Selon les renseignements ukrainiens, l’armée russe aurait miné le site de la centrale nucléaire de Zaporijia et se préparerait à provoquer un « accident » nucléaire. Même s’ils restent prudents, les experts indépendants affirment n’avoir rien vu de la sorte sur place. Ludovic Dupin, le directeur de l'information de la Société française d'énergie nucléaire (Sfen), décrypte pour nous la situation.
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Depuis le début de la guerre en Ukraine, une attention particulière est portée au devenir de la centrale nucléaire de Zaporijia. Et ces derniers jours, la tension est encore montée d'un cran lorsque les renseignements ukrainiens ont fait état d'un plan imaginé par les forces russes pour faire exploser l'installation. Les réacteurs 3 et 4 de la plus grande centrale nucléaire d'Europe auraient été minés. Et cette possibilité fait peur. Devons-nous nous attendre à un nouveau Fukushima ? Pire, à un nouveau Tchernobyl ?
Il est tout d'abord bon de préciser que depuis l'explosion du barrage de Kakhovka il y a quelques semaines maintenant, les six réacteurs de la centrale de Zaporijia sont « en arrêt à froid ». Cela signifie que le cœur du réacteur se trouve à une température inférieure à 100 °C et que la pressionpression dans le système se situe au niveau de la pression atmosphérique, soit à environ 1 barbar. « Alors que normalement, un réacteur nucléaire fonctionne à environ 150 bars et 300 °C , nous explique Ludovic Dupin, le directeur de l'information de la Société française d'énergieénergie nucléaire (Sfen). En d'autres mots, la puissance résiduelle dans ces réacteurs est aujourd'hui de l'ordre d'un centième à un millième de ce qu'elle est lorsque ces réacteurs sont en fonctionnement. Résultat, les besoins en refroidissement et en surveillance sont très significativement réduits. À Fukushima, nous avions assisté à la coupure d'un réacteur à pleine puissance. D'où l'urgence. Ici, les réacteurs sont quasiment froids. S'il devait y avoir un "incident", nous aurions du temps pour agir », nous assure Ludovic Dupin.
Mais quel type d'« accidentaccident » pourrait-il se produire ? « Il faut reconnaître qu'une centrale nucléaire n'est pas dimensionnée pour résister à un conflit armé. Cependant, il semblerait que les armements conventionnels actuellement utilisés de type roquettes, mortiers ou mines, ne peuvent pas endommager sérieusement un bâtiment réacteur. » Parce que le cœur du réacteur est placé dans une cuve en acieracier de plusieurs centimètres d'épaisseur. Une cuve elle-même protégée par une enceinte de béton armébéton armé de plusieurs mètres d'épaisseur. Les fameuses mines dont il a beaucoup été question ces jours-ci, et dont la présence sur site, rappelons-le, n'a pas pu être confirmée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ne serait pas tant à craindre.
Des points plus sensibles sur le site
« Il y a d'autres points plus sensibles sur le site de Zaporijia », souligne tout de même Ludovic Dupin. Les pompes à eaupompes à eau, par exemple, ou un site de stockage de déchets. « Ils sont moins protégés et pourraient être plus sensibles à des attaques. »
« Si demain les pompes à eau étaient détruites, nous serions dans une situation d'urgence à laquelle il faudrait répondre. » Une urgence relative tout de même toujours. De quelques jours à quelques semaines. « Si toutes les pompes étaient détruites ou si la centrale n'avait plus accès à l'eau, la solution la plus simple serait de reconstruire les pompes ou de les réinstaller plus loin dans le réservoir. C'est totalement imaginable. Car depuis le début du conflit, un des rares endroits où Russes et Ukrainiens "s'entendent", c'est pour s'occuper de la centrale de Zaporijia. Son alimentation en carburant pour les générateursgénérateurs diesel ou en pièces détachées n'a jamais été interrompue. On peut donc tout à fait imaginer que de nouvelles pompes pourraient être livrées en cas de besoin. »
L'AIEA évoque aussi la possibilité de compter sur des camions-citernes pour livrer de l'eau. Il existerait également, sur le site, des puits qui descendent jusqu'à la nappe phréatique et desquels la centrale pourrait pomper son eau.
