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Lorsque l'on parle des preuves de la théorie de la dérive des continents ou de sa forme moderne, la théorie de la tectonique des plaques, on pense tout de suite aux mesures et observations issues de l'étude du paléomagnétisme et de la sismologie. On oublie pourtant que d'autres géosciences et observations ont joué un rôle important dans la découverte et le développement de la théorie de la tectonique des plaques. Il y a eu notamment les mesures concernant la gravimétriegravimétrie et l'étude du flux de chaleurchaleur, sans oublier l'exploration par Haroun Tazieff et ses collègues de la fameuse dépression de l’Afar qui n'est rien de moins qu'un rift océanique à l'airair libre au fond d'une portion de la mer Rouge exondée.
Parmi les mesures de flux de chaleur, on peut citer celles effectuées grâce à Edward Bullard au fond des océans. Le chercheur était un des géants de la géophysique marine au XXe siècle et il est célèbre aussi bien pour avoir été un des premiers à reconstituer la dérive des continents sur ordinateurordinateur que pour avoir proposé la fameuse théorie de la dynamo auto-excitatrice permettant de rendre compte du champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre. Edward Bullard avait montré que le flux de chaleur est plus élevé au niveau des dorsales océaniquesdorsales océaniques que sur les continents et plus faible au niveau des fosses marines. Cela s'accordera bien avec l'idée de l'existence de courants de convectionconvection chauds dans le manteaumanteau, remontant au niveau des dorsales et des courants devenus froids, plongeant au niveau des fosses océaniquesfosses océaniques, là où se produit de la subductionsubduction des plaques tectoniquesplaques tectoniques. Des courants qui entrainent les plaques comme si elles étaient des tapis roulantstapis roulants.
Sir Edward Crisp Bullard (1907-1980) était un géophysicien britannique, l'un des plus importants de son temps. © Master and Fellows of St John’s College, Cambridge
Les chercheurs en géosciences modernes continuent de faire des mesures de flux géothermiques pour percer les secrets de notre planète et mieux comprendre la dérive des continents et leur histoire. Nous en avons un nouvel exemple avec un article publié dans Geophysical Research Letters paper par une équipe internationale de géophysiciens et planétologues.
La résolution de problèmes inverses, une clé de la géophysique
Les mesures de flux de chaleur concernent en l'occurrence le Groenland, ce qui ne manquera pas de surprendre étant donné que plus de 80 % de sa surface est couverte d'un inlandsisinlandsis où la glace a une épaisseur pouvant atteindre les trois kilomètres environ. Mais les géophysiciens sont malins et ils disposent d'un arsenal mathématique et physiquephysique pour résoudre ce que l'on appelle un problème inverse. Ce type de problème est bien connu en physique mathématique et la meilleure illustration que l'on peut en donner, c'est qu'il peut consister à retrouver la forme et la composition d'un instrument de musique en détail en fonction de la musique que l'on joue avec lui.
Dans le cas présent, les chercheurs sont partis des mesures du champ magnétique et du champ de gravitégravité au-dessus du Groenland. Un flux de chaleur anormalement élevé sous et à l'intérieur d'une croûtecroûte va faire se dilater les roches, et parfois les chauffer tellement que les minérauxminéraux magnétiques qu'elles peuvent contenir vont passer au-dessus de leur point de Curie et donc cesser de devenir spontanément aimantées. On peut donc remonter au flux de chaleur et à la distribution de température sous le Groenland en mesurant des anomaliesanomalies dans le champ de gravité et dans le champ magnétique.
La dérive des continents et le point chaud de l'Islande. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Goddard
Surprise ! Une bande plus chaude au sud et plus froide au nord, bien que globalement plus chaude que le reste du Groenland, apparaît nettement dans la carte du flux de chaleur dressée par les géophysiciens (voir la vidéo ci-dessus). Cette bande s'interprète aisément dans le cadre de la théorie de la tectonique des plaques comme étant le vestige d'un passage au cours des derniers 100 millions d'années environ du Groenland au-dessus du point chaudpoint chaud occupant actuellement l'Islande et qui par définition, comme pour Hawaï et une vingtaine d'autres régions volcaniquement actives sur TerreTerre, reste relativement fixe alors que les plaques se déplacent. Ces points chauds sont des panaches de matièrematière particulièrement chaude remontant des profondeurs du manteau inférieur, pense-t-on.
La technique utilisée est certainement transposable à d'autres régions du globe et même à d'autres planètes dans le Système solaireSystème solaire, par exemple à Mars où l'existence d'une possible tectonique des plaques anciennes se pose.
Ce qu’il faut
retenir
- Les géophysiciens sont des adeptes de la résolution de ce que l'on appelle des problèmes inverses en physique mathématique, c'est-à-dire déterminer la structure de la source d'un signal (ondes sismiques, champ magnétique, gravité, flux de chaleur, etc.) à partir de la forme de ce signal.
- En étudiant le champ magnétique et le champ de gravité au-dessus du Groenland, ils en ont déduit le flux de chaleur sous son inlandsis.
- Les anomalies découvertes s'expliquent bien par le chauffage des roches formant une bande, vestige de la dérive du Groenland au-dessus du point chaud de l'Islande.