Il y a 13 000 ans, la riche et prospère mégafaune du sud de la Californie connaissait un brutal coup d’arrêt. Si la cause de cette extinction est longtemps restée controversée, une nouvelle étude vient apporter de nouveaux éléments, qui mettent d’ailleurs en cause l’Homme et sa maîtrise encore trop précaire du feu.


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    Bisons, paresseux terrestres, chevaux, tigres à dents de sabre, chameaux... autant d'animaux emblématiques de la fin du Pléistocène qui peuplaient les vastes espaces du sud de la Californie. Aujourd'hui, ce paysage sauvage est noyé sous le bitumebitume de la ville de Los Angeles. Mais au cœur même de la ville, au 5801 Wilshire Boulevard exactement, se trouve encore une archive préservée de cette mégafaune de l'ouest américain. C'est là en effet que se situe un étonnant gisement de fossiles nommé La Brea Tar Pits. Un gisement qui présente une particularité. Il suffit d'ailleurs d'observer attentivement le lac qui occupe le site pour s'en rendre compte. Car ce n'est pas de l'eau limpide qui clapote ici, mais plutôt une boue visqueuse sur laquelle on peut voir éclater quelques bulles sombres.

    Un lac d’asphalte riche en fossiles qui témoignent d’une étrange extinction il y a 13 000 ans

    Ce lac d’asphalte liquide est connu depuis bien longtemps et outre son intérêt pour ses ressources pétrolières, le site est d'une importance majeure pour les paléontologuespaléontologues. Car cette source d'asphalte existait déjà il y a 15 000 ans. Nous sommes alors à la fin du Pléistocène, dans la dernière partie d'une période glaciairepériode glaciaire et la région est largement arpentée par de nombreux mammifèresmammifères, la plupart de grande taille. Des animaux qui, en quête d'eau, se sont retrouvés piégés dans ces mares gluantes. Pour le plus grand bonheur des scientifiques, l’asphalte a ensuite fossilisé leurs restes, les préservant jusqu'à nos jours. Le site de La Brea représente donc un excellent témoignage de cette période de la glaciation du Wisconsin et permet de reconstruire la faunefaune et la flore qui vivaient à l'époque.

    Reconstitution de la scène d'un mammouth piégé dans une mare de bitume sur le site de La Brea. © Buchanan-Hermit,<em> Wikimedia Commons, </em>domaine public
    Reconstitution de la scène d'un mammouth piégé dans une mare de bitume sur le site de La Brea. © Buchanan-Hermit, Wikimedia Commons, domaine public

    Une mégafaune plutôt riche et bien établie qui s'est cependant brutalement éteinte il y a 13 000 ans. Pourquoi ?

    Un environnement chaud et sec propice aux incendies

    Jusqu'à présent, les scientifiques pointaient du doigt deux causes possibles : l'Homme et le changement climatique. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Science, vient lier les deux en apportant un y apportant un trait d'union : le feufeu. Cette nouvelle hypothèse résulte justement de l'analyse des fossilesfossiles retrouvés sur le site de La Brea. Elle porte d’ailleurs une étonnante résonance avec la situation actuelle. Car pour les chercheurs, ces grands mammifères du dernier âge glaciaire se seraient éteints brusquement en raison d'un réchauffement climatiqueréchauffement climatique et du début de l'utilisation du feu par les communautés humaines peuplant la région.

    C'est en datant les ossements retrouvés sur le site de La Brea que les chercheurs se sont rendu compte d'une brutale chute de la biodiversitébiodiversité il y a 13 000 ans. Alors que la période précédente est marquée par la présence de nombreuses espècesespèces différentes, parmi lesquels bisons et tigres à dents de sabre, la période suivante n'est représentée que par la présence d'ossements de coyotescoyotes. Pour comprendre ce qui s'est réellement passé, les chercheurs sont allés échantillonner le fond d'un autre lac, composé d'eau douceeau douce cette fois. Et l'analyse des sédimentssédiments a permis de révéler en détail la succession des événements.

    L’Homme responsable de dramatiques feux de forêts

    L'analyse des pollenspollens et de la nature des sédiments indique qu'il y a 14 000 ans, le climatclimat mondial était plutôt chaud et sec. Dans le sud de la Californie, les températures se sont ainsi élevées en quelques milliers d'années de 5,6 °C. La végétation asséchée serait ainsi devenue plus sensible aux feux de forêts. Jusque-là, rien de « trop » dramatique. Mais c'était sans compter sur l'arrivée d'un nouvel acteur : l'Homme. Les sédiments du lacs indiquent une augmentation très importante des dépôts de charboncharbon il y a 13 200 ans, indiquant une augmentation sans précédent d'incendies visiblement ravageurs. Une situation qui a perduré pendant plusieurs centaines d'années. Cette date corrèle étonnamment bien avec l'arrivée dans la région des premières communautés humaines, dont la maîtrise du feu n'était alors que rudimentaire. Or, jouer avec le feu dans un environnement d'herbes sèches peut mener à des désastres, on en sait quelque chose aujourd'hui encore ! Sauf qu'à l'époque, nos ancêtres ne disposaient d'aucun moyen d'éteindre un incendie.

    Évolution de l'environnement du sud de la Californie au cours du temps. La disparition de la mégafaune il y a 13 000 ans semble liée à de dramatiques incendies. © O'Keefe et al. 2023, <em>Science</em>
    Évolution de l'environnement du sud de la Californie au cours du temps. La disparition de la mégafaune il y a 13 000 ans semble liée à de dramatiques incendies. © O'Keefe et al. 2023, Science

    Les feux auraient ainsi ravagé la région, détruisant les habitats de nombreuses espèces et menant à l'extinction de la plupart des grands mammifères de l'époque.

    Les auteurs soulignent le fait qu'il n'aura fallu que 200 ans aux Hommes pour transformer radicalement le paysage du sud de la Californie et pour remettre à 0 les compteurs de l'écosystèmeécosystème local. Quelque 13 000 ans plus tard, il semble que nous soyons en train de rejouer le même scénario.