L’emblématique sommet des Alpes, le mont Blanc, culmine actuellement à plus de 4.800 mètres d’altitude. Mais cela ne fut pas toujours le cas. Les roches sédimentaires qui le composent nous apprennent qu’avant la formation de la chaîne de montagnes, le mont Blanc était une plage.


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    La formation des Alpes résulte de la convergence de deux plaques tectoniques : la plaque adriatique et la plaque européenne. Mais avant l'étape cruciale de la collision entre ces deux massesmasses continentales, l'actuelle région des Alpes était occupée par un petit océan, nommé océan de la TéthysTéthys alpine. Ce passé géologique est enregistré dans les roches formant aujourd'hui la chaîne de montagnes. Une partie de ces roches sont ce que l'on appelle des ophiolites.

    Composées de basaltes, de gabbros et de péridotites serpentinisées, elles témoignent de la présence de cet ancien océan disparu durant les étapes de convergence et de collision initiées à la fin du CrétacéCrétacé. Au-delà de l'existence de cet océan, les roches composant les Alpes nous en apprennent beaucoup sur les étapes tectoniques antérieures, et notamment sur les mécanismes associés à la rupture continentale et à l'ouverture de la Téthys alpine. Le mont Blanc représente d'ailleurs un site majeur pour comprendre cette période de l'histoire tectonique de la région.

    Géologie du mont Blanc

    Le massif du mont Blanc est composé de nombreuses unités géologiques différentes. Parmi elles, l'unité des GrèsGrès Singuliers a depuis longtemps intrigué les géologuesgéologues alpins. Mentionnés depuis 1779 dans les écrits scientifiques concernant les Alpes, ces grès ont longtemps été considérés comme une anomalieanomalie. Les géologues avaient alors du mal à expliquer la présence, très localisée, de ces sédimentssédiments siliciclastiques d'âge jurassiquejurassique, c'est-à-dire datant de la phase d'ouverture océanique pré-alpine.

    Photo des formations des Grès Singuliers au niveau du col du Bonhomme. © extrait de <em>GEOL-ALP,</em> par Maurice Gidon, http://www.geol-alp.com
    Photo des formations des Grès Singuliers au niveau du col du Bonhomme. © extrait de GEOL-ALP, par Maurice Gidon, http://www.geol-alp.com

    Le mont Blanc ainsi que les Aiguilles Rouges sont des massifs dits cristallins. Ils sont composés principalement de roches très anciennes du socle continental. Les granitesgranites du mont Blanc ont ainsi été datés à -306 millions d'années, un âge bien antérieur à l'ouverture de l'océan de la Téthys alpine (environ 170 millions d'années) ainsi qu’au début de la collision continentale (il y a 30 millions d'années). L'une des particularités du massif du mont Blanc est l'absence, ou du moins la présence très réduite, de sédiments Triassic marquant la période précédant l'ouverture océanique.

    L'absence de ces sédiments peut être expliquée par différentes hypothèses : soit par le fait qu'il n'y ait tout simplement pas eu de dépôt, soit parce qu'ils ont été entièrement érodés, soit parce qu'ils ont été rabotés par les processus tectoniques. Chacune de ces hypothèses a des implications fortes et mènent à des modèles d'évolution très différents.

    Le mont Blanc, témoin de la phase de rifting et de l’ouverture océanique

    Le début du rifting et de l'ouverture océanique sont marqués dans la région du mont Blanc par le développement de nombreuses faillesfailles normales menant à la formation de petits bassins, qui ont été relativement bien préservés (par exemple dans le Bourg d'Oisans). Cette phase d'amincissement de la croûtecroûte précédant la rupture continentale est associée aux dépôts de sédiments siliciclastiques, principalement des grès. Ces sédiments sont issus de l'érosion des granites formant le socle continental.

    Ces particules sédimentaires sont typiquement celles que l’on retrouve au fond des rivières ou sur les plages. Cette étape tectonique a été suivie par un amincissement drastique de la croûte continentalecroûte continentale, menant à sa déchirure complète et à la formation d'un océan, celui de la Téthys alpine. Le mont Blanc se situe au niveau d'une zone charnière qui marque la transition entre un domaine faiblement aminci durant le processus de rifting et un domaine hyper-étiré dans lequel va finir par se mettre en place la nouvelle dorsale océaniquedorsale océanique. La présence des Grès Singuliers dans cette position critique suggère que cette unité sédimentaire pourrait apporter des informations précieuses sur l'évolution tectonique du rifting.

