au sommaire
On trouve dans la région d'Oman, au Moyen-Orient, les plus belles ophiolites du monde. Il s'agit d'un ensemble de roches charriées sur le continent par un phénomène d'obduction causé par les mouvementsmouvements des plaques tectoniques. C'est ainsi qu'une portion de la lithosphère océanique se retrouve à portée de main des géologuesgéologues. Plus besoin alors des sous-marins de poche ni des techniques de la sismique réfractionréfraction pour sonder et explorer le plancherplancher océanique basaltiquebasaltique. Comme Adolphe Nicolas le décrit admirablement dans son livre Des montagnes sous la mer, l'examen des ophiolites éclaire les mécanismes à l'œuvre dans les dorsales océaniques, là où naissent les plaques océaniques.
Il y a des années, en étudiant les ophiolites d'Oman, des chercheurs en géosciences ont découvert que les péridotites, des roches abondantes dans les massifs ophiolitiques, étaient capables d'absorber fortement, et surtout rapidement, le gaz carboniquegaz carbonique pour former des roches carbonatéesroches carbonatées. Ces péridotitespéridotites sont l'une des composantes majeures du manteaumanteau de la TerreTerre et elles sont essentiellement constituées d'olivineolivine, de pyroxènepyroxène et d'amphiboleamphibole.
Les géologues savaient depuis longtemps qu'exposées à l'airair, les péridotites pouvaient réagir rapidement avec le CO2 pour donner lieu à la formation de marbresmarbres et de calcairescalcaires. Cependant, dans le cas des ophiolites d'Oman, les roches carbonatées produites selon ces réactions semblaient s'être mises en place en 96 millions d'années.
Par endroits, à la surface des ophiolites d'Oman, on trouve ces roches carbonatées produites par la réaction des péridotites avec le gaz carbonique atmosphérique. © The Trustees of Columbia University in the City of New York, Lamont -Doherty Earth Observatory
Des dizaines de milliers de tonnes de carbone piégées par an
Grâce aux techniques de datations isotopiques basées sur le carbonecarbone, les chercheurs ont pu montrer que les veines riches en roches carbonatées, formées dans une région de la taille du Massachusetts, sous la surface des péridotites d'Oman ayant elles-mêmes réagi avec le gaz carbonique atmosphérique, étaient âgées de 26.000 ans seulement en moyenne !
Stockant environ dix fois plus de carbone que dans les roches de surface, ces veines absorberaient le gaz carbonique dissous dans les eaux d'infiltration avec un taux très élevé. Près de 10.000 à 100.000 tonnes de carbone par an seraient ainsi soustraites à l'atmosphèreatmosphère terrestre. Cette découverte confirmait donc que l'érosion des roches à grande échelle pouvait contribuer de façon significative à des modifications climatiques en faisant baisser la quantité de CO2 dans l'atmosphère.
En surface, certaines des veines de roches carbonatées (blanche) sont bien visibles. © The Trustees of Columbia University in the City of New York, Lamont -Doherty Earth Observatory
On vient d'en avoir une nouvelle preuve si l'on en croit une étude publiée dans le journal Pnas. Un groupe de chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) et de l'université d'Harvard a en effet modélisé les processus géochimiques activés il y a respectivement 80 et 50 millions d'années, quand la plaque africaine puis la plaque indienne sont entrées en collision avec l'Eurasie. La dérive des continents a alors conduit à la fermeture, et donc à la disparition, de la Néotéthys, un paléo-océan qui s'était ouvert à travers la PangéePangée d'est en ouest, du PermienPermien supérieur au JurassiqueJurassique moyen, séparant les continents GondwanaGondwana au sud et Laurasia au nord.
Des roches océaniques se sont retrouvées en surface
Dans les deux cas, des roches ignéesroches ignées du fond des océans se sont retrouvées en surface sur les continents. C'est pourquoi on peut les retrouver notamment à haute altitude dans le massif de l'Himalaya. Ces roches ont donc été exposées à l'action du climatclimat. Ce dernier correspondait à celui de la zone de convergencezone de convergence intertropicale (ZCIT), également connue sous le nom de zone intertropicale de convergence (ZIC), une ceinture de seulement quelques centaines de kilomètres du nord au sud avec de basses pressionspressions entourant la Terre près de l'équateuréquateur. Cette zone est formée par la convergence des masses d'airmasses d'air chaudes et humides anticycloniques provenant des tropiquestropiques et portées par les alizésalizés. L'équivalent des ophiolites d'Oman s'est par conséquent retrouvé fréquemment sous des pluies diluviennes et chaudes, ce qui a conduit à la formation active de carbonates. Un important puits de carbonepuits de carbone est donc né à chaque fois, et particulièrement il y a 50 millions d'années.
Les chercheurs ont estimé par le calcul l'amplitude du phénomène. Ils ont non seulement trouvé que d'importantes quantités de CO2 ont bien dû être séquestrées à ce moment-là mais aussi que la diminution de l'effet de serreeffet de serre qui en a résulté expliquerait bien la chute des températures dans les océans que l'on peut lire dans les archives de la Terre de ces époques. Les deux collisions continentales, surtout la dernière, auraient même provoqué un refroidissement du climat de la Terre qui dure depuis et qui aurait permis de faciliter l'apparition des glaciationsglaciations au quaternairequaternaire. C'est également ce refroidissement qui aurait, en plus de sa dérive vers le pôle Sud, facilité l'apparition d'une couverture glaciaire pour l'Antarctique.
Un processus similaire a lieu aujourd'hui sous nos yeuxyeux, mais à une plus petite échelle. La même activité tectonique qui a déplacé le continent Gondwana vers le nord il y a plus de 100 millions d'années pousse la plaque australienne en direction de l'île de JavaJava, sur laquelle des matériaux basaltiques s'empilent.