« Quant aux déchets nucléairesdéchets nucléaires stockés sur le site, il ne s'agit pas de combustiblescombustibles usés, nous précise Ludovic Dupin. Pas de plutoniumplutonium, pas d'uraniumuranium. Simplement des effluents radioactifs. Quelques matériaux. Mais il faut les traiter et les sécuriser. » Il y a déjà eu de légers dégâts sur le bâtiment au début du conflit. « S'il devait être sérieusement endommagé, il pourrait apparaître une légère pollution radioactive très locale. Les experts parlent de quelques centaines de mètres autour de la centrale. Cela compliquerait surtout la poursuite des opérations au sein de l'installation. »
Un scénario catastrophe en vue ?
Mais que se passerait-il dans le cas d'un « scénario catastrophe » ? « On ne se retrouverait pas dans une situation à la Tchernobyl ou encore à la Fukushima. Mais plutôt dans quelque chose qui ressemblerait à ce qui s'est produit à Three Mile Island. » Moins connu du public, il reste le 3e accident le plus grave survenu dans le secteur du nucléaire civil. Aux États-Unis, cette fois. C'était en 1979. « Suite à une erreur, la centrale a perdu son système de refroidissement et le cœur a fondu. Il a créé un mélange d'uranium, de zirconiumzirconium et d'acier qui s'est répandu au bas de la cuve. Le réacteur a été arrêté et est devenu inutilisable. La pollution est restée essentiellement à l'intérieur de la centrale. »
« L'enjeu à Zaporijia, c'est que le cœur du réacteur n'atteigne pas cette température qui le fasse fondre. Cela pourrait se produire si le site perdait, demain, son alimentation en eau ou en électricité et qu'elle n'est pas rétablie dans les jours ou les semaines suivantes. » Précisons que depuis le début du conflit, le site a déjà perdu sept fois son alimentation en électricité. Les générateurs diesel ont pu prendre le relais à chaque fois. L'alimentation en eau est aujourd'hui menacée par la destruction du barrage de Kakhovka. « Heureusement, il y a un réservoir sur le site et qui offre un back-up. »
“Un réacteur de ce type ne peut pas exploser”
Pour conclure, il est important de souligner qu'un accident de type Tchernobyl ne peut pas se produire du côté de la centrale de Zaporijia. Parce que la technologie au cœur du réacteur nucléaire n'est pas la même. « Nous avons là une centrale à eau légère qui fonctionne à partir d'un uranium faiblement enrichi. Un réacteur de ce type ne peut pas exploser », nous précise Ludovic Dupin. À Tchernobyl, c'est le graphitegraphite utilisé pour transporter la chaleurchaleur qui avait brûlé au contact de l'airair. « Ensuite parce que l'uranium utilisé n'est pas assez enrichi pour entraîner une réaction en chaîneréaction en chaîne. C'est une réalité physiquephysique. » Dans une bombe nucléaire, pour provoquer ladite réaction en chaîne, l'uranium est enrichi à plus de 90 %. Dans un réacteur de type Zaporijia, l'uranium est enrichi à environ 4 %.