    Lieu de l’étude, les Grès Singuliers sont localisés dans la zone à gauche, sous le pylône électrique. Le sommet du mont Blanc est visible à droite. © extrait de <em>GEOL-ALP</em>, par Maurice Gidon, http://www.geol-alp.com
    Lieu de l’étude, les Grès Singuliers sont localisés dans la zone à gauche, sous le pylône électrique. Le sommet du mont Blanc est visible à droite. © extrait de GEOL-ALP, par Maurice Gidon, http://www.geol-alp.com

    Le mont Blanc : un dôme recouvert de sable sous les eaux

    En se basant sur un méticuleux travail de terrain, Charlotte Ribes et ses collègues proposent une révision de l'évolution tectono-sédimentaire du massif du mont Blanc durant la phase de rifting. L'étude a été publiée dans la revue International Journal of Earth Sciences.

    Les résultats montrent que des structures précédemment interprétées comme des failles inverses liées à la formation des Alpes pourraient plutôt correspondre à un système de failles extensives bien plus ancien, lié à l’amincissement de la croûte continentale durant la phase de rifting. Ces failles affectant la structure du mont Blanc seraient ce que l'on appelle des failles de détachement, capables d'exhumer des roches normalement enfouies profondément dans la croûte. Ce type de faille est bien connu et largement étudié dans les marges actuelles, dans d'autres parties des Alpes ou au niveau des dorsales océaniques.

    La région du mont Blanc devait donc ressembler à un environnement côtier actuel caractérisé par des dépôts sableux

    Cependant, c'est la première fois qu'il est proposé pour expliquer l'évolution tectonique du massif du mont Blanc. Les Grès Singuliers se seraient déposés directement dessus cette surface faillée et seraient composés des débris produits par le jeu de cette grande faille de détachement.

    D'autres éléments suggèrent que le dépôt des grès s'est fait dans un environnement marin très peu profond. Le mont Blanc aurait donc été à ce moment-là un haut topographique, une sorte de dôme créé par le processus d'exhumation des failles de détachement, faiblement immergé par la mer et soumis à l'action des vaguesvagues et des maréesmarées. La région du mont Blanc devait donc ressembler à un environnement côtier actuel caractérisé par des dépôts sableux.

    La forme actuelle en dôme du mont Blanc serait donc héritée de cette phase tectonique antérieure à la formation des Alpes. Des architectures très similaires sont observées au niveau, par exemple, de la marge australienne, qui résulte de l'ouverture et de la séparationséparation des continents australien et antarctiqueantarctique.

     

    Chaussez vos crampons, nous partons dans les Alpes et les Dolomites

    Les verticales Trois cimes, symbole des DolomitesLes Dolomites : le mont Paterno, un lieu chargé d’histoireAu pied du glacier de la Grande Casse en SavoieLe glacier de la Marmolada, le plus haut sommet des DolomitesLe lac Noir et le massif de la Lauzière, en SavoieLe col des Prés dans le massif des BaugesCoucher de soleil sur le Col du GalibierLe plateau d’Emparis, dans les Hautes-AlpesLe lac du Crozet et son histoire dans le massif de BelledonneLe Roc d'Enfer dans le Massif du Chablais en Haute-Savoie
    Les verticales Trois cimes, symbole des Dolomites

    Culminant à 2.999 m d'altitude, entre la Vénétie et le Sud-Tyrol, les Trois Cimes (Tre Cime di Lavaredo) sont le symbole des Dolomites. Ces « montagnes pâles » comme elles étaient appelées avant que le géologuegéologue français du XVIIIe siècle, Déodat Gratet de Dolomieu, ne les étudie, prennent naissance sur un socle élevé à environ 2.300 m. Elles se dressent curieusement comme des menhirs tombés du ciel, fichés dans le socle montagneux de dolomiedolomie. La première ascension de la Grande Cime a été réalisée, en 1869, par Paul Grohmann, Franz Innerkofler et Peter Salcher.

    Il est possible d'admirer toutes les faces de ce triptyque et d'en faire le tour en empruntant des itinéraires balisés. Une soixantaine de via ferrata (voies aménagées avec des câbles et des barreaux sur les parois rocheuses) ont été répertoriées dans les Dolomites, certaines existent depuis le XIXe siècle. La via ferrata De Luca-Innerkofler est la plus empruntée, relativement facile au départ du refuge de Locatelli, avec possibilité d'enchaîner vers l'est avec le Sentier des brèches.

    De nombreux parcours sont praticables avec des guides de haute montagne, y compris pour les personnes à mobilité réduite. © Pierre Thiaville, tous droits réservés