À l’aube de la sixième extinction, des scientifiques cherchent à savoir en combien de temps la biodiversité s’est effondrée, puis régénérée par le passé, en analysant les gastéropodes d’eau douce en Europe. Leurs résultats fournissent une preuve supplémentaire qu'une action immédiate est nécessaire pour protéger la biodiversité.


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    La crise de la biodiversité actuelle, souvent appelée la sixième extinction de masse, est l'un des défis critiques auxquels nous sommes confrontés au XXIe siècle. Elle ressemble à plusieurs égards à la cinquième extinction de masse, datant d'il y a 66 millions d'années et qui a mis fin au Crétacé. Cette dernière aurait éradiqué environ 76 % des espèces de la planète, y compris des groupes d'animaux tels que les dinosaures.

    Mais aujourd'hui, pas d'astéroïde en vue. De nombreuses espèces sont menacées à cause des impacts humains directs ou indirects : changement climatiquechangement climatique, pollution, surexploitation des terres et destruction de l'environnement, entre autres. En 2020, un rapport de Planète vivante avait estimé que les activités humaines étaient responsables en majeure partie du déclin de 68 % des populations de vertébrésvertébrés, en moins d'un demi-siècle.

    L’indice Planète vivante mondial : de 1970 à 2016. L’abondance moyenne de 20.811 populations représentant 4.392 espèces suivies dans le monde a diminué de 68 %. La ligne blanche indique les valeurs de l’indice, et les zones colorées l’intervalle de confiance entourant la tendance (écart : de -73 % à -62 %). © WWF/ZSL (2020)
    L’indice Planète vivante mondial : de 1970 à 2016. L’abondance moyenne de 20.811 populations représentant 4.392 espèces suivies dans le monde a diminué de 68 %. La ligne blanche indique les valeurs de l’indice, et les zones colorées l’intervalle de confiance entourant la tendance (écart : de -73 % à -62 %). © WWF/ZSL (2020)

    Un rythme d'extinction effréné

    Une autre étude publiée en 2014 avait quant à elle estimé que les taux d'extinction des espèces actuelles sont 1.000 fois plus élevés que les anciens taux d'extinction dite naturelle, couvrant la période de 60 millions d'années, avant l'apparition de l'humanité. Bien sûr, toutes les espèces s'éteignent un jour. Mais ce phénomène se produit généralement à un rythme relativement lent. Or, ces 150 dernières années, la vitessevitesse d'extinction de la biodiversité a considérablement augmenté.

    Voir aussi

    Extinctions de masse : les leçons du passé

    D'autre part, si cette déstabilisation dépasse un seuil critique, le temps nécessaire pour rétablir cette biodiversité pourrait être très long. Une nouvelle étude publiée dans la revue Communication earth & environment tente justement d'estimer ce temps de récupération, en analysant des gastéropodesgastéropodes ! Pourquoi ? Ils font aujourd'hui partie des groupes d'animaux les plus diversifiés dans les écosystèmesécosystèmes d'eau douceeau douce, parmi les plus menacés au monde et possèdent un registre de fossilesfossiles très bien préservés.

    Comment évaluer le rythme d'extinction et de rétablissement de la biodiversité ?

    Pour étudier le rythme de l'extinction actuelle et prédire le temps de récupération nécessaire, une équipe internationale de biologistes évolutionnistes, de paléontologuespaléontologues, de géologuesgéologues et de modélisateurs, dirigée par l'Université de Giessen, a dû estimer le taux de déclin de la biodiversité ainsi que le temps de récupération, pendant la cinquième extinction de masse, afin de comparer ces estimations passées aux prévisions futures.

    En se concentrant sur les écosystèmes d'eau douce, l'équipe de recherche a donc compilé plus de 3.000 espèces de gastéropodes fossiles et vivants en Europe, couvrant la période des 200 derniers millions d'années. L'objectif : évaluer la perte de biodiversité des gastéropodes d'eau douce dans un avenir proche, plus précisément dans le cadre du scénario « Business as Usual » (BAU). Ce scénario futur - considéré comme le pire - prévoit notamment un réchauffement global de plus de 3 °C en 2100. À noter, cependant, que ce dernier doit être interprété avec précaution, car il comporte de nombreuses limites et incertitudes.

    Des millions d'années de rétablissement

    Les chercheurs ont finalement estimé que la diversité des espèces de gastéropodes d'eau douce en Europe a diminué de 92,5 % en moyenne à la fin du Crétacé. Par ailleurs, la phase d'extinction aurait duré 5,4 millions d'années, suivie d'une période de rétablissement de 6,9 ​​millions d'années. Ces gastéropodes s'alignent donc avec les principaux groupes d'animaux et de plantes terrestres et marins qui ont connu un fort déclin ou ont complètement disparu comme les dinosauresdinosaures

    Diversité des gastéropodes d'eau douce en Europe à travers le temps (a). Richesse des espèces, du Jurassique au Pléistocène et en haut à gauche un gastéropode fossile représentatif du Crétacé supérieur nommé <em>Pyrgulifera armata</em> (b). Ratio de survivants des espèces et de la richesse du genre avant et après l'événement d'extinction (en gris). © Neubauer, TA, Hauffe, T., Silvestro, D. et al. 2021
    Diversité des gastéropodes d'eau douce en Europe à travers le temps (a). Richesse des espèces, du Jurassique au Pléistocène et en haut à gauche un gastéropode fossile représentatif du Crétacé supérieur nommé Pyrgulifera armata (b). Ratio de survivants des espèces et de la richesse du genre avant et après l'événement d'extinction (en gris). © Neubauer, TA, Hauffe, T., Silvestro, D. et al. 2021

    Concernant les prévisions futures, le modèle des chercheurs, basé sur les données de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICNUICN), prévoit que 75 % de toutes les espèces européennes de gastéropodes d'eau douce pourraient disparaître avant la fin du millénaire, si les tendances actuelles ne sont pas inversées.

    Prédiction du nombre d'espèces éteintes au cours des 50, 80 et 100 prochaines années, sur la base de l'état de conservation actuelle des espèces de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). © Neubauer, TA, Hauffe, T., Silvestro, D. et al. 2021
    Prédiction du nombre d'espèces éteintes au cours des 50, 80 et 100 prochaines années, sur la base de l'état de conservation actuelle des espèces de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). © Neubauer, TA, Hauffe, T., Silvestro, D. et al. 2021

    Même si ces résultats montrent des perspectives, profondément inquiétantes, ils ne prennent pas en compte qu'un seul groupe d'animaux. Le vivant reste complexe, imprévisible, mais surtout très résilientrésilient. Ce n'est donc pas l'entièreté de la vie sur Terre qui est menacée, mais d'abord l'avenir des humains. En effet, la biosphèrebiosphère ne pourra peut-être plus fournir les services qu'elle offre actuellement, si les déséquilibres persistent.

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