Après avoir présenté l’hypothèse d’une origine de la vie au niveau des sources hydrothermales dans notre précédent épisode, place ici aux théories alternatives. Alternatives ? Peut-être faudrait-il dire « complémentaires ». Car le chemin qui a mené à l’origine du vivant pourrait ne pas être unique.


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    Dans le précédent épisode sur les origines de la vie, nous terminions sur cette idée : celle que la vie est apparue au niveau des sources hydrothermales n'est finalement qu'une hypothèse parmi d'autres. C'est d'ailleurs l'une des plus récentes. Car la découverte de ces oasis situées au fond des océans ne date que des années 1970. Auparavant, l'une des hypothèses favorites reposait sur les théories d'Aleksandr Oparine et de John Haldane, qui proposaient que les briques élémentaires du vivant auraient pu se former au sein de l'atmosphère primitive de la Terre. Là, l'énergieénergie apportée par les rayons UVUV du SoleilSoleil ou les éclairs aurait permis de faire réagir entre elles certaines moléculesmolécules présentes comme le méthane, le dioxyde de carbone ou encore l'ammoniaqueammoniaque. Les molécules organiques formées, plus grosses et plus complexes, auraient alors rejoint les océans. C'est au sein de cette « soupe primitive » que se seraient ensuite formées les premières cellules. Cette hypothèse a d'ailleurs été testée en 1953 lors de la célèbre expérience de Millerexpérience de Miller.

    Expérience de Miller-Urey (1953) visant à démontrer les processus physico-chimiques à l'origine des briques de base du vivant à partir de l’atmosphère et de la surface des océans. © GYassineMrabet, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Expérience de Miller-Urey (1953) visant à démontrer les processus physico-chimiques à l'origine des briques de base du vivant à partir de l’atmosphère et de la surface des océans. © GYassineMrabet, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    La soupe primitive : une véritable révolution scientifique et philosophique

    Aujourd'hui, cette hypothèse de la soupe primitive est reléguée au second plan face aux sources hydrothermales, dont l'environnement semble encore plus favorable, grâce, notamment, à la possibilité d'y effectuer des réactions d'oxydo-réductions et par la présence de nombreux catalyseurscatalyseurs possibles. On connaît également mieux la composition de l’atmosphère primitive, qui semble avoir été principalement composée de dioxyde de carbone, et non de méthane. Dans ce nouveau contexte, les réactions proposées par Oparine et Haldane ne sont donc plus valables.

    L'idée de la soupe primitive aura cependant eu un impact retentissant en science, en formulant clairement l'idée que la vie aurait émergé de la matièrematière inerte, ici, sur Terre. Philosophiquement, il s'agit d'une idée très puissante. On sort ainsi du cadre limité qu'imposait alors l'idée que seule la vie peut engendrer la vie. À la fin du XIXe siècle, l'épineuse question de l'origine du vivant était ainsi souvent expliquée par l'idée que la vie serait venue du CosmosCosmos, la Terre ayant été « ensemencée » par des micro-organismesmicro-organismes présents sur des météoritesmétéorites ou comètescomètes ayant percuté la jeune Terre.

    Surface ou profondeur : et si les deux étaient possibles ?

    Il n'empêche, l'idée que la vie ait pu apparaître en surface et non en profondeur dans les océans revient régulièrement dans certaines études. Certains environnements de surface, notamment les lacs volcaniques riches en nombreux composés organiques et soumis à un apport de chaleurchaleur constant, pourraient également avoir été le lieu des réactions biologiques primordiales. Plusieurs études ont d'ailleurs montré que des molécules complexes de type ARNARN pouvaient se former sur certaines surfaces minérales, notamment le verre volcanique.

    La vie aurait-elle pu apparaître en surface, dans des lacs volcaniques chauds comme celui du Grand Prismatic Spring à Yellowstone ? © Carsten Steger, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    La vie aurait-elle pu apparaître en surface, dans des lacs volcaniques chauds comme celui du Grand Prismatic Spring à Yellowstone ? © Carsten Steger, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Certains systèmes volcaniques pouvant être actifs et pérennes sur de très longues périodes de temps, l'idée d'une émergenceémergence de la vie en surface ne peut donc pas être écartée à l'heure actuelle. On remarquera d'ailleurs que les deux hypothèses, en profondeur et en surface, ne sont pas incompatibles. Et si la vie avait trouvé son chemin dans de multiples environnements sur la Terre primitive ? Voilà une hypothèse qui est totalement possible.

