Rouge, où elle se branche sur le système d'accrétionaccrétion océanique (dorsale). Elle traverse ainsi la Syrie, le Liban et court le long des frontières entre la Jordanie et Israël, et entre l'Arabie saoudite et l'Égypte.

    La faille du Levant (qui s'étire du nord au sud) se connecte à la faille est-anatolienne (EAF). © Mikenorton, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    La faille du Levant (qui s'étire du nord au sud) se connecte à la faille est-anatolienne (EAF). © Mikenorton, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Loin d'être inactive, cette faille serait d’ailleurs à l’origine des séismes en Turquie en février 2023. Son déplacement est cependant loin d'être compris. La faille du Levant marque en effet la limite entre la plaque Arabique, qui se déplace vers le nord, et la plaque Africaine. Or, si les données paléosismologiques et GPSGPS indiquent un déplacement de 4 à 6 mm/an dans la partie sud et centrale de la faille, les deux types de données ne sont cependant pas cohérents pour la partie nord. Dans cette région, les données GPS sont en effet bien plus parcellaires et suggèrent un déplacement moitié moindre, 2 à 3 mm/an. Les décalages observés sur les sites archéologiques, qui permettent de documenter les anciens séismesséismes, suggèrent quant à eux un déplacement similaire à celui de la partie sud.

    Une microplaque qui permettrait de diffuser le déplacement des plaques dans la partie nord

    Une étude publiée dans la revue Science Advances apporte cependant une explication à cette incohérence apparente et aide à mieux comprendre l'aléa sismique qui pèse sur cette région du Proche-Orient. Les résultats montrent en effet que le long de cette faille, les séismes se produisent habituellement par cluster : il est fréquent que deux séismes surviennent au même endroit dans un court laps de temps. De fait, le déplacement initialement attribué à un seul séisme résulterait en réalité de deux événements. La déformation visible sur les sites géologiques et archéologiques aurait donc tendance à être surestimée, notamment dans la partie nord de la faille.

    La relocalisation précise des séismes a permis d'identifier une nouvelle microplaque, nommée « Latakia-Tartus » (à droite). © Li et al. 2024, <em>Science Advances</em>
    La relocalisation précise des séismes a permis d'identifier une nouvelle microplaque, nommée « Latakia-Tartus » (à droite). © Li et al. 2024, Science Advances

    La diminution de vitessevitesse observée entre le sud (4-6 mm/an) et le nord (2-3 mm/an) serait quant à elle liée à l'existence d'une microplaque, baptisée « Latakia-Tartus », mise en évidence par une relocalisation précise de la sismicité dans la région. La présence de cette microplaque, située à l'ouest de la faille du Levant dans la partie nord, permettrait ainsi de diffuser plus facilement le mouvementmouvement des plaques. De fait, l'aléa sismique serait réduit dans cette région. Une bonne nouvelle, alors que l'on craignait que l'incohérence au niveau des valeurs du déplacement ne soit causée par un blocage de la faille. Une situation qui aurait, au contraire, fait augmenter l'aléa sismique avec le risque de voir se produire des séismes plus violents.