Le mystère des cratères d’explosion grêlant le paysage sibérien pourrait bien être enfin levé. Une nouvelle étude confirme qu’ils seraient causés par la libération brutale de méthane stocké en profondeur dans le permafrost. Un phénomène lié, encore une fois, au réchauffement climatique.


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    Voilà une dizaine d'années que la Sibérie est le théâtre d'un étrange phénomène. Plusieurs trous béants se sont en effet ouverts dans ce sol gelé appelé permafrostpermafrost. Leur formation a laissé les scientifiques perplexes au début. La présence d'éjectas tout autour des trous a cependant rapidement laissé penser que ces cratères étaient causés par des explosions et non par de simples affaissements.

    Mais une explosion... de quoi ? De précédentes études mettaient en cause un gazgaz, le méthane, piégé dans le sous-sol de cette région du monde. Ainsi que l'effet du réchauffement climatique. Une hypothèse confirmée par une nouvelle étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters qui en détaille le mécanisme et les conditions.

    Exemple de cratère d'explosion découvert en Sibérie. © Felton Davis, Flickr, CC by 2.0 Deed 
    Exemple de cratère d'explosion découvert en Sibérie. © Felton Davis, Flickr, CC by 2.0 Deed 

    Un contexte géologique bien particulier

    Car il faut dire que ce type de phénomène n'est toutefois pas prêt de se produire n'importe où. Comme le stipule Ana Morgado, coauteure de l'étude, « il faut des conditions très, très spécifiques pour que ce phénomène se produise ». Des conditions que présente la géologie particulière de la péninsule de Yamal où un cratère de 70 mètres de diamètre s'est formé soudainement en 2014.

    Le sous-sol de la région est en effet composé d'un permafrost argileux. Épaisse de 180 à 300 mètres, cette couche reste en permanence gelée, tout au long de l'année. En profondeur se trouve cependant une poche d'eau appelée cryopeg, maintenue à l'état liquideétat liquide grâce à la pressionpression et à sa très forte concentration en sel. Elle surmonte un niveau d'hydrates de méthane, qui consiste en un mélange gelé d'eau et de gaz. A priori, ce système est stable dans le temps. Mais le réchauffement climatique actuel perturberait les choses.

    Les cratères observés en Sibérie seraient liés à la géologie particulière du sous-sol et notamment à la présence de cryopeg, une nappe d'eau liquide très salée et d'hydrates de méthane en profondeur. © AGU, Madeline Reinsel
    Les cratères observés en Sibérie seraient liés à la géologie particulière du sous-sol et notamment à la présence de cryopeg, une nappe d'eau liquide très salée et d'hydrates de méthane en profondeur. © AGU, Madeline Reinsel

    Une chaîne de conséquences avec comme cause de départ le réchauffement climatique

    L'augmentation de la température induirait une extension de la zone active représentant la partie supérieure du permafrost qui fond et gèle de manière saisonnière. De grandes quantités d'eau de fontefonte s'infiltreraient ainsi dans le sous-sol. Par effet d'osmoseosmose, cette eau douce viendrait alors faire gonfler le cryopeg, entraînant une augmentation de la pression en profondeur. On assisterait alors au développement de fissures se propageant du cryopeg jusqu'en surface. La baisse soudaine de la pression liée à l'ouverture de ces fissures entraînerait en retour une déstabilisation des hydrates de méthane. De grandes quantités de gaz seraient alors libérées subitement, provoquant... une violente explosion !

    Les chercheurs ont déterminé qu'il fallait environ une dizaine d'années pour que les effets de l'augmentation de la température produisent ce type d'explosion. Un résultat qui correspond avec la hausse des températures enregistrée à partir des années 1980.

    Le dérèglement climatique ne faisant qu'empirer, il est à craindre que de nouvelles éruptions se reproduisent dans le futur.