    Et si l’on regardait du côté de l’espace ?

    De même, l'idée que la vie aurait une origine extraterrestre n'a pas disparu, loin de là. Modernisée, elle se présente désormais sous le nom de « panspermie ». Un temps occultée par les expériences de Miller puis la découverte des sources hydrothermales, elle a repris du poil de la bête suite à la découverte, dans certaines météorites appelées chondriteschondrites carbonées, de briques élémentaires du vivant. Si une contaminationcontamination terrestre a longtemps été invoquée pour expliquer cette observation, il a été prouvé que certains de ces corps extraterrestres sont bien arrivés sur Terre avec un « bagage » d'acides aminésacides aminés. Depuis, de nombreuses autres analyses ont montré que l'espace n'est pas aussi vierge qu'on le pensait et qu'au contraire, on trouve des molécules organiques un peu partout, notamment dans les comètes. Des acides aminés simples comme la glycine ont été détectés notamment dans la queue de la comète Tchouri.

    Les briques de base du vivant ont-elles été apportées sur Terre par des comètes, à l'image de celle de Tchouri sur laquelle des acides aminés ont été détectés ? © ESA
    Les briques de base du vivant ont-elles été apportées sur Terre par des comètes, à l'image de celle de Tchouri sur laquelle des acides aminés ont été détectés ? © ESA

    Les comètes comme vecteur de la vie entre les mondes ?

    Il est évident que ces composés organiques sont issus de réactions chimiquesréactions chimiques s'étant peut-être jouées au tout début de la formation du Système solaireSystème solaire. Le processus est, en effet, toujours le même. La zone externe de la nébuleusenébuleuse proto-solaire était riche en éléments volatils : H2O, mais également CO, CO2, CH4, NH3, CH3O... Autant d'éléments carbonés qui, une fois irradiés par les rayons UV et cosmiques, ont pu créer à la surface des corps glacés que sont les comètes, des molécules plus complexes, comme les acides aminés. Sachant que d'innombrables comètes et météorites ont fini leur course dans les océans de la Terre primitive, est-il possible que ces molécules organiques aient progressivement ensemencé la Terre, initiant une chimiechimie prébiotiqueprébiotique dans des zones aux conditions favorables ? Encore une fois, rien n'est exclu. Il est même possible que toutes ces hypothèses aient chacune concouru à faire apparaître la vie sur Terre.

    Vue d’artiste d’une jeune étoile entourée par un disque protoplanétaire dans lequel des planètes sont en train de se former. © ESO, L. Calçada
    Vue d’artiste d’une jeune étoile entourée par un disque protoplanétaire dans lequel des planètes sont en train de se former. © ESO, L. Calçada

    Des origines potentiellement multiples qui renforcent la probabilité d’une vie extraterrestre

    Quel que soit le scénario exact de l'origine de la vie, il apparaît une chose : la vie est un phénomène spontané, rapide et plutôt facile à réaliser du moment que les conditions physico-chimiques sont réunies. La vie n'est pas due au hasard. Et cela a de très fortes implications pour l'existence de vies extraterrestres. On ne parle pas ici de vie intelligente, mais de l'existence d'organismes simples, comme des bactériesbactéries. Il ne faut pas oublier que si la vie est apparue sur Terre il y a 4 milliards d'années environ, elle est restée sous une forme unicellulaire pendant... 3 milliards d'années !

    L'étude des réactions à l'origine du vivant nous montre donc que les environnements présentant des conditions propices sont certainement nombreux dans l'UniversUnivers, et notamment au sein de notre propre Système solaire. Ainsi, les satellites glacés comme Europe et Encelade pourraient très probablement abriter une vie primitive dans leurs océans sous-glaciaires. Trouver cette vie extraterrestre serait une opportunité unique de la comparer à la nôtre et nous apporterait de très nombreuses réponses sur nos propres origines.

    Sur la base de nos connaissances actuelles, il n'est pas impossible que des lunes glacées, comme Encelade, abritent une vie très primitive. © Osiris, Adobe Stock
    Sur la base de nos connaissances actuelles, il n'est pas impossible que des lunes glacées, comme Encelade, abritent une vie très primitive. © Osiris, Adobe Stock

    La question est en tout cas suffisamment passionnante pour que cela vaille le coup d'aller voir !