Même si après plusieurs agressions depuis le début de la guerre en Ukraine, la centrale nucléaire apparaît très résistante, la situation à Zaporijia reste malgré tout « inacceptable » selon l'AIEA. Toutefois, « jusqu'ici, tous les back-up ont fonctionné ». C'est une satisfaction. « Mais les marges de sûreté sont de plus en plus grignotées et il ne faudrait pas que ça aille trop loin. » Et les conditions de travail des opérateurs ukrainiens sur site pourraient bien finalement constituer le plus gros danger pour les installations. « Depuis plus d'un an, ils sont entourés par des militaires, nous raconte Ludovic Dupin. Il y a des armes sur le site. Et les employés de la centrale travaillent dans des conditions très difficiles, très tendues. La fatigue physique et psychologique est devenue le point le plus critique pour la centrale nucléaire. Une erreur ne créera pas un accident. Mais les conditions font qu'il pourrait finir par s'en produire une multitude... »
Centrale nucléaire de Zaporijia : le point sur la situation et les scénarios envisagés
Selon les renseignements ukrainiens, l'armée russe aurait miné le site de la centrale nucléaire de Zaporijia et se préparerait à provoquer un « accident » nucléaire. Même s'ils restent prudents, les experts indépendants affirment n'avoir rien vu de la sorte sur place.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 04/07/2023
« Drafted and approved », comprenez « rédigé et approuvé ». Depuis plusieurs jours, ces mots font trembler. Parce que, selon les services de renseignements ukrainiens, ils auraient été apposés sur des plans visant à faire exploser la centrale nucléaire de Zaporijia. Le tout accompagné d'un ordre d'évacuation avant ce 5 juillet 2023.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui a, depuis plusieurs semaines, renforcé sa surveillance de la centrale nucléaire de Zaporijia et sa présence sur place, faisait le point le 21 juin dernier. Assurant que ses experts n'avaient observé aucune mine sur le site. Pas même dans le périmètre de son bassin de refroidissement. Un point qui semblait stratégiquement plus sensible encore depuis l'explosion du barrage de Kakhovka au début du mois de juin. Les seuls engins explosifs découverts en périphérie, s'ils demeurent bien entendu « non conformes aux normes de sécurité », ne semblaient pas, alors, en mesure de menacer « de manière significative les principales fonctions de sécurité de l'installation ».
En ce début de semaine, Rafael Mariano Grossi, le directeur de l'AIEA, se montrait une fois encore extrêmement prudent. Il confirmait n'avoir pas été témoin, lors de sa récente visite sur place, de quelconques préparatifs d'une attaque russe sur la centrale nucléaire de Zaporijia. « Concernant le futur, je ne m'aventurerais pas à parier sur ce qui va ou qui ne va pas se produire là-bas. Parce que je pense que tout peut arriver. C'est ce qui m'inquiète », nuançait-il au micro de France24.
Un avenir incertain pour la centrale nucléaire de Zaporijia
En attendant, l'Institute for the Study of War (SIW) américain, évoque trois scénarios qui pourraient se jouer sur place. Les Russes pourraient ainsi d'abord être tentés de déverser de l'eau contaminée dans le réservoir attenant du barrage de Kakhovka. Ils pourraient aussi viser un « accident » destiné à rendre seulement la centrale inaccessible aux troupes ukrainiennes. Ou encore, envisager la formation d'un panache radioactif qui toucherait une zone plus étendue cette fois bien que les réacteurs soient a priori conçus pour l'empêcher. Mais à première vue, aucun de ces scénarios ne se révèlerait finalement avantageux pour les forces russes.
Le saviez-vous ?
Sur les 6 réacteurs nucléaires de la centrale de Zaporijia, 5 sont en arrêt à froid depuis plusieurs mois maintenant. Les conséquences d’une explosion sur ceux-ci seraient « limitées ». Le dernier réacteur, lui, est en arrêt à chaud. Les fuites radioactives le concernant pourraient être plus importantes.
Dans le même temps, l'AIEA publiait hier des nouvelles « rassurantes » de la situation du côté de la centrale nucléaire de Zaporijia. Les experts rapportent en effet que, si « la situation reste fragile et n'est certainement pas durable », l'installation vient tout de même d'être reconnectée à une ligne électrique de secours. C'est important parce que pour assurer la sûreté et la sécurité de la centrale nucléaire ainsi que le refroidissement du réacteur, le site a besoin d'électricité. Depuis plusieurs mois, il ne pouvait plus compter que sur une seule ligne principale de 750 kV -- contre quatre avant le début de la guerre. Désormais, une ligne de 330 kV est de nouveau sous tension et maintenue en secours pour le cas où la ligne de 750 kV venait à connaître une défaillance.
