Dans le Pacifique se trouve le plus imposant plateau volcanique du monde. Aussi vaste que l’Alaska, le plateau d’Ontong Java a longtemps été considéré comme la cause d’une modification majeure de la chimie des océans, il y a 120 millions d’années. Mais une nouvelle étude remet en question la datation de cette gigantesque éruption et son lien avec cet événement anoxique.
au sommaire
Trapps du Deccan ou de Sibérie, ces grands plateaux volcaniques, ou grandes provinces ignées, représentent d'immenses étendues de basalte accumulé sur parfois plusieurs kilomètres d'épaisseur. Ils témoignent d'épisodes de volcanisme intense s'étageant sur plusieurs millions et même de dizaines de millions d'années. Leur impact sur le climat et l'environnement n'est plus à démontrer, d'ailleurs la plupart des trapps sont associés à des crises biologiquescrises biologiques, voire des extinctions de masse.
D’immenses épanchements de lave au fond des océans
Mais ce type d'épanchement de lave ne se restreint pas aux continents. On trouve en effet également de grands plateaux volcaniques sous-marins. Le plus emblématique d'entre eux se trouve dans le Pacifique, au large des Iles Salomon et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le plateau d'Ontong JavaJava couvre en effet près de 1,5 million de km2, soit 1 % de la surface terrestre et représente un volumevolume total d'environ 80 millions de km3 ! Il s'agit ainsi de la plus importante structure volcanique sur TerreTerre. Cette immense accumulation de basaltes s'avère être aussi vaste que l'Alaska. Et encore, le plateau d'Ontong Java n'est qu'un fragment d'un superplateau nommé Ontong Java Nui, auquel sont également affiliésaffiliés les plateaux de Manihiki et de Hikurangi.
Aujourd'hui, le plateau d'Ontong Java représente l’une des portions de croûte océanique les plus anciennes du Pacifique. Il se serait en effet formé au cours d'un événement volcanique relativement court, il y a environ 120 millions d'années. Cet épisode de volcanisme océanique majeur est ainsi supposé avoir causé une chute drastique du taux d'oxygène dans les océans. Cette asphyxieasphyxie du milieu marin, connue sous le nom d'OAE 1a, aurait engendré le dépôt de sédiments argileux noirs (signifiant une forte quantité de matièrematière organique) dans l'ensemble des océans du globe, indiquant l'ampleur du phénomène et ses conséquences majeures sur la vie océanique.
Une datation remise en question grâce aux méthodes d’analyse modernes
Cette datation à 120 millions d'années provient de l'analyse des roches rapportées par plusieurs campagnes de forage qui se sont succédé entre 1973 et 2000. Mais une nouvelle étude vient cependant remettre en question l'exactitude de cette donnée. Une équipe de scientifiques a en effet repris les échantillons datés en 1993 afin d'effectuer une nouvelle analyse à l'aide des techniques de datation les plus récentes. Et il apparaît que la grande majorité des nouveaux résultats ne coïncident pas avec ceux de 1993.
À la lumièrelumière des nouvelles techniques, bien plus précises et sûres que celles d'il y a 30 ans, il apparaît en effet que l'âge du plateau serait bien plus jeune que précédemment proposé. Ontong Java se serait ainsi formé plus de 10 millions d'années plus tard et sur une période bien plus longue que ce que l'on supposait, de 117 à 108 millions d'années.
Événement anoxique : un lien qui n’est plus si évident
Ces résultats, publiés dans Science, remettent donc en question le lien qui avait été précédemment établi entre cet épisode volcanique et l'événement anoxiqueanoxique OAE 1a, toujours daté, quant à lui, à 120 millions d'années. Pour les scientifiques, les deux événements ne pourraient donc tout simplement pas être liés, même s'il est cohérent de penser qu'une éruption comme celle d'Ontong Java ait pu provoquer un bouleversement majeur de la chimiechimie des océans.
La question est donc : quelle est l'origine de l'événement anoxique OAE 1a ? Si le rôle de l'éruption d'Ontong Java n'est plus aussi clair qu'avant, l'implication du plateau océanique n'est cependant pas à écarter totalement. Car les scientifiques font remarquer que les roches datées ne sont issues que de la partie la plus supérieure du plateau volcanique. Et il n'est pas impossible que l'histoire éruptiveéruptive débute en réalité bien plus tôt. La structure totale atteint en effet les 35 kilomètres d'épaisseur, avec les huit à neuf kilomètres supérieurs représentant la phase clairement éruptive. Or, seuls les 200 premiers mètres ont été échantillonnés. L'objectif est donc maintenant d'aller prospecter des roches plus anciennes du plateau afin de déterminer si oui ou non cet énorme plateau volcanique peut être à l'origine de ce bouleversement environnemental observé il y a 120 millions d'années.