Entre 591 et 565 millions d’années, l’intensité du champ magnétique terrestre atteignait son niveau le plus bas jamais enregistré. Si l’origine de cet affaiblissement est encore inconnue, il pourrait toutefois avoir joué un rôle majeur dans l’histoire du vivant, en favorisant notamment la diversification des organismes.


au sommaire


    On sait que le champ magnétiquechamp magnétique qui nous protège des nocives radiations cosmiques existe depuis bien longtemps. Une étude récente a d’ailleurs mis en évidence qu’il existait déjà il y a 3,7 milliards d’années et que son intensité était relativement forte. L'établissement précoce d'un champ magnétique puissant est suspecté d'avoir joué un rôle dans l'émergence de la vie. Bien plus tard, la présence de cette invisible carapace magnétique aurait également permis aux organismes primitifs de quitter la protection des océans et de s'aventurer sur la terre ferme.

    La magnétosphère de la Terre protège la planète contre les effets nocifs des vents solaires (schéma non à l'échelle). © Nasa
    La magnétosphère de la Terre protège la planète contre les effets nocifs des vents solaires (schéma non à l'échelle). © Nasa

    Des chutes inexpliquées de l’intensité du champ magnétique

    Depuis, malgré ses petites fluctuations et ses nombreuses inversions de polarité, le champ magnétique est resté globalement stable. Pourtant, il existe quelques « accidentsaccidents » dont l'origine n'est pas encore comprise, durant lesquels l'intensité du champ magnétique a diminué de façon dramatique. Les archives géologiques terrestres révèlent en effet qu'il y a environ 360 millions d'années, le champ magnétique s’est affaibli, au point de ne plus pouvoir être correctement enregistré dans les roches magmatiques produites à cette époque. Une situation exceptionnelle heureusement de courte duréedurée, qui n'aurait cependant pas menacé la vie terrestre, même si les scientifiques remarquent qu'à cette époque, les plantes commençant à coloniser le milieu terrestre auraient subi des taux anormalement élevés d'UVUV-B, des radiations habituellement bloquées par la magnétosphèremagnétosphère.

    Mais cette anomalieanomalie magnétique du Dévonien ne serait cependant pas la seule à avoir marqué l'histoire de la Terre. Bien plus tôt, il y a 591 à 565 millions d'années, le champ magnétique connaît en effet une baisse totalement inhabituelle d'intensité. Nous sommes alors à la fin du Néoprotérozoïque, et plus précisément à la période de l'Édiacarien. La vie, déjà bien installée dans les océans du Globe, n'a cependant pas encore investi les terres émergées et se présente sous la forme d’organismes très primitifs à corps mous. De prime abord, le vacillement du champ magnétique terrestre à cette époque ne semble donc pas avoir impacté cette vie relativement simple et uniquement marine, l'eau permettant de bloquer les radiations cosmiques plus intenses frappant alors la surface terrestre.

    Reconstitution de l'environnement marin durant l'Édiacarien. © Ryan Somma, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 2.0
    Reconstitution de l'environnement marin durant l'Édiacarien. © Ryan Somma, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0

    Une faiblesse du champ magnétique coïncidant avec une diversification du vivant

    Les choses auraient pu en rester là, sauf qu'en regardant à la loupe cette période de l'histoire terrestre, une équipe de chercheurs a remarqué certaines coïncidences d'événements majeurs. Les registres fossilesfossiles indiquent en effet que les organismes connaissent une importante complexification et diversification, entre 575 et 565 millions d'années. De précédentes études ont suggéré que cet épisode évolutif aurait été provoqué par une augmentation significative du taux d’oxygène dans les océans et dans l’atmosphère. Un bouleversement des conditions environnementales que l'on associe souvent à l'arrivée à saturation des puits à oxygène, qui jusqu'alors « stockaient » le dioxygène produit par les organismes photosynthétiques sous forme d'oxydes (de ferfer notamment). Lorsque l'ensemble des éléments capables d'être oxydés l'aurait été, on aurait ainsi assisté à une augmentation drastique et rapide de l'oxygène libre dans l'atmosphèreatmosphère.

    Il n'est cependant pas clair si la saturation des puits à oxygène est la seule et unique responsable de cette oxygénation sans précédent de la Terre. Et la coïncidence avec la quasi-disparition du champ magnétique à ce même moment a fait tiquer les scientifiques.

    Formation ferrifère rubanée ou fer rubané datant de 2,7 milliards d'années et résultant de l'oxydation du fer présent alors dans l'océan. Cette réaction d'oxydation aurait agi comme une pompe à oxygène. © Linda Welzenbach-Fries, <em>Rice University</em>
    Formation ferrifère rubanée ou fer rubané datant de 2,7 milliards d'années et résultant de l'oxydation du fer présent alors dans l'océan. Cette réaction d'oxydation aurait agi comme une pompe à oxygène. © Linda Welzenbach-Fries, Rice University

    Pourrait-il en effet y avoir un lien entre ces deux événements ? Oui, d'après Wentao Huang et John Tarduno de l'université de Rochester (États-Unis), principaux auteurs d'un article publié dans la revue Communications Earth and Environment.

    Une hausse de la concentration en oxygène liée à la perte d’hydrogène dans l’espace

    L'analyse de minuscules cristaux de plagioclases ayant enregistré les caractéristiques du champ magnétique durant l'Édiacarien révèle en effet que le champ magnétique a atteint sa plus faible intensité de toute l'histoire terrestre durant cette période. Environ 30 fois moins que l'intensité actuelle ! Cette situation aurait duré au moins 26 millions d'années. Or, cette quasi-absence de champ magnétique aurait pu permettre à l'hydrogènehydrogène de s'échapper dans l'espace, faisant ainsi grimper le pourcentage d'oxygène dans l'atmosphère.

    Une créature durant l'Édiacarien. © dottedyeti, Adobe Stock
    Une créature durant l'Édiacarien. © dottedyeti, Adobe Stock

    L'hydrogène est en effet un élément très léger, qui entre majoritairement dans la composition des couches les plus externes de l'atmosphère (ionosphèreionosphère). Si habituellement ces couches sont protégées de l'érosion des vents solairesvents solaires par la magnétosphère, les scientifiques montrent qu'il y a 591 à 565 millions d'années, cela n'aurait pas été le cas. Soumis à l'action « abrasive » des particules cosmiques, l'hydrogène se serait donc échappé en massemasse durant cette période, participant à l'oxygénation rapide de l'atmosphère.

    Il se pourrait donc que via ce processus d'érosion atmosphérique, la chute drastique de l'intensité du champ magnétique durant l'Édiacarien ait favorisé la diversification des organismes vivants, étape majeure dans l'histoire de la vie terrestre.