Mais les choses évoluent décidément très vite. Car à peine l'annonce de la reconnexion à la ligne de secours faite, c'est la connexion à la seule ligne principale restante qui a été perdue. Faisant une fois de plus preuve de la fragilité de la situation.
Côté refroidissement, les derniers rapports font état d'une situation stable après l'explosion du barrage de Kakhovka qui a eu lieu au début du mois de juin. « Le grand bassin de refroidissement, les petits bassins de pulvérisation et le canal dcanal d'évacuation ont suffisamment d'eau pour quelques mois, mais la centrale nucléaire de Zaporijia prend également des mesures pour préserver et reconstituer ces réserves autant que possible », explique Rafael Mariano Grossi. Avant de rappeler que « aujourd'hui plus que jamais, toutes les parties doivent adhérer pleinement aux principes de base de l'AIEA visant à prévenir un accident nucléaire. »
Ukraine : la centrale nucléaire de Zaporojie a subi des tirs sur des réacteurs et des déchets radioactifs
Il y a une semaine, l'attaque par les forces russes de la centrale nucléaire de Zaporojie, en Ukraine, faisait trembler l'Europe entière. Les autorités se montraient rassurantes. Même si l'International Atomic Energy Agency (IAEA) reconnaissait une situation « tendue ». Aujourd'hui, des images laissent supposer que nous avons réellement frôlé la catastrophe !
Article de Nathalie Mayer paru le 13/03/2022
Quelques heures seulement après l'attaque des forces russes sur la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporojie, les autorités s'étaient voulues rassurantes. L'International Atomic Energy Agency (IAEA) -- un organisme de surveillance placé sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU) -- assurait qu'aucun équipement « essentiel » n'avait été touché et qu'aucune hausse du niveau de radioactivité n'avait été détectée.
L'histoire que nous raconte aujourd'hui la National Public Radio américaine est pourtant celle d'une attaque qui aurait bien pu tourner à la catastrophe nucléaire. Une histoire basée sur des photos et une vidéo enregistrée par une caméra de sécurité.
Des images de l’attaque russe
Des images montrent d'abord comment, en pleine nuit, une colonne russe a commencé à se diriger vers la centrale nucléaire de Zaporojie. Une dizaine de véhicules blindés et deux chars. Beaucoup trop pour une simple mission de reconnaissance. Quand les tirs ont commencé, ils visaient essentiellement le centre de formation et le bâtiment administratif principal du site.
Mais la vidéo montre aussi que les forces russes ont tiré à plusieurs reprises à l'arme lourde en direction des bâtiments qui abritent les réacteurs de la centrale nucléaire. En réponse à des tirs ukrainiens ? Ou simplement avec la volonté de frapper des zones sensibles de la centrale ? La question demeure.
Pourtant une chose est certaine aujourd'hui, c'est que d'autres endroits que le centre de formation et le bâtiment administratif ont été visés et touchés. La vidéo montre que le bâtiment du réacteur numéro 1 a subi des dommages tout comme le transformateurtransformateur du réacteur numéro 6 et la plateforme de combustible usé. L'autorité de régulation nucléaire ukrainienne le confirme. Et l'IAEA confirme aussi que deux des quatre lignes à haute tension -- des lignes essentielles à la sécurité de l'installation -- situées à l'extérieur de la centrale ont été touchées.
Les images montrent aussi comment les forces russes ont d'abord fermé aux pompiers l'accès au site. Alors même qu'un incendie s'était déclenché dans le bâtiment de formation.
Les inquiétudes demeurent
Sur les images filmées plus tard par Energoatom, l'opérateur ukrainien du site, on découvre des dommages causés par l'attaque du côté du réacteur numéro 2. Ce qui ressemble à un obus d'artillerie russe sur une passerellepasserelle. Et des trous dans le plafond de cette passerelle ainsi que des dommages sur les poutrespoutres en acier qui soutiennent le toittoit. Le tout vraisemblablement à moins de 100 mètres du réacteur en question.
Mais ce n'est presque pas le plus grave. Car en réalité, selon les observateurs, le vrai problème viendrait du fait que cette passerelle longe un bâtiment dans lequel sont stockés les déchets radioactifs de la centrale. Un bâtiment bien moins protégé contre les attaques que les réacteurs en eux-mêmes.
En conclusion, les experts semblent noter que si l'intégritéintégrité physique des réacteurs nucléaires de la centrale de Zaporojie n'a effectivement pas été mise en danger, les systèmes nécessaires à assurer la sécurité du site ont bien été exposés. Si davantage de ces systèmes avaient été endommagés sans que les ingénieurs n'aient accès aux systèmes de secours d'urgence, une catastrophe aurait bel et bien pu se produire. Un accident nucléaire semblable à celui survenu à Fukushima en 2011.
Les autorités ukrainiennes s'inquiètent désormais du manque de pièces pour réparer les zones endommagées. Mais aussi de la forte pression psychologique que subissent les équipes en place.
Attaque de la centrale nucléaire de Zaporojie : « C’est une situation sans précédent ! »
Cette nuit, la centrale nucléaire de Zaporojie, en Ukraine, a été le théâtre d'une attaque russe. Un incendie s'est déclaré. Heureusement, seulement deux blessés sont à déplorer. La sécurité et la sûreté de l'installation nucléaire semblent de nouveau assurées. Les risques d'accident nucléaire semblent écartés, mais la situation reste « tendue », selon Rafael Mariano Grossi, le directeur de l'International Atomic Energy Agency (IAEA), lui-même.
Article de Nathalie Mayer paru le 04/03/2022
De l'Ukraine, nous connaissions tous la tristement célèbre centrale nucléaire de Tchernobyl. D'autant qu'elle a refait parler d'elle il y a une semaine, au début de l'opération militaire russe dans le pays. Mais Tchernobyl n'est pas la seule centrale nucléaire en Ukraine. Le pays compte, en tout, quinze réacteurs. Parmi lesquels, les six qui constituent la centrale nucléaire de Zaporojie. La plus grande centrale nucléaire d'Europe.
Ce matin, c'est elle qui est au cœur de l'actualité. Parce qu'elle a été, cette nuit même, la cible d'une attaque russe. Selon les autorités ukrainiennes, des tirs de chars ont déclenché un incendie sur le site. Une opération qui a suscité de vives réactions. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky accuse la Russie de vouloir instaurer la « terreur nucléaire ». Et Boris Johnson va jusqu'à évoquer une « menace directe pour la sécurité de toute l'Europe ». Mais qu'en est-il vraiment ?
Selon les informations dont nous disposons, les tirs ont visé un bâtiment administratif et un laboratoire. Comme l'a si bien précisé Volodymyr Zelensky, « les chars russes sont équipés de viseurs thermiques donc ils savent ce qu'ils font ». On peut ainsi supposer que l'attaque de cette nuit ne visait pas directement le cœur de la centrale nucléaire de Zaporojie. L'un de ses réacteurs. D'ailleurs, l'incendie localisé qui en a suivi a été maîtrisé. Et selon l'International Atomic Energy Agency (IAEA) - un organisme de surveillance placé sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU) -, aucun équipement « essentiel » n'a été touché et aucune hausse du niveau de rayonnement n'a été détectée.
Ainsi, il y a fort à parier que l'objectif de l'armée russe n'a jamais été de provoquer un accident nucléaire. Mais tout simplement de prendre la main sur cette centrale qui produit, selon les sources, entre un cinquième et même un quart de l'électricité en Ukraine. Près de la moitié de l'énergie produite par les centrales nucléaires du pays. Avec à l'esprit que l'opération pourrait avoir un effet collatéralcollatéral intéressant pour le grand exportateur qu'est la Russie : une nouvelle augmentation des prix du pétrolepétrole.
Les conséquences de l’attaque
Alors pourquoi les réactions sont-elles ce matin aussi vives ? Parce que le monde entier garde en mémoire l'accident de Tchernobyl et les conséquences qu'il a eues sur la région. Et plus largement sur l'Europe entière.
Les autorités ukrainiennes assurent que la sûreté nucléaire est désormais à nouveau garantie. Le secrétariat à l'énergie américain a confirmé que les réacteurs de la centrale de Zaporojie « sont protégés par des structures de confinement robustes » et qu'ils « sont arrêtés en toute sécurité ». Un seul des réacteurs de la centrale reste en fonctionnement. « À 60 % de ses capacités », précise Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l'IAEA dans une conférence de presse tenue il y a quelques minutes.
Les experts notent par ailleurs que, même si centrales nucléaires et tirs de missilesmissiles ne peuvent pas faire bon ménage, les risques d'explosion, de fusion nucléairefusion nucléaire non contrôlée ou de rejets radioactifs sont plus faibles ici qu'ils ont pu l'être par le passé du côté de Tchernobyl. Pourquoi ? Parce que les réacteurs de la centrale de Zaporojie sont des réacteurs dits à eau pressurisée - ou PWR pour pressurized water reactor. L'eau destinée à maintenir ce type de réacteurs au frais - et à éviter l'emballement - circule dans un circuit séparé de celui qui alimente la turbine et l'extérieur. Ces réacteurs sont aussi équipés d'un système de refroidissement d'urgence de secours. Des systèmes d'injection à la fois à haute et à basse pression.
Certains envisagent le pire des scénarios comme à hauteur de la catastrophe survenue à Fukushima (Japon) en 2011. Un tsunami avait alors désactivé le système de refroidissement, provoquant d'importantes émissionsémissions radioactives. Ainsi reste-t-il crucial de veiller au bon fonctionnement des pompes à eau utilisées pour refroidir les réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporojie. De s'assurer qu'à aucun moment les connexions ne sont coupées et que les lignes de transmission restent intactes. Autre risque identifié : le combustible usé, mais toujours radioactif. Il doit, lui aussi, impérativement être maintenu au frais.
« La situation reste tendue »
« La situation est sans précédent », déclare Rafael Mariano Grossi. Le directeur général de l'IAEA précise être en contact permanent avec les autorités, mais aussi avec le personnel de la centrale. Il confirme que le personnel ukrainien continue d'opérer la centrale, même si les forces russes ont pris le contrôle du site. « D'habitude, j'aurais dit qu'ils continuent à opérer la centrale normalement, mais il n'y a plus rien de normal ici », souligne Rafael Mariano Grossi. Il assure cependant une fois de plus que ni les réacteurs ni les dépôts de combustibles usés n'ont été affectés. Les systèmes de mesure des radiations demeurent fonctionnels et ne montrent aucune augmentation de l'activité. Mais « la situation reste tendue ».
Rafael Mariano Grossi est apparu déterminé. « Les mots ont un sens et nous allons désormais devoir agir en conséquence. L'heure de l'action est venue. L'Ukraine a appelé notre aide. J'ai décidé de me rendre à Tchernobyl. » Avec dans l'idée de rappeler à l'Ukraine et à la Russie, les principes fondamentaux à respecter par toute personne qui souhaite maintenir la sécurité et la sûreté nucléaire mondiale. « Lorsque j'ai évoqué ces principes il y a quelques jours seulement, tous nos administrateurs ont acquiescé sans retenue. Pourtant, le premier de ces principes vient tout juste d'être bafoué », souligne avec fermeté le directeur général de l'IAEA, qui demande d'assurer, en toutes circonstances, l'intégrité physique des installations nucléaires. « Par chance, les réacteurs n'ont pas été touchés cette fois. Par